Karoline Gruber v Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2374
Date13 November 2014
Celex Number62013CC0570
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-570/13
62013CC0570

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 13 novembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑570/13

Karoline Gruber

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)])

«Environnement — Directive 2011/92/EU — Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement — Construction d’un centre commercial — Effet obligatoire d’une décision administrative de ne pas effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement — Absence de participation du public»

I – Introduction

1.

Aux termes du droit autrichien, les voisins concernés ne peuvent ni s’opposer à la constatation par l’autorité qu’un projet ne doit pas faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement, ni objecter à l’encontre de l’autorisation du projet que celui-ci aurait dû être soumis à une telle évaluation. La question est posée à la Cour de savoir si cette situation est conforme à la directive EIE ( 2 ).

2.

Dans ces circonstances, il convient de rappeler que la directive EIE établit dans certains cas un droit du particulier à l’évaluation des incidences sur l’environnement. Il y a donc lieu d’examiner si la réglementation autrichienne est compatible avec ce droit.

II – Cadre juridique

A – La directive EIE

3.

Les considérants 4 et 14 de la directive EIE exposent l’objectif de l’évaluation des incidences sur l’environnement en ce qui concerne les intérêts des particuliers:

«(4)

En outre, il apparaît nécessaire de réaliser l’un des objectifs de la Communauté dans le domaine de la protection du milieu et de la qualité de la vie. […]

[…]

(14)

Les incidences d’un projet sur l’environnement devraient être évaluées pour tenir compte des préoccupations visant à protéger la santé humaine, à contribuer par un meilleur environnement à la qualité de la vie, à veiller au maintien des diversités des espèces et à conserver la capacité de reproduction de l’écosystème en tant que ressource fondamentale de la vie».

4.

L’article 1er, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive EIE définit la notion de public concerné:

«d)

‘public’: une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la pratique nationales, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes;

e)

‘public concerné’: le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les procédures décisionnelles en matière d’environnement visées à l’article 2, paragraphe 2, ou qui a un intérêt à faire valoir dans ce cadre. Aux fins de la présente définition, les organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne sont réputées avoir un intérêt».

5.

Ces définitions ont été introduites dans une version antérieure de la directive EIE par la directive 2003/35/CE ( 3 ), afin de transposer l’article 2, paragraphes 4 et 5, de la convention d’Aarhus ( 4 ).

6.

L’article 2 de la directive EIE contient quelques dispositions de base:

«1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.

2. L’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive.

[…]

4. […] les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive.

Dans ce cas, les États membres:

a)

examinent si une autre forme d’évaluation conviendrait;

b)

mettent à la disposition du public concerné les informations obtenues dans le cadre d’autres formes d’évaluation visées au point a), les informations relatives à la décision d’accorder une exemption et les raisons pour lesquelles elle a été accordée;

c)

informent la Commission, préalablement à l’octroi de l’autorisation, des motifs qui justifient l’exemption accordée et lui fournissent les informations qu’ils mettent, le cas échéant, à la disposition de leurs propres ressortissants.

[…]»

7.

Conformément à l’article 4 de la directive EIE, il convient de déterminer si un projet doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement. Le régime prévu à l’article 4, paragraphes 2 et 3, qui confère un pouvoir d’appréciation aux États membres, est pertinent en l’espèce:

«2. Sous réserve de l’article 2, paragraphe 4, pour les projets énumérés à l’annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination:

a)

sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)

sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3. Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III.»

8.

L’article 11 de la directive EIE, qui régit l’accès aux instances juridictionnelles, reflète essentiellement l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus, et a également été introduit par la directive 2003/35:

«Les États membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné:

a)

ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon

b)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition,

puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.

[…]

Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du point a) du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte aux fins du paragraphe 1, point b), du présent article.

[…]»

B – Le droit autrichien

9.

La décision relative à la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement est régie par l’article 3, paragraphe 7, de la loi autrichienne de 2000 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement (Umweltverträglichkeitsprüfungsgesetz 2000 ( 5 ), dans sa version applicable en l’espèce ( 6 ), ci-après l’«UVP‑G 2000»):

«L’autorité doit constater, sur demande du ou de la candidat(e) pour le projet, d’une autorité impliquée ou du médiateur pour l’environnement [Umweltanwalt], si, pour un projet donné, une évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée en vertu de la présente loi fédérale […]. En première comme en deuxième instance, il doit être statué par décision dans un délai de six semaines. Le ou la candidat(e) pour le projet, les autorités impliquées, le médiateur pour l’environnement [Umweltanwalt] et la commune concernée ont la qualité de partie. […] La substance des décisions ainsi que les motifs essentiels de celles-ci doivent être communiqués par l’autorité d’une manière adéquate ou ouverts à la consultation du public. La commune concernée peut former un recours contre la décision devant le Verwaltungsgerichtshof. […]»

III – Déroulement de la procédure au principal et questions préjudicielles

10.

Mme Gruber conteste devant les juridictions nationales l’autorisation générale accordée le 21 février 2012 à la société EMA Beratungs- und Handels GmbH (ci-après «EMA») de construire et d’exploiter un groupement commercial et de services («centre commercial spécialisé») ayant une surface d’ensemble utilisable de 11437,58 m2. Elle fait notamment valoir qu’aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’a été effectuée.

11.

Le Land de Carinthie avait cependant déjà décidé le 21 juillet 2010 qu’une telle évaluation n’était pas nécessaire. Cette décision n’a été communiquée qu’après coup à Mme Gruber et elle est définitive.

12.

Le Verwaltungsgerichtshof adresse les questions suivantes à la Cour:

«1)

Le droit de l’Union, notamment la directive EIE, notamment l’article 11 de celle-ci, est-il contraire à une situation juridique nationale selon laquelle une décision constatant qu’il n’y a pas lieu d’effectuer d’évaluation des incidences sur l’environnement pour un projet déterminé a un effet obligatoire également à l’égard des voisins, qui ne bénéficiaient pas de la qualité de partie au cours de la procédure de constatation antérieure, et peut être opposée à ceux-ci dans la procédure d’autorisation ultérieure, même si ceux-ci ont la possibilité de formuler leurs objections à l’encontre du projet au...

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