Iron & Smith kft v Unilever NV.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62014CC0125
ECLIECLI:EU:C:2015:195
Date24 March 2015
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-125/14
62014CC0125

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 24 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑125/14

Iron & Smith kft

contre

Unilever NV

[demande de décision préjudicielle formée par la Fővárosi Törvényszék (Hongrie)]

«Marques — Enregistrement d’une marque nationale identique ou similaire à une marque communautaire antérieure — Marque communautaire jouissant d’une renommée — Étendue géographique et économique de la renommée»

1.

La présente affaire a pour objet l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95/CE ( 2 ). Elle porte sur la relation entre les marques nationales, d’une part, et les marques communautaires, d’autre part, ainsi que sur l’étendue de la protection qu’il convient de conférer à des marques communautaires antérieures jouissant d’une renommée.

2.

Dans ce contexte, deux questions se posent: i) comment convient‑il d’interpréter la notion de «renommée dans la Communauté» aux fins de l’article 4, paragraphe 3, et ii) une marque nationale postérieure peut‑elle être refusée à l’enregistrement dans un État membre lorsqu’une marque communautaire – qui jouit d’une renommée dans d’autres parties de l’Union européenne – n’est pas très connue dans cet État membre?

I – Le cadre juridique

3.

Le considérant 10 de la directive 2008/95 souligne l’importance fondamentale de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans la législation de tous les États membres. Il est précisé, cependant, que cela n’enlève pas aux États membres la faculté d’accorder une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée.

4.

L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 prévoit un motif relatif de refus d’enregistrement ou de nullité d’une marque en cas de conflit avec une marque communautaire antérieure renommée. Cette disposition énonce qu’une marque est également refusée à l’enregistrement (ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle) si elle est identique ou analogue à une marque communautaire antérieure au sens de l’article 4, paragraphe 2, de cette même directive et si elle est destinée à être enregistrée (ou a été enregistrée) pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux pour lesquels la marque communautaire antérieure est enregistrée, lorsque la marque communautaire antérieure jouit d’une renommée dans la Communauté et que l’usage de la marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

5.

L’article 4, paragraphe 4, sous a), de la directive 2008/95 prévoit, mais seulement à titre facultatif, un motif analogue de refus en raison de marques nationales renommées dans l’État membre concerné.

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

6.

Il ressort de la décision de renvoi qu’Unilever NV (ci‑après «Unilever»), en invoquant sa marque communautaire verbale antérieure IMPULSE, a fait opposition à une demande de marque déposée par Iron & Smith kft (ci‑après «Iron & Smith») aux fins de l’enregistrement de la marque figurative de couleur «be impulsive» en tant que marque hongroise. L’Office de la propriété intellectuelle (Szellemi Tulajdon Nemzeti Hivatala, ci‑après l’«Office hongrois») a constaté qu’Unilever avait fait la promotion et vendu de grandes quantités des produits désignés par sa marque communautaire verbale IMPULSE au Royaume‑Uni et en Italie, pays dans lesquels ses produits représentaient une part de marché de respectivement 5 et 0,2 %. L’Office hongrois s’est fondé sur ces constatations relatives aux parts de marché – qui ne concernaient pas la Hongrie – pour considérer que la renommée de la marque communautaire avait été prouvée pour une partie substantielle de l’Union ( 3 ). Il a également considéré qu’il ne pouvait pas être exclu que l’usage de la marque postérieure tire indûment profit de la marque antérieure.

7.

L’Office hongrois ayant refusé d’enregistrer sa marque, Iron & Smith a introduit devant la Fővárosi Törvényszék (Cour de Budapest, Hongrie) un recours aux fins de l’annulation de la décision de refus d’enregistrement. Ayant des doutes quant à l’interprétation à donner à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, la juridiction de renvoi a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Peut‑il suffire, aux fins de la preuve de la renommée d’une marque communautaire au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la directive […], que ladite marque jouisse d’une renommée dans un seul État membre, y compris dans le cas où la demande de marque nationale faisant l’objet de l’opposition formée sur ce fondement a été déposée dans un autre pays que l’État membre en question?

