Budějovický Budvar, národní podnik v Anheuser-Busch Inc..

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:605
Docket NumberC-482/09
Celex Number62009CJ0482
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 September 2011

Affaire C-482/09

Budějovický Budvar, národní podnik

contre

Anheuser-Busch Inc.

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division))

«Marques — Directive 89/104/CEE — Article 9, paragraphe 1 — Notion de ‘tolérance’ — Forclusion par tolérance — Point de départ du délai de forclusion — Conditions nécessaires pour faire courir le délai de forclusion — Article 4, paragraphe 1, sous a) — Enregistrement de deux marques identiques désignant des produits identiques — Fonctions de la marque — Usage simultané honnête»

Sommaire de l'arrêt

1. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Forclusion par tolérance — Notion

(Directive du Conseil 89/104, art. 9, § 1)

2. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Forclusion par tolérance — Délai de forclusion — Point de départ

(Directive du Conseil 89/104, art. 9, § 1)

3. Rapprochement des législations — Marques — Directive 89/104 — Motifs relatifs de refus ou de nullité — Existence d'une marque antérieure identique protégée pour des produits identiques — Exception — Usage simultané honnête et de longue durée ne portant pas atteinte à la fonction essentielle de la marque

(Directive du Conseil 89/104, art. 4, § 1, a))

1. La tolérance, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104 sur les marques, est une notion du droit de l’Union et le titulaire d’une marque antérieure ne peut être réputé avoir toléré l’usage honnête bien établi et de longue durée, dont il a connaissance depuis longtemps, par un tiers d’une marque postérieure identique à celle de ce titulaire si ce dernier était privé de toute possibilité de s’opposer à cet usage.

En effet, d’une part, le onzième considérant de ladite directive précise que le titulaire de la marque antérieure doit avoir «sciemment toléré» l’usage d’une marque postérieure à la sienne pendant une longue période, c’est-à-dire «délibérément», «en connaissance de cause». Ce même considérant précise qu’il ne doit pas être porté atteinte «de manière inéquitable» aux intérêts du titulaire d’une marque antérieure. Or, il serait inéquitable que le titulaire de la marque antérieure soit forclos pour demander la nullité ou pour s’opposer à l’usage d’une marque postérieure identique, alors même qu’il n’a pas eu la possibilité de le faire.

D’autre part, la directive 89/104 vise à mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et les intérêts d’autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services. Cet objectif implique que, pour sauvegarder cette fonction essentielle, le titulaire d’une marque antérieure doit être en mesure, dans le cadre de l’application de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, de s’opposer à l’usage d’une marque postérieure identique à la sienne.

Toute action administrative ou juridictionnelle introduite par le titulaire de la marque antérieure pendant la période prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104 a pour effet d’interrompre le délai de forclusion par tolérance.

(cf. points 47-50, disp. 1)

2. L’enregistrement de la marque antérieure dans l’État membre concerné ne constitue pas une condition nécessaire pour faire courir le délai de forclusion par tolérance prévu à l’article 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104 sur les marques. Les conditions nécessaires pour faire courir ce délai de forclusion sont, premièrement, l’enregistrement de la marque postérieure dans l’État membre concerné, deuxièmement, le fait que le dépôt de cette marque a été effectué de bonne foi, troisièmement, l’usage de la marque postérieure par le titulaire de celle-ci dans l’État membre où elle a été enregistrée et, quatrièmement, la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l’enregistrement de la marque postérieure et de l’usage de celle-ci après son enregistrement.

(cf. point 62, disp. 2)

3. L’article 4, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104 sur les marques doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque antérieure ne saurait obtenir l’annulation d’une marque postérieure identique désignant des produits identiques dans le cas d’un usage simultané honnête et de longue durée de ces deux marques lorsque cet usage ne porte pas atteinte ou n’est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services. Cette dernière condition est remplie lorsque, malgré l'identité des marques, les produits sont clairement identifiables comme étant produites par des entreprises différentes.

(cf. points 80-81, 84, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 septembre 2011 (*)

«Marques – Directive 89/104/CEE – Article 9, paragraphe 1 – Notion de ‘tolérance’ – Forclusion par tolérance – Point de départ du délai de forclusion – Conditions nécessaires pour faire courir le délai de forclusion – Article 4, paragraphe 1, sous a) – Enregistrement de deux marques identiques désignant des produits identiques – Fonctions de la marque – Usage simultané honnête»

Dans l’affaire C‑482/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 12 novembre 2009, parvenue à la Cour le 30 novembre 2009, dans la procédure

Budějovický Budvar, národní podnik,

contre

Anheuser-Busch Inc.,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits, M. Safjan (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Budějovický Budvar, národní podnik, par MM. J. Mellor et S. Malynicz, barristers, mandatés par M. M. Blair, solicitor,

– pour Anheuser-Busch Inc., par Me B. Goebel, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme J. Samnadda, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 février 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 1, sous a), et 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Budějovický Budvar, národní podnik (ci-après «Budvar»), une brasserie établie dans la ville de České Budějovice (République tchèque), à Anheuser-Busch Inc. (ci-après «Anheuser-Busch»), une brasserie dont le siège est à Saint Louis (États-Unis), au sujet de la marque Budweiser dont elles sont toutes deux titulaires au Royaume-Uni depuis le 19 mai 2000.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 L’article 4 de la directive 89/104, intitulé «Motifs supplémentaires de refus ou de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs», prévoyait:

«1. Une marque est refusée à l’enregistrement ou est susceptible d’être déclarée nulle si elle est enregistrée:

a) lorsqu’elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée;

[...]

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

i) les marques communautaires;

ii) les marques enregistrées dans l’État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès de l’Office des marques du Benelux;

iii) les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’État membre;

b) les marques communautaires qui revendiquent valablement l’ancienneté, conformément au règlement sur la marque communautaire, par rapport à une marque visée aux points a) sous ii) et a) sous iii), même si cette dernière marque a fait l’objet d’une renonciation ou s’est éteinte;

c) les demandes de marques visées aux points a) et b), sous réserve de leur enregistrement;

d) les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque, ou, le cas échéant, à la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque, sont ‘notoirement connues’ dans l’État membre au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

[...]»

4 L’article 5 de la directive 89/104, intitulé «Droits conférés par la marque», énonçait à son paragraphe 1:

«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

[...]»

5 Aux termes de l’article 9 de la directive 89/104, intitulé «Forclusion par tolérance»:

«1. Le titulaire d’une marque antérieure, telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, qui a toléré, dans un État membre, l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années...

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