Criminal proceedings against Skerdjan Celaj.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:285
Docket NumberC-290/14
Celex Number62014CC0290
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 April 2015
62014CC0290

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 28 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑290/14

Skerdjan Celaj

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Firenze (Italie)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2008/115/CE — Retour d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier — Articles 15 et 16 — Législation nationale prévoyant une peine de prison pour un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier en cas de nouvelle entrée — Compatibilité»

Introduction

1.

«Être étranger est‑il un crime? Nous ne le pensons pas.»

2.

Voici les mots de conclusion d’une «Opinion en partie dissidente commune» à six juges de la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la «Cour EDH») dans l’affaire phare Saadi c. Royaume‑Uni ( 2 ).

3.

Dans une veine similaire, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) pense que «[l]e simple fait d’être un migrant en situation irrégulière ne doit jamais être considéré comme un motif suffisant pour la rétention» ( 3 ).

4.

La poursuite et la sanction des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre fait l’objet d’un débat animé. Même des organes qui ont pour mission de procéder à des évaluations au regard des règles de droit souvent ne peuvent résister à la tentation de glisser des éléments de politique juridique dans leurs arguments, ainsi que les deux exemples précités tendent à l’illustrer.

5.

La présente affaire concerne un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre après une nouvelle entrée sur le territoire de cet État membre, en violation d’une interdiction d’entrée, adoptée avec une décision de retour en application de la directive 2008/115/CE ( 4 ). La Cour est saisie de la question de savoir si la directive 2008/115 s’oppose à l’emprisonnement de cette personne.

6.

Je propose ( 5 ) à la Cour de préciser et de clarifier sa jurisprudence, qui commence avec l’arrêt El Dridi ( 6 ) et se poursuit avec les arrêts Achughbabian ( 7 ) et Sagor ( 8 ), en recourant à l’objectif premier de la directive, à savoir le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La Cour devrait déclarer qu’une telle sanction pénale est interdite par la directive 2008/115, non pas pour des considérations d’ordre politique telles que celles citées ci‑dessus, mais dans l’intérêt de l’effet utile de la directive 2008/115.

Cadre juridique

Droit de l’Union

7.

L’objectif de la directive 2008/115 est défini comme suit à son article 1er, intitulé «Objet»:

«La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme.»

8.

L’article 2 de la directive 2008/115, intitulé «Champ d’application», dispose:

«1. La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers:

a)

faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du code frontières Schengen, ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre;

b)

faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition.

[…]»

9.

L’article 3 de ladite directive, intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

2)

‘séjour irrégulier’: la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre;

3)

‘retour’: le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans:

son pays d’origine, ou

un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis;

4)

‘décision de retour’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour;

5)

‘éloignement’: l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre;

6)

‘interdiction d’entrée’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour;

[…]»

10.

L’article 6, paragraphe 1, intitulé «Décision de retour», dispose:

«Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.»

11.

L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/115 prévoit que «[l]es États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7».

12.

L’article 11 de ladite directive est intitulé «Interdiction d’entrée» et est rédigé comme suit:

«1. Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée:

a)

si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b)

si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.

2. La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

3. Les États membres examinent la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une telle interdiction décidée conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, peut démontrer qu’il a quitté le territoire d’un État membre en totale conformité avec une décision de retour.

Les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes [ ( 9 )] ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée, sans préjudice du paragraphe 1, premier alinéa, point b), et à condition que le ressortissant concerné d’un pays tiers ne représente pas un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

Les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires.

Les États membres peuvent lever ou suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers ou certaines catégories de cas, pour d’autres raisons.

4. Lorsqu’un État membre envisage de délivrer un titre de séjour ou une autre autorisation conférant un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une interdiction d’entrée délivrée par un autre État membre, il consulte au préalable l’État membre ayant délivré l’interdiction d’entrée et prend en compte les intérêts de celui‑ci conformément à l’article 25 de la convention d’application de l’accord de Schengen [ ( 10 )].

5. Les paragraphes 1 à 4 s’appliquent sans préjudice du droit à la protection internationale, telle qu’elle est définie à l’article 2, point a), de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts [ ( 11 )], dans les États membres.»

13.

L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 dispose:

«1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a...

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