Montero Mateos v Agencia Madrileña de Atención Social de la Consejería de Políticas Sociales y Familia de la Comunidad Autónoma de Madrid.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:1021
Docket NumberC-677/16
Celex Number62016CC0677
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 December 2017
62016CC0677

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑677/16

Lucía Montero Mateos

contre

Agencia Madrileña de Atención Social de la Consejería de Políticas Sociales y Familia de la Comunidad Autónoma de Madrid

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social no 33 de Madrid (Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non‑discrimination des travailleurs à durée déterminée – Droit du travailleur à une indemnité au terme du contrat de travail – Contrat de travail à durée déterminée sous forme de contrat de travail de interinidad – Inégalité de traitement par rapport à des travailleurs permanents »

I. Introduction

1.

Est-il discriminatoire qu’un travailleur à durée déterminée n’ait droit à aucune indemnité versée par son employeur pour l’expiration de son contrat de travail ou qu’il ait droit en tout cas à un montant moindre qu’un travailleur dont le contrat de travail prend fin en raison d’une résiliation pour raison objective par l’employeur ? Telle est en substance la question que la Cour doit examiner en l’espèce. Ainsi, l’attention se focalise une fois de plus sur la protection des travailleurs à durée déterminée contre les abus et les discriminations, qui est depuis quelque temps une préoccupation de l’Union européenne et dont la Cour a déjà été saisie à plusieurs reprises.

2.

En l’espèce, la question de la discrimination se pose dans le cas d’une travailleuse espagnole qui a été employée pendant plusieurs années par une collectivité publique dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée pour occuper un poste provisoirement vacant, et ce jusqu’à ce que soit connu le résultat d’une procédure de recrutement destinée à pourvoir définitivement ce poste. Selon le droit espagnol, lorsqu’un tel contrat de travail de remplacement ou dans l’attente du pourvoi d’un poste, dit « contrat de travail de interinidad » ( 2 ), expire, la travailleuse n’a droit à aucune indemnité, alors qu’un travailleur, dont le contrat de travail est résilié par l’employeur pour une raison objective, a droit à une indemnité.

3.

L’arrêt de Diego Porras ( 3 ), prononcé en 2016, a vu une discrimination contraire au droit de l’Union dans l’absence de toute indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée. À présent, la Cour est invitée à revoir sa jurisprudence d’alors ou, à tout le moins, à l’affiner. Ce faisant, elle devra également veiller à la cohérence interne de sa jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

4.

Des problèmes juridiques similaires en substance se posent dans l’affaire Grupo Norte Facility (C‑574/16) ( 4 ), dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui, ainsi que dans les affaires pendantes Rodriguez Otero (C‑212/17) et de Diego Porras (C‑619/17). En outre, l’affaire pendante Vernaza Ayovi (C‑96/17) concerne pour sa part également des questions de discrimination liées au contrat de travail de interinidad espagnol, mais dans un contexte totalement différent.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 5 ). Comme l’indique son article 1er, cette directive vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe de celle-ci, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP).

6.

Globalement, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée vise à énoncer « les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée » et ainsi, notamment, à « améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination » ( 6 ). Il illustre la volonté des partenaires sociaux « d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination » ( 7 ).

7.

Certes, l’accord-cadre considère que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs » ( 8 ). Cependant, il reconnaît que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs » ( 9 ). Il représente « une nouvelle contribution vers un meilleur équilibre entre “la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs” » ( 10 ).

8.

La clause 1 de l’accord-cadre en définit l’objet comme suit :

« Le présent accord-cadre a pour objet :

a)

d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)

d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. »

9.

Concernant le champ d’application de l’accord-cadre, la clause 2, point 1, dispose :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

10.

La clause 3 de l’accord-cadre comporte les « définitions » suivantes :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou pratiques nationales. »

11.

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », est libellée comme suit :

« 1.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.

Lorsque c’est approprié, le principe du prorata temporis s’applique.

[…] »

12.

En outre, il convient de renvoyer à la clause 5 de l’accord-cadre qui est consacrée aux « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive » :

« 1.

Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)

des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)

a durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successif ;

c)

le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.

Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)

sont considérés comme “successifs”;

b)

sont réputés conclus pour une durée indéterminée ».

B. Le droit espagnol

13.

Les dispositions du droit espagnol pertinentes sont celles du statut des travailleurs ( 11 ), dans la version en vigueur au moment de la conclusion du contrat de travail litigieux.

1. Dispositions générales

14.

L’article 15, paragraphe 1, du statut des travailleurs prévoit que le contrat de travail peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée, tout en énumérant de manière détaillée les motifs permettant de le conclure pour une durée déterminée.

15.

De surcroît, l’article 15, paragraphe 6, du statut des travailleurs prévoit la disposition suivante visant à assurer une égalité de traitement des travailleurs temporaires et des travailleurs à durée déterminée :

« Les travailleurs temporaires et à durée déterminée jouissent des mêmes droits que les travailleurs à durée indéterminée, sans préjudice des particularités spécifiques à chacune des modalités contractuelles en matière de résiliation du contrat, et de celles...

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