Zino Davidoff SA v A & G Imports Ltd and Levi Strauss & Co. and Others v Tesco Stores Ltd and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:205
Docket NumberC-414/99,C-416/99
Celex Number61999CC0414
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 April 2001
EUR-Lex - 61999C0414 - FR 61999C0414

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 5 avril 2001. - Zino Davidoff SA contre A & G Imports Ltd et Levi Strauss & Co. et autres contre Tesco Stores Ltd et autres. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court) - Royaume-Uni. - Marques - Directive 89/104/CEE - Article 7, paragraphe 1 - Epuisement du droit conféré par la marque - Mise sur le marché en dehors de l'EEE - Importation dans l'EEE - Consentement du titulaire de la marque - Nécessité d'un consentement exprès ou implicite - Loi applicable au contrat - Présomption de consentement - Inapplicabilité. - Affaires jointes C-414/99 à C-416/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-08691


Conclusions de l'avocat général

Remarques liminaires

1. Les affaires en cause ici portent une nouvelle fois sur le problème de l'épuisement des droits de marque dans les affaires dites de «réimportations grises».

2. Dans ce contexte, la Cour est appelée à se prononcer sur l'interprétation des notions de «consentement» et de «motifs légitimes» inscrites à l'article 7 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (ci-après la «directive sur les marques»). Dans les questions détaillées qu'elle a adressées à la Cour, la juridiction de renvoi s'interroge d'abord sur les circonstances qui permettent de déduire que le titulaire de la marque a donné son consentement. Dans l'affaire C-414/99, elle pose en outre des questions relatives aux «motifs légitimes», qui peuvent s'opposer à un épuisement du droit conféré par la marque tel qu'il est prévu à l'article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques.

3. La Cour a eu déjà l'occasion de se prononcer à deux reprises sur l'article 7 de la directive sur les marques en relation avec des importations en provenance de pays tiers. Dans l'arrêt Silhouette International Schmied , elle a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, s'oppose à des règles nationales prévoyant l'épuisement international du droit conféré par une marque. Elle a confirmé cette conception dans l'arrêt Sebago et Maison Dubois en ajoutant qu'il n'y a épuisement des droits conférés par la marque que si le consentement porte sur chaque exemplaire du produit pour lequel l'épuisement est invoqué.

4. Pour autant que nous puissions en juger, les questions qui sont posées dans la présente affaire paraissent fondées sur une attitude critique à l'égard de l'exclusion de l'épuisement international des droits conférés par une marque, conformément à la directive sur les marques . Cette exclusion doit en principe permettre aux titulaires de marques dans l'Espace économique européen (ci-après l'«EEE») de s'opposer aux importations dans l'EEE de produits revêtus de leur marque qui ont d'abord été mis sur le marché à l'extérieur de l'EEE. La portée du principe de l'épuisement communautaire est par conséquent étroitement liée à la notion de consentement.

I - Les faits

Affaire C-414/99

5. La demanderesse au principal, Zino Davidoff SA (ci-après Davidoff), est titulaire de deux marques «Cool Water» et «Davidoff Cool Water», enregistrées au Royaume-Uni et utilisées pour une large gamme de produits de toilette et de cosmétiques. Ces produits sont fabriqués sous licence pour la demanderesse et vendus par elle ou pour son compte à la fois dans l'EEE et en dehors de cette zone.

6. Les produits, leur conditionnement et leur marquage sont identiques, indépendamment de la partie du monde où ils sont vendus.

7. Les produits de la demanderesse portent des numéros de lots. Ce marquage vise à satisfaire aux dispositions de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976 , qui aurait été transposée au Royaume-Uni par les Cosmetic Products (Safety) Regulations 1996 (SI 2925/1996).

8. La défenderesse au principal, A & G Imports Ltd (ci-après «A & G»), a acquis des stocks de produits de la demanderesse, qui avaient été initialement mis sur le marché à Singapour par celle-ci ou avec son consentement.

9. Elle a importé ces stocks dans la Communauté, ici, en Angleterre et a commencé à les y vendre. Ces produits ne se distinguent des autres produits de la marque Davidoff que dans la mesure où un opérateur de la chaîne de distribution des produits en cause a retiré ou effacé les numéros de lots, en tout ou en partie, comme cela résulte du litige au principal.

