Class International BV v Colgate-Palmolive Company and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:318
Date26 May 2005
Celex Number62003CC0405
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-405/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 26 mai 2005 (1)

Affaire C-405/03

Class International BV

contre

Unilever NV e.a.






1. La présente demande de décision préjudicielle du Gerechtshof te ‘s‑Gravenhage (cour d’appel de La Haye) (Pays-Bas) porte en substance sur l’interprétation de l’expression «usage [d’un signe] dans la vie des affaires» de l’article 5 de la directive 89/104/CEE (2). Plus précisément, la juridiction de renvoi voudrait savoir i) si l’introduction dans la Communauté, au moyen de la procédure du transit externe, de marchandises non communautaires revêtues d’une marque authentique, l’entreposage de ces marchandises dans des entrepôts douaniers communautaires ou la mise en vente ou la vente des marchandises ainsi entreposées, dans toutes ces hypothèses en l’absence du consentement du titulaire de la marque, doivent être considérés comme l’«usage [d’un signe] dans la vie des affaires» au sens de l’article 5, et ii) sur laquelle des parties pèse la charge de la preuve dans l’action relative à l’atteinte portée à la marque qui naît de telles situations.

2. Le consentement du titulaire de la marque à ces opérations présente un intérêt du fait du principe de l’épuisement communautaire des droits de marque. Ce principe, développé à l’origine par la Cour dans le cadre des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE), est maintenant repris par l’article 7 de la directive sur les marques. Ce principe veut en substance que le titulaire ne peut faire valoir ses droits pour des marchandises commercialisées dans la Communauté sous cette marque par lui-même ou avec son consentement (3).

Les dispositions communautaires pertinentes

La législation sur le droit des marques

3. L’article 5 de la directive sur les marques est libellé comme suit:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

[…]

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) […]

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

[…]»

4. L’article 9, paragraphes 1, sous a), et 2, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94 (4) prévoit des dispositions identiques, pour ce qui est des marques communautaires, à celles de l’article 5, paragraphes 1, sous a), et 3, sous b) et c), de la directive sur les marques.

Législation douanière

5. L’article 24 CE prévoit:

«Sont considérés comme étant en libre pratique dans un État membre les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les formalités d’importation ont été accomplies et les droits de douane […] ont été perçus dans cet État membre, et qui n’ont pas bénéficié d’une ristourne totale ou partielle de ces droits et taxes.»

6. L’article 37, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 (5) prévoit que les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté sont, dès cette introduction, soumises à la surveillance douanière. L’article 38, paragraphe 1, sous a), prévoit que lesdites marchandises doivent être conduites sans délai par la personne qui a procédé à cette introduction au bureau de douane désigné par les autorités douanières. L’article 48 exige que les marchandises non communautaires soient présentées en douane pour y recevoir une des destinations douanières admises pour de telles marchandises.

7. L’article 4, point 15, du règlement n° 2913/92, définit comme «destination douanière d’une marchandise» son placement sous un régime douanier. L’article 4, point 16, définit comme «régime douanier» le «transit» et l’«entrepôt douanier».

8. L’article 59 prévoit:

«1. Toute marchandise destinée à être placée sous un régime douanier doit faire l’objet d’une déclaration pour ce régime douanier.

2. Les marchandises communautaires déclarées pour le régime […] du transit ou de l’entrepôt douanier se trouvent sous surveillance douanière dès l’acceptation de la déclaration en douane et jusqu’au moment où elle sortent du territoire douanier de la Communauté ou sont détruites ou jusqu’au moment où la déclaration en douane est invalidée.»

Le régime de transit externe

9. Le régime de transit externe concerne de manière générale les marchandises provenant de pays tiers et qui ne sont pas en libre pratique dans la Communauté. La Cour a exposé de la façon suivante la fiction juridique qui sous‑tend ce régime:

«Les marchandises placées sous ce régime ne sont soumises ni aux droits à l’importation correspondants ni aux autres mesures de politique commerciale, comme si elles n’avaient pas accédé au territoire communautaire. En réalité, elles sont importées d’un pays tiers et parcourent un ou plusieurs États membres avant d’être exportées vers un autre pays tiers.» (6)

10. L’article 91, paragraphe 1, du règlement n° 2913/92 prévoit que le régime du transit externe «permet la circulation d’un point à un autre du territoire douanier de la Communauté […] de marchandises non communautaires sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l’importation et aux autres impositions ni aux mesures de politique commerciale».

