K. v Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie and H.F. v Belgische Staat.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:973
Docket NumberC-331/16
Celex Number62016CC0331
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 December 2017
62016CC0331

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 14 décembre 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑331/16 et C‑366/16

K.

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank Den Haag, zittingsplaats Middelburg (tribunal de La Haye, siège de Middelburg, Pays‑Bas)]

et

H. F.

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (conseil du contentieux des étrangers, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Directive 2004/38/CE – Article 27, paragraphe 2 – Limitation des libertés de circulation et de séjour pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique – Menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société – Personne exclue du statut de réfugié pour les motifs visés à l’article 1er, section F, sous a), de la convention de Genève et à l’article 12, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/95/UE – Proportionnalité – Article 28, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38/CE – Article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit au respect de la vie privée et familiale »

I. Introduction

1.

Le Rechtbank Den Haag, zittingsplaats Middelburg (tribunal de La Haye, siège de Middelburg, Pays‑Bas) et le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen (conseil du contentieux des étrangers, Belgique) interrogent la Cour quant à l’interprétation de l’article 27, paragraphe 2, et de l’article 28, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38/CE ( 2 ), lus en combinaison avec l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») et l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »).

2.

Ces demandes de décision préjudicielle s’inscrivent dans le contexte de litiges portant sur la conformité à ces dispositions de mesures restrictives des libertés de circulation et de séjour tirées de la directive 2004/38 adoptées à l’encontre d’individus qui, avant d’acquérir la qualité de citoyen de l’Union ou de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ont été exclus du statut de réfugié en application de l’article 1er, section F, sous a), de la convention de Genève relative au statut des réfugiés (ci‑après la « convention de Genève ») ( 3 ).

3.

Cette disposition – dont les termes sont repris à l’article 12, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/95/UE ( 4 ) – prive du bénéfice de la protection découlant de la convention de Genève les demandeurs d’asile au sujet desquels il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.

4.

Les juridictions de renvoi cherchent essentiellement à savoir si, et à quelles conditions, le fait qu’une personne s’est, par le passé, vu appliquer la clause d’exclusion prévue à l’article 1er, section F, sous a), de cette convention peut justifier que soient restreintes les libertés de circulation et de séjour que cette personne tire de la directive 2004/38.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

5.

L’article 1er de la convention de Genève, après avoir notamment défini, à sa section A, la notion de « réfugié », énonce, à sa section F :

« Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a)

qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b)

qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ;

c)

qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »

B. Le droit de l’Union

1. La directive 2004/38

6.

L’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38 dispose :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »

7.

Aux termes de l’article 28 de cette directive :

« 1. Avant de prendre une décision d’éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’État membre d’accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

2. L’État membre d’accueil ne peut pas prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique.

3. Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les États membres, si ceux‑ci :

a)

ont séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes,

[...] »

2. La directive 2011/95

8.

L’article 12, paragraphe 2, de la directive 2011/95 prévoit :

« Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser :

a)

qu’il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

[...] »

C. Les droits nationaux

1. Le droit néerlandais

9.

Conformément à l’article 67 de la Vreemdelingenwet (loi sur les étrangers), du 23 novembre 2000 (ci‑après la « loi néerlandaise sur les étrangers ») :

« 1. Sous réserve de l’application de la section 3, le [Minister van Veiligheid en Justitie (ministre de la Sécurité et de la Justice, Pays‑Bas)] peut déclarer l’étranger indésirable :

[...]

e. dans l’intérêt des relations internationales des Pays‑Bas.

[...]

3. Par dérogation à l’article 8, l’étranger déclaré indésirable ne peut pas se trouver en séjour régulier. »

2. Le droit belge

10.

Selon l’article 40 bis, paragraphe 2, de la wet betreffende de toegang tot het grondgebied, het verblijf, de vestiging en de verwijdering van vreemdelingen (loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers), du 15 décembre 1980 (ci‑après la « loi belge sur les étrangers »), dans sa version en vigueur à l’époque des faits pertinents dans l’affaire C‑366/16, sont considérés comme membres de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, les ascendants de celui‑ci ou ceux de son conjoint qui sont à leur charge.

11.

L’article 43 de cette loi transpose en droit belge l’article 27 de la directive 2004/38.

III. Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

A. L’affaire C‑331/16

12.

M. K. possède la double nationalité de Bosnie-Herzégovine et croate. Il est arrivé aux Pays‑Bas en 2001, accompagné de son épouse et de son fils aîné. Selon les indications de la juridiction de renvoi, M. K. a séjourné dans cet État membre sans interruption depuis lors. Son fils cadet y est né en 2006.

13.

M. K. a déposé une première demande d’asile peu de temps après son arrivée aux Pays‑Bas en 2001. Le Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, Pays‑Bas, ci‑après le « Staatssecretaris néerlandais ») a rejeté cette demande par décision du 15 mai 2003. Cette décision était fondée sur l’existence de raisons sérieuses de penser que M. K. avait commis, sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie, des crimes relevant des catégories visées à l’article 1er, section F, sous a) et b), de la convention de Genève au cours de la période comprise entre le mois d’avril 1992 et le mois de février 1994. Ladite décision est devenue définitive à la suite d’un arrêt du Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas), du 21 février 2005, confirmant celle‑ci.

14.

En 2011, M. K. a introduit une seconde demande d’asile, laquelle a également été rejetée par décision du Staatssecretaris néerlandais, le 16 janvier 2013, en raison de l’application des clauses d’exclusion énoncées à l’article 1er, section F, sous a) et b), de la convention de Genève. Cette décision était assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire néerlandais d’une durée de dix ans. Le Raad van State (Conseil d’État) a confirmé ladite décision par un arrêt du 10 février...

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