Minister voor Immigratie en Asiel v X (C-199/12) and Y (C-200/12) and Z v Minister voor Immigratie en Asiel (C-201/12).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:474
Date11 July 2013
Celex Number62012CC0199
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-201/12,C-199/12
62012CC0199

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 11 juillet 2013 ( 1 )

Affaires jointes C‑199/12, C‑200/12 et C‑201/12

X, Y et Z

contre

Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel

[demandes de décision préjudicielle formées par le Raad van State (Pays-Bas)]

«Directive 2004/83/CE — Conditions à remplir par les ressortissants de pays tiers ou les apatrides sollicitant l’octroi du statut de réfugié — Notion de ‘persécution’ — Orientation sexuelle»

1.

Les demandes de décision préjudicielle présentées par le Raad van State (Pays-Bas) concernent trois requérants qui sont des ressortissants de pays tiers visant à obtenir le statut de réfugié. Chacun d’entre eux invoque qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de son orientation sexuelle.

2.

La juridiction de renvoi soulève trois questions relatives à l’évaluation des demandes d’octroi du statut de réfugié relevant des dispositions du chapitre III de la directive 2004/83/CE du Conseil ( 2 ) (ci-après la «directive»). Premièrement, les ressortissants des pays tiers qui sont homosexuels constituent-ils un groupe social spécifique au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous d), de la directive? Deuxièmement, comment les autorités nationales doivent-elles évaluer ce qui constitue un acte de persécution à l’encontre des activités homosexuelles aux fins de l’article 9 de la directive? Troisièmement, la pénalisation de ces activités dans le pays d’origine du demandeur assortie de l’éventualité d’une peine de prison en cas de condamnation constitue-t-elle une persécution au sens de la directive?

Le cadre juridique

La convention relative au statut des réfugiés

3.

L’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention relative au statut des réfugiés ( 3 ) (ci-après la «convention de Genève») prévoit que le terme «réfugié» s’applique à toute personne qui «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».

Le droit de l’Union européenne

La charte des droits fondamentaux

4.

L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte») ( 4 ) dispose que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications». L’article 21 de la Charte interdit les discriminations fondées notamment sur l’orientation sexuelle. L’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que ces droits doivent être interprétés conformément aux droits correspondants garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH») ( 5 ).

La directive

5.

La directive constitue l’une des mesures visant à réaliser un régime d’asile européen commun ( 6 ). Ce régime est fondé sur la mise en œuvre de la convention de Genève qui constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés ( 7 ). La directive vise à établir des normes minimales et des critères communs à tous les États membres pour la reconnaissance des réfugiés et le contenu du statut de réfugié ( 8 ), pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale ( 9 ) et pour une procédure d’asile équitable et efficace. Ce faisant, la directive respecte les droits, les libertés et les principes reconnus par la Charte ( 10 ). Le considérant 21 de la directive dispose qu’«[i]l est également nécessaire d’adopter une nouvelle définition commune du motif de persécution que constitue ‘l’appartenance à un certain groupe social’».

6.

L’article 2, sous c), de la directive dispose que l’on entend par «‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12».

7.

Les États membres peuvent adopter des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié à condition que ces normes soient compatibles avec la directive ( 11 ). L’article 4 de celle-ci énonce les règles régissant l’évaluation des demandes de protection internationale ( 12 ). L’article 4, paragraphe 3, de la directive prévoit qu’il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale. Une liste exemplative d’«acteurs de persécutions», comprenant l’État et les acteurs non-étatiques, figure à l’article 6.

8.

L’article 9, paragraphe 1, de la directive est libellé comme suit:

«Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la convention de Genève doivent:

a)

être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, [CEDH], ou

b)

être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a)» ( 13 ).

9.

L’article 9, paragraphe 2, est libellé comme suit:

«Les actes de persécution, au sens du paragraphe 1, peuvent notamment prendre les formes suivantes:

[...]

c)

les poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires;

[...]»

10.

L’article 9, paragraphe 3, dispose:

«Conformément à l’article 2, point c), il doit y avoir un lien entre les motifs mentionnés à l’article 10 et les actes de persécution au sens du paragraphe 1.»

11.

L’article 10 est intitulé «Motifs de la persécution». L’article 10, paragraphe 1, sous d), est libellé comme suit:

«un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier:

ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et

ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.

En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation nationale des États membres. Les aspects liés à l’égalité entre les hommes et les femmes pourraient être pris en considération, sans pour autant constituer en soi une présomption d’applicabilité du présent article».

La législation nationale

12.

La loi de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenwet 2000, ci-après la «Vw 2000») habilite le ministre compétent (ci-après «le ministre») ( 14 ) à accueillir, à rejeter ou à écarter sans examen la demande de délivrance d’un permis de séjour à durée déterminée (statut de réfugié). Un permis de séjour à durée déterminée peut être délivré au ressortissant étranger qui est réfugié au sens de la convention de Genève.

13.

La circulaire de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingencirculaire 2000, ci‑après «la circulaire») énonce les lignes directrices adoptées par le ministre en vue de l’exécution de la Vw 2000. La circulaire dispose qu’il est de politique et de jurisprudence constantes que la notion de persécution en raison de l’appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, comprend aussi la persécution en raison de l’orientation sexuelle. Il convient d’examiner les demandes d’octroi du statut de réfugié fondées sur un tel motif en prenant particulièrement en considération la position du demandeur dans son pays d’origine. Lorsque l’homosexualité ou l’expression de l’orientation sexuelle sont sanctionnées pénalement dans le pays d’origine du demandeur, la sanction applicable doit être d’une certaine gravité. Une seule amende sera généralement insuffisante pour conclure que le statut de réfugié doit être automatiquement octroyé. Il ne résulte pas de la pénalisation de l’homosexualité ou des actes homosexuels dans le pays d’origine du demandeur que le statut de réfugié doit automatiquement être octroyé. Le demandeur doit établir à suffisance qu’il a personnellement une crainte fondée d’être persécuté. Il n’est pas attendu des demandeurs homosexuels qu’ils dissimulent leur orientation sexuelle lors de leur retour dans leur pays d’origine.

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14.

L’identité des requérants dans l’instance au principal a été dissimulée et ils sont désignés par X, Y et Z. X est un...

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