10. En 1998, Davidoff a assigné A & G devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court), en faisant valoir, notamment, que l'importation et la vente en Angleterre des marchandises provenant de Singapour violaient les droits qu'elle tirait de l'enregistrement de ses marques.

11. A & G a soutenu que l'importation et la vente avaient été effectuées avec le consentement de Davidoff, ou devaient être considérées comme telles, compte tenu des circonstances dans lesquelles les produits avaient été mis dans le commerce à Singapour. Elle a invoqué à cet égard les dispositions des articles 7, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive sur les marques.

12. Davidoff a contesté avoir consenti ou pouvoir être considérée comme ayant consenti aux activités d'A & G. Elle a invoqué en outre des motifs légitimes, au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques, pour s'opposer à l'importation et à la commercialisation de ses produits. Ces motifs étaient tirés du retrait ou de l'effacement, en tout ou en partie, des numéros de lots.

13. Par décision du 18 mai 1999, la juridiction de renvoi a rejeté la demande de référé dans le litige pendant entre les deux parties au principal, en considérant que A & G disposait d'une défense qui n'était pas manifestement infondée. Elle a cependant estimé que cette procédure soulevait, notamment en ce qui concerne la signification et les effets de l'article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive sur les marques, des questions essentielles auxquelles il était nécessaire de répondre pour pouvoir statuer dans le cadre d'un procès complet.

14. La High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patent Court), demande par conséquent à la Cour de justice de se prononcer sur les questions suivantes:

«1) Y a-t-il lieu d'interpréter la notion de mise dans le commerce dans la Communauté avec le consentement du titulaire d'une marque, au sens de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), en ce sens qu'elle inclut tout consentement tant exprès qu'implicite et tant direct qu'indirect?

2) Lorsque:

i) le titulaire d'une marque a permis ou consenti au transfert de produits à un tiers dans des circonstances telles que le droit dont dispose ce dernier pour procéder à la commercialisation ultérieure des produits dépend de la loi du contrat en vertu duquel il les a achetés, et

ii) que ce droit permet au vendeur d'imposer des restrictions à la commercialisation ultérieure ou à l'usage des produits par l'acheteur mais prévoit également que, à moins que des restrictions effectives au droit de l'acheteur de procéder à la commercialisation ultérieure du produit n'aient été imposées par ou pour le compte du titulaire, le tiers est en droit de commercialiser le produit dans n'importe quel pays, y compris dans la Communauté,

alors, si aucune restriction effective n'a été imposée conformément à ce droit pour limiter le droit du tiers de commercialiser les produits, y a-t-il lieu d'interpréter la directive en ce sens qu'il faut présumer le consentement du titulaire au droit ainsi acquis par le tiers de commercialiser les produits dans la Communauté?

3) S'il convient de répondre à la deuxième question par l'affirmative, appartient-il aux juridictions nationales de déterminer si, eu égard à l'ensemble des circonstances, des restrictions effectives ont été imposées au tiers?

4) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que tout acte d'un tiers qui affecte considérablement la valeur, l'attrait ou l'image de la marque ou des produits sur lesquels elle a été apposée constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits?

5) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que la suppression ou l'effacement par des tiers (en tout ou en partie) de n'importe quel marquage figurant sur le produit constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits, lorsque ladite suppression ou ledit effacement n'entraînera vraisemblablement aucun préjudice grave ou considérable à la réputation de la marque ou des produits qui la portent?

6) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 7, paragraphe 2, de la directive en ce sens que la suppression ou l'effacement par des tiers (en tout ou en partie) des numéros de lots figurant sur les produits constitue un motif légitime dont le titulaire peut se prévaloir pour s'opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits, lorsqu'il résulte de ladite suppression ou dudit effacement que les produits concernés

i) violent une quelconque partie du code pénal d'un État membre (qui n'est pas consacrée aux marques) ou

ii) violent les dispositions de la directive 76/768/CEE

Affaires C-415/99 et C-416/99

15. Levi Strauss & Co., société constituée selon les lois du Delaware (États-Unis d'Amérique), est titulaire des marques LEVI'S et 501, enregistrées au Royaume-Uni, entre autres, pour des jeans.

16. Levi Strauss (UK) Ltd, société de droit anglais, est titulaire, au Royaume-Uni, d'une licence de marque concédée par Levi Strauss & Co. pour la fabrication, la vente et la distribution, notamment, de jeans Levi's 501. Elle vend elle-même ces produits au Royaume-Uni et elle octroie également...

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