Finanmadrid EFC SA v Jesús Vicente Albán Zambrano and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:746
Docket NumberC-49/14
Celex Number62014CC0049
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 November 2015
62014CC0049

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 11 novembre 2015 ( 1 )

Affaire C‑49/14

Finanmadrid EFC SA

contre

Jesús Vicente Albán Zambrano,

María Josefa García Zapata,

Jorge Luis Albán Zambrano,

Miriam Elisabeth Caicedo Merino

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (juge de première instance no 5 de Carthagène, Espagne)]

«Directive 93/13/CEE — Clauses abusives figurant dans les contrats conclus avec les consommateurs — Procédure d’injonction de payer — Procédure d’exécution forcée — Compétence du juge national pour soulever d’office l’inefficacité d’une clause abusive lors de l’exécution d’une injonction de payer — Injonction de payer prononcée par le greffier d’une juridiction — Principe de l’autorité de la chose jugée — Principe d’effectivité»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle permet à la Cour de préciser l’étendue des pouvoirs du juge national lors de l’examen des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs qui relèvent du champ d’application de la directive 93/13/CEE ( 2 ).

2.

La juridiction de renvoi, saisie d’une demande d’exécution d’une injonction de payer, s’interroge sur le point de savoir s’il lui appartient de relever d’office l’inefficacité d’une clause contractuelle abusive alors qu’aucun contrôle des clauses abusives n’a eu lieu lors de l’examen de la demande d’injonction de payer ( 3 ).

3.

Cette question concerne l’hypothèse où la procédure d’injonction de payer est suivie d’une procédure d’exécution forcée, hypothèse que la Cour n’a pas encore eu l’occasion d’examiner dans sa riche jurisprudence relative au contrôle juridictionnel des clauses abusives.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

5.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

B – Le droit espagnol

6.

La procédure d’injonction de payer est régie par le code de procédure civile (Ley de Enjuiciamiento Civil), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575), dans sa version applicable au litige (ci‑après le «code de procédure civile»).

7.

L’article 812, paragraphe 1, dudit code énonce:

«Peut recourir à la procédure d’injonction de payer toute personne réclamant à autrui le paiement d’une dette pécuniaire certaine, échue et exigible, quel qu’en soit le montant, dès lors que la dette est attestée selon les modalités qui suivent:

1)

soit par la présentation de documents, quels que soient leur forme, leur type ou leur support physique, signés par le débiteur […];

[…]»

8.

L’article 815, paragraphes 1 et 3, du code de procédure civile dispose:

«1. Si les documents joints à la demande […] constituent un commencement de preuve du droit du demandeur, qui est confirmé par le contenu de la demande, le secretario judicial [(greffier)] ordonne au débiteur de payer le demandeur dans le délai de vingt jours et d’apporter la preuve du paiement au tribunal, ou de comparaître devant celui‑ci et d’expliquer de manière succincte, dans l’acte d’opposition, les raisons pour lesquelles il considère qu’il n’est pas redevable, en tout ou en partie, du montant réclamé.

[…]

3. Si les documents joints à la demande font ressortir que le montant réclamé n’est pas exact, le secretario judicial [(greffier)] en informe le juge, qui peut, le cas échéant, inviter le demandeur, par voie d’ordonnance, à accepter ou à refuser une proposition d’injonction de payer portant sur un montant inférieur à celui initialement demandé, et qu’il fixe.

[…]»

9.

L’article 816, paragraphes 1 et 2, du même code dispose:

«1. Si le débiteur n’honore pas l’injonction de payer ou ne comparaît pas devant le tribunal, le secretario judicial [(greffier)] rend une décision motivée clôturant la procédure d’injonction de payer et en informe le créancier afin que ce dernier demande la mise en œuvre de l’exécution, celle‑ci intervenant sur simple demande.

2. Une fois l’exécution mise en œuvre, celle‑ci se déroule conformément aux normes applicables à l’exécution des décisions juridictionnelles, l’opposition prévue dans ces cas‑là pouvant être formée […].

[…]»

10.

