Z. Zh. v Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie and Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie v I. O.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:94
Docket NumberC-554/13
Celex Number62013CC0554
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 February 2015
62013CC0554

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 12 février 2015 ( 1 )

Affaire C‑554/13

Z. Zh. et O.

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Pays‑Bas)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2008/115/CE — Normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier — Article 7, paragraphe 4 — Décision refusant d’accorder un délai de départ volontaire — Danger pour l’ordre public»

1.

La directive 2008/115/CE ( 2 ) fixe les normes et procédures communes à appliquer par les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, de l’Union européenne dans, par exemple, leur pays d’origine. Lorsqu’il prend une décision de retour au titre de cette directive, l’État membre en question doit accorder à la personne concernée un délai approprié (allant de sept à trente jours) pour le départ volontaire. Toutefois, les États membres sont fondés à déroger à cette règle en vertu de l’article 7, paragraphe 4, en s’abstenant d’accorder un tel délai (ou en accordant un délai inférieur à sept jours) au motif, entre autres, que la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public ( 3 ).

2.

Dans la présente demande de décision préjudicielle, le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) cherche à être éclairé par la Cour sur la signification de l’article 7, paragraphe 4, de la directive sur le retour et, en particulier, sur la signification des termes «constitue un danger pour l’ordre public».

Droit de l’Union

L’acquis Schengen

3.

L’espace Schengen repose sur l’accord de Schengen de 1985 ( 4 ), par lequel les États signataires ont accepté de supprimer toutes les frontières intérieures et d’établir une unique frontière externe. Dans le cadre de l’espace Schengen, des règles et des procédures communes sont appliquées en matière, notamment, de contrôle aux frontières. L’article 1er de la convention d’application ( 5 ) définit l’«étranger» comme toute personne autre que les ressortissants des États membres ( 6 ). L’article 4, paragraphe 1, indique que les passagers d’un vol intérieur qui embarquent sur un vol à destination d’États tiers seront au préalable soumis, à la sortie, à un contrôle de personnes dans l’aéroport de départ du vol extérieur. L’article 5, paragraphe 1, prévoit que, lorsque la personne concernée remplit certaines conditions, telles que posséder des documents valables lui permettant le franchissement de la frontière [article 5, paragraphe 1, sous a)], ou ne pas être considérée comme pouvant compromettre l’ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales des parties contractantes [article 5, paragraphe 1, sous e)], l’entrée sur les territoires des parties contractantes peut lui être accordée pour des périodes n’excédant pas trois mois. Toutefois, les parties contractantes doivent, en principe, refuser l’entrée à une personne qui ne remplit pas les conditions énumérées à l’article 5, paragraphe 1 ( 7 ). La circulation transfrontalière aux frontières extérieures est soumise au contrôle des autorités nationales compétentes effectué selon les principes uniformes énumérés à l’article 6, paragraphe 2 ( 8 ). Il comprend non seulement la vérification des documents de voyage et autres conditions d’entrée, de séjour et de travail ainsi que de sortie, mais encore la recherche et la prévention de menaces pour la sécurité nationale et l’ordre public des parties contractantes ( 9 ).

4.

Le système d’information Schengen (ci-après le «SIS») a été établi en vertu de l’article 92 de la convention d’application. Il permet aux États membres d’obtenir des informations sur les «signalements» de personnes et d’objets, à l’occasion notamment de contrôles de frontière. Le SIS a pour objet, entre autres, la préservation de l’ordre et de la sécurité publics, y compris la sûreté de l’État ( 10 ). En cas de non-admission d’une personne dans l’espace Schengen, les données pertinentes sont intégrées dans le SIS sur la base d’un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles nationales, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes ( 11 ). De telles décisions peuvent être fondées sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales posée par la présence de cette personne sur le territoire national concerné ( 12 ). Tel peut être notamment le cas lorsque la personne en question a été condamnée pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an ( 13 ), qu’il existe de fortes raisons de croire qu’elle a commis des faits punissables graves ou qu’il existe des indices réels qu’elle envisage de commettre de tels faits dans l’espace Schengen.

5.

Le règlement établissant le code frontières Schengen ( 14 ) définit la «personne signalée aux fins de non-admission» comme «tout ressortissant de pays tiers signalé dans le [SIS] conformément à l’article 96 de la convention d’application de l’accord de Schengen et aux fins prévues par cet article» ( 15 ). L’article 2, paragraphe 5, définit les personnes jouissant du droit à la libre circulation au sein de l’Union comme les citoyens de l’Union, au sens de l’article 20, paragraphe 1, TFUE ainsi que les ressortissants de pays tiers membres de la famille d’un citoyen de l’Union exerçant son droit à la libre circulation, auxquels s’applique la directive 2004/38/CE ( 16 ).

La directive sur le retour

6.

Les normes et procédures communes introduites par la directive sur le retour doivent être appliquées conformément, notamment, aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union ( 17 ).

7.

La directive sur le retour trouve son origine dans deux Conseils européens. Le premier, tenu à Tampere les 15 et 16 octobre 1999, a défini une approche cohérente en matière d’immigration et d’asile ( 18 ). Le second, le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004, a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité ( 19 ). Un objectif primordial de la directive est de fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée ( 20 ). Ainsi, la directive sur le retour fixe des règles, applicables à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre ( 21 ). L’expulsion d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier du territoire d’un État membre devrait respecter une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la directive sur le retour devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier ( 22 ). Toutefois, la légitimité de la pratique du retour par les États membres des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est reconnue, à condition que soient en place des régimes d’asile justes et efficaces qui respectent pleinement le principe de non-refoulement ( 23 ). Lorsqu’il n’y a pas de raison de croire que l’effet utile d’une procédure de retour se trouve compromis par un retour volontaire, il convient de privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d’accorder un délai de départ volontaire. Une prolongation de ce délai de départ volontaire devrait être prévue si cela est considéré comme nécessaire en raison des circonstances propres à chaque cas ( 24 ). De plus, il convient de régler la situation des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement. Il est, en outre, conféré une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour par l’instauration d’une interdiction d’entrée excluant toute entrée et tout séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres ( 25 ). Les États membres devraient disposer d’un accès rapide aux informations relatives aux interdictions d’entrée imposées par les autres États membres conformément au règlement SIS II ( 26 ).

8.

La directive sur le retour s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre ( 27 ). Elle ne s’applique pas aux personnes jouissant du droit, conféré par le droit de l’Union, à la libre circulation, telles que définies à l’article 2, point 5, du code frontières Schengen ( 28 ).

9.

Les définitions suivantes, à l’article 3, sont pertinentes:

«[…]

1)

‘ressortissant d’un pays tiers’: toute personne qui n’est ni un citoyen de l’Union au sens de l’article 17, paragraphe 1, du traité ni une personne jouissant du droit [conféré par le droit de l’Union] à la libre circulation, telle que définie à l’article 2, point 5), du code frontières Schengen;

2)

‘séjour irrégulier’: la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre;

3)

‘retour’: le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans:

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