2)

Dans le cadre des critères territoriaux utilisés lors de l’examen de la renommée d’une marque communautaire, peut‑on utiliser les principes qui ont été fixés par la Cour […] à propos de l’usage sérieux de la marque communautaire?

3)

Dès lors que le titulaire de la marque communautaire antérieure a prouvé la renommée de sa marque dans des pays – couvrant une partie substantielle du territoire de l’Union européenne – autres que l’État membre dans lequel la demande de marque nationale a été déposée, est‑il possible de lui imposer, indépendamment de cela, d’apporter une preuve concluante également au regard de cet État membre?

4)

Si la réponse à la troisième question est négative, peut‑il arriver, compte tenu bien entendu des spécificités du marché intérieur, qu’une marque ayant fait l’objet d’un usage intensif dans une partie substantielle de l’Union européenne soit inconnue du public national pertinent et que, de ce fait, la seconde condition requise pour le motif de refus d’enregistrement prévu à l’article 4, paragraphe 3, de la directive ne soit pas remplie, c’est‑à‑dire qu’il n’y ait pas de risque que la marque nationale tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porte préjudice; et si oui, quels sont les éléments dont le titulaire de la marque communautaire doit apporter la preuve pour que la condition précitée soit remplie?

8.

Des observations écrites ont été présentées par Iron & Smith, Unilever, les gouvernements hongrois, danois, français, italien, du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, ainsi que par la Commission européenne. À l’exception du gouvernement italien, toutes ces parties ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 4 février 2015.

III – Analyse

A – Le cadre

9.

L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 n’est applicable que lorsque les deux conditions suivantes sont remplies: i) la marque communautaire antérieure doit jouir d’une renommée dans une partie substantielle de l’Union (ci‑après la «première condition»), et ii) l’usage de la marque (nationale) postérieure doit tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle‑ci ou leur porter préjudice (ci‑après la «seconde condition»). Le titulaire de la marque communautaire antérieure n’est toutefois pas tenu de prouver l’existence d’un risque de confusion entre sa marque et la marque nationale postérieure ( 4 ).

10.

Compte tenu de cette observation, il est clair que les trois premières questions sont étroitement liées. Ces trois questions concernent toutes la première condition, c’est‑à‑dire les critères devant être utilisés afin d’établir si une marque communautaire antérieure jouit d’une renommée dans une partie substantielle de l’Union. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a des doutes, en particulier, sur la question de savoir quelle importance il convient d’attribuer aux frontières géographiques dans le cadre de cette analyse (voire s’il convient de leur attribuer une importance). Dans ces conditions, je traiterai tout d’abord conjointement des trois premières questions, avant de me pencher sur la quatrième question, qui porte sur la seconde condition. Néanmoins, avant de passer à cet examen, il y a lieu de formuler quelques brèves remarques concernant la raison d’être du motif de refus relatif tiré de la renommée de la marque antérieure.

11.

Le motif de refus (et de nullité) prévu à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95 (et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 qui lui correspond) traduit l’idée selon laquelle la valeur d’une marque peut aller bien au‑delà de son aptitude à indiquer l’origine: la valeur d’une marque peut, entre autres, résider dans l’image que projette la marque en question. C’est ce qui a été appelé la «fonction de publicité» des marques ( 5 ). Ce qui est ainsi protégé n’est pas tant l’indication de l’origine que le succès économique de certaines marques. Compte tenu de ces aspects, il ne saurait évidemment être exclu que l’image d’une marque donnée puisse être altérée dans le cas où l’usage d’une marque identique ou similaire serait autorisé. Une telle hypothèse est plausible même (et en particulier) lorsque les produits et services désignés par la marque postérieure ne relèvent pas de la même catégorie que ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée. C’est sans doute la raison pour laquelle il est nécessaire d’étendre la protection des marques communautaires au‑delà des catégories de produits et de services pour lesquelles la marque a été enregistrée. Compte tenu du caractère particulièrement étendu de la protection conférée à une marque sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2008/95, il n’est pas étonnant que ce motif de refus ne puisse être invoqué que lorsque la marque jouit...

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