11. L’article 92 prévoit que le régime de transit externe prend fin «lorsque les marchandises et le document correspondant sont présentés au bureau de douane de destination conformément aux dispositions du régime concerné». Le bureau de douane de destination est celui où les marchandises placées sous le régime du transit communautaire doivent être présentées pour mettre fin au régime (7).

L’entrepôt communautaire

12. L’entrepôt communautaire est un régime qui permet aux importateurs de stocker des marchandises importées lorsque, au moment de l’importation, le sort définitif des marchandises n’est pas connu. Les marchandises pourront par la suite être réexportées, auquel cas il ne devra être payé aucun droit d’importation, ou mises en libre pratique, ce qui entraînera la débition desdits droits. La Cour a déclaré que «la fonction essentielle des entrepôts douaniers est d’assurer le stockage des marchandises» et non de permettre le passage d’une marchandise d’un stade de commercialisation à un autre (8).

13. Étant donné que l’entrepôt douanier fait partie des régimes douaniers économiques (9), le recours à ce régime est subordonné à la délivrance par les autorités douanières d’une autorisation (10). Cette autorisation n’est accordée qu’aux personnes qui offrent toutes les garanties nécessaires pour le bon déroulement des opérations et que si les autorités douanières peuvent assurer la surveillance et le contrôle du régime sans devoir mettre en place un dispositif administratif disproportionné par rapport aux besoins économiques en question (11).

Le litige au principal et les questions posées

14. SmithKline Beecham est une société de droit anglais, titulaire de deux marques Benelux pour des marchandises de la classe 3 (des dentifrices). Beecham Group plc est une société de droit anglais, titulaire d’une marque Benelux et de marques communautaires, toutes pour des marchandises de la classe 3. Les marques sont les marques figuratives Aquafresh consistant en un filet de dentifrice stylisé rayé de rouge, de blanc et de bleu. Nous évoquerons conjointement SmithKline Beecham plc et Beecham Group plc comme «les parties défenderesses» (12).

15. Class International BV (ci-après «la requérante»), une société de droit néerlandais, a acheté en 2001 et 2002, des conteneurs de marchandises auprès d’une entreprise sud-africaine. Le présent litige concerne un conteneur renfermant des produits de dentifrice portant la marque en cause. Les marchandises ont été transportées depuis l’extérieur de l’Espace économique européen (ci-après l’«EEE») vers Rotterdam, en février 2002, à la demande de la requérante, et elles y ont été placées dans un entrepôt douanier. Les produits sont des marchandises de marque authentiques, mais les parties défenderesses n’avaient pas, et n’ont toujours pas, consenti à leur entrée dans l’EEE.

16. Le 5 mars 2002, les autorités douanières ont saisi le conteneur en cause à la demande des parties défenderesses. Selon les observations écrites de la requérante, les marchandises ont été saisies conformément à la réglementation communautaire qui interdit l’entrée de marchandises de contrefaçon et des marchandises pirates pour notamment les régimes d’entrepôt douanier et de transit externe (13), au titre desquels un bureau douanier peut saisir des marchandises dont il a été reconnu qu’elles étaient des marchandises de contrefaçon ou des marchandises pirates lorsque le titulaire de la marque prétendument contrefaite a obtenu une décision en ce sens des autorités douanières compétentes. Il a par la suite été montré que les marchandises en cause n’étaient pas des marchandises de contrefaçon ou des marchandises pirates au sens de cette réglementation.

17. La demande de mainlevée de la saisie opérée sur les marchandises ainsi que la demande de dommages et intérêts ont été rejetées par le président du Rechtbank Rotterdam. La requérante a interjeté appel devant le Gerechtshof, les parties défenderesses ont fait de même. L’appel principal et l’appel incident portent sur la question de savoir si l’emmagasinage temporaire des marchandises de marque authentique dans un entrepôt douanier sous le régime du transit communautaire, et/ou le transit des marchandises vers des pays situés en dehors de l’EEE doivent être considérés comme un usage de la marque au sens de l’article 5 de la directive sur les marques.

18. Le Gerechtshof a constaté qu’il n’avait pas été démontré qu’il existait déjà...

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