L’article 818, paragraphe 1, premier alinéa, dudit code, relatif à l’opposition du débiteur, prévoit:

«Si le débiteur forme opposition en temps utile, le litige est tranché définitivement à l’issue de la procédure appropriée et le jugement prononcé a autorité de chose jugée.»

11.

La procédure d’exécution forcée est régie par les dispositions du livre III du code de procédure civile. La procédure prévue pour l’exécution d’un titre judiciaire ou arbitral se distingue de celle prévue pour l’exécution d’autres titres exécutoires.

12.

L’article 552, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit code permet au juge de l’exécution de refuser la mise en œuvre de l’exécution lorsque l’un des titres exécutoires énumérés à l’article 557, paragraphe 1, comporte des clauses abusives. L’opposition prévue à l’article 557 ne porte que sur les titres exécutoires non judiciaires ni arbitraux.

III – Le litige au principal

13.

Le 29 juin 2006, M. J. V. Albán Zambrano a conclu un contrat de prêt pour un montant de 30000 euros avec Finanmadrid, afin de financer l’achat d’un véhicule.

14.

Selon les termes du contrat, Mme García Zapata, M. J. L. Albán Zambrano et Mme Caicedo Merino se sont portés cautions solidaires. Le contrat prévoyait une durée de prêt de 84 mois assortie d’un taux d’intérêt annuel de 7 %, ainsi que d’un taux d’intérêt de retard de 1,5 % par mois et d’une pénalité pour défaut de paiement de 30 euros par échéance impayée.

15.

M. J. V. Albán Zambrano ayant cessé de payer les échéances au début de l’année 2011, Finanmadrid a prononcé la résiliation anticipée du contrat et a initié, le 8 novembre 2011, une procédure d’injonction de payer à l’encontre des quatre défendeurs au principal, portant sur un montant de 13447,01 euros.

16.

Le secretario judicial (greffier de la juridiction de renvoi) a déclaré cette demande recevable, sans la transmettre à un juge. La demande d’injonction de payer, signifiée à M. J. V. Albán Zambrano et à Mme García Zapata, les enjoignait à transmettre la demande aux deux autres défendeurs.

17.

Les défendeurs au principal n’ayant ni donné suite à l’injonction de payer ni formé opposition, le secretario judicial (greffier de la juridiction de renvoi) a clôturé la procédure d’injonction de payer par décision du 18 juin 2012.

18.

Le 8 juillet 2013, Finanmadrid a saisi le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (juge de première instance no 5 de Carthagène) d’une demande d’exécution de la décision visée au point qui précède.

19.

Le 13 septembre 2013, la juridiction de renvoi a invité les parties au principal à présenter leurs observations sur le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles concernées, sur la question de savoir si un contrôle juridictionnel d’office de ces clauses était encore possible, ainsi que sur la violation éventuelle du droit à une protection juridictionnelle effective.

20.

Seule la requérante au principal a présenté des observations.

21.

La juridiction de renvoi indique que, en droit procédural espagnol, le juge n’est pas informé de la procédure d’injonction de payer, à moins que le secretario judicial (greffier) ne le juge opportun ou que les débiteurs forment opposition. Ainsi, comme cela a été le cas en l’espèce, le juge prend connaissance de cette procédure seulement dans le cadre de l’exécution de la décision du secretario judicial. Or, étant donné que la décision du secretario judicial est un titre juridictionnel exécutoire revêtu de l’autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution ne peut examiner d’office l’existence éventuelle de clauses abusives dans le contrat ayant donné lieu à la procédure d’injonction de payer.

22.

La juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la question de savoir si cette réglementation, en ce qu’elle ne prévoit le contrôle d’office des clauses abusives à aucun moment de la procédure, est conforme à la directive 93/13.

IV – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

23.

C’est dans ce contexte que le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (juge de première instance no 5 de Carthagène) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La directive [93/13] doit‑elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en vigueur régissant la procédure d’injonction de payer espagnole – articles 815 et 816 [du code de procédure civile] – qui ne prévoit pas impérativement le contrôle des clauses abusives ni l’intervention d’un juge, à moins que le secretario judicial (greffier) ne le juge opportun ou que les débiteurs...

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