Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides v Mostafa Lounani.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:380
Date31 May 2016
Celex Number62014CC0573
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-573/14
62014CC0573

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 31 mai 2016 ( 1 )

Affaire C‑573/14

Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

contre

Mostafa Lounani

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Asile — Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié — Directive 2004/83/CE — Article 12, paragraphe 2, sous c) — Conditions d’exclusion du statut de réfugié — Notion d’“agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies” — Notion d’“instigation ou de participation” au sens de l’article 12, paragraphe 3 — Décision-cadre 2002/475/JAI — Articles 1er et 2 — Nécessité d’une condamnation pour infractions terroristes comme condition d’exclusion du statut de réfugié — Évaluation des motifs d’exclusion»

1.

Dans la présente affaire, le Conseil d’État (Belgique) s’interroge sur l’interprétation des motifs pour lesquels les États membres peuvent exclure une personne du statut de réfugié en application de la directive 2004/83/CE ( 2 ). La juridiction de renvoi souhaite savoir si (et, dans l’affirmative, dans quelle mesure) la portée des dispositions régissant l’exclusion du statut de réfugié énoncées dans cette directive est déterminée par la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme ( 3 ). Lorsqu’un demandeur d’asile est un membre dirigeant d’un groupe terroriste, faut-il qu’il ait été condamné pour une infraction visée à l’article 1er de la décision-cadre pour que s’appliquent les motifs d’exclusion prévus par la directive « conditions » ? Une condamnation pour participation à une organisation terroriste exclut-elle automatiquement l’examen de sa situation aux fins du statut de réfugié ? Dans la négative, quels sont les critères que les autorités compétentes nationales devraient appliquer pour évaluer s’il doit être exclu de la sorte ? Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de déterminer le point d’équilibre entre la réponse des États membres aux attaques terroristes et leurs obligations d’appliquer les dispositions du droit de l’Union reflétant des règles de droit international protégeant le statut des réfugiés.

Le droit international

La charte des Nations unies

2.

Le préambule de la charte des Nations unies ( 4 ) énonce certains buts des États signataires. Le chapitre I consigne les buts et les principes des Nations unies. Ces principes font référence au maintien de la paix et de la sécurité internationales, à la nécessité de prendre des mesures efficaces à cette fin en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix et de prendre des mesures propres à consolider la paix du monde (article 1er). En outre, les membres des Nations unies doivent donner pleine assistance dans toute action entreprise par les Nations unies conformément aux dispositions de leur charte (article 2).

Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

3.

Le 28 septembre 2001, en réponse aux attaques terroristes commises le 11 septembre 2001 à New York, à Washington et en Pennsylvanie (États-Unis d’Amérique), le Conseil de sécurité des Nations unies a, sur le fondement du chapitre VII de la charte des Nations unies, adopté la résolution 1373 (2001). Le préambule de cette résolution réaffirme « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ». Au point 5 de ladite résolution, le Conseil de sécurité déclare que « les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations Unies [ONU] et que le financement et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes en connaissance de cause sont également contraires aux buts et principes de l’[ONU] ».

4.

Le 12 novembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1377 (2001), dans laquelle il « [s]ouligne que les actes de terrorisme international sont contraires aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et que le financement, la planification et la préparation des actes de terrorisme international, de même que toutes les autres formes d’appui à cet égard, sont pareillement contraires aux buts et aux principes énoncés dans [ladite Charte] ».

5.

Le 14 septembre 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1624 (2005), dans laquelle il réaffirme qu’il est impératif de combattre le terrorisme sous toutes ses formes et souligne par ailleurs que les États doivent veiller à ce que toutes les mesures qu’ils prennent pour lutter contre le terrorisme respectent toutes les obligations qui leur incombent en vertu du droit international ; ces mesures doivent être conformes notamment au droit des réfugiés et au droit humanitaire.

6.

Le 24 septembre 2014, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2178 (2014) où il demande aux États de veiller, conformément, notamment, au droit international et au droit international des réfugiés, à ce que le statut de réfugié ne soit pas détourné à leur profit par les auteurs, organisateurs ou complices d’actes terroristes. Il déclare également (au point 5) que « les États membres doivent […] prévenir et éliminer les activités de recrutement, d’organisation, de transport ou d’équipement bénéficiant à des personnes qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, ainsi que le financement des voyages et activités de ces personnes ».

7.

Si ces résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies identifient un ensemble d’activités qui doivent être considérées comme contraires aux buts et aux principes des Nations unies, il n’existe toutefois pas, en droit international, de définition générale de ce qu’est le terrorisme ou un terroriste ( 5 ).

La convention de Genève relative au statut des réfugiés

8.

Conformément à l’article 1A, paragraphe 2, de la convention de Genève ( 6 ), auquel renvoie la directive « conditions », le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

9.

L’article 1F, sous c), énonce que la convention de Genève n’est pas applicable aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ( 7 ).

Le droit de l’Union

Le traité sur l’Union européenne

10.

L’article 2 TUE contient une liste des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée, au nombre desquelles figurent le respect de l’État de droit et des droits de l’homme. L’article 3, paragraphe 5, TUE énonce que dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ces valeurs et que, ce faisant, elle doit contribuer au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

11.

L’article 78, paragraphe 1, TFUE, prévoit : « L’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non‑refoulement. Cette politique doit être conforme à [la convention de Genève] ainsi qu’aux autres traités pertinents. »

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

12.

L’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 8 ) garantit le droit d’asile dans le respect des règles de la convention de Genève et conformément aux traités.

13.

L’article 19, paragraphe 2, interdit l’éloignement, l’expulsion ou l’extradition d’une personne vers un État où il existe un risque sérieux qu’elle soit soumise à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

La décision-cadre

14.

La décision-cadre a institué une définition commune des infractions terroristes. L’article 1er énonce que chaque État membre doit prendre les mesures nécessaires pour que soient considérés comme infractions terroristes les actes énumérés dans cette disposition, définis comme infractions par le droit national, dès lors que certaines conditions sont réunies ( 9 ). Ces conditions sont les suivantes : les actes doivent être commis intentionnellement et, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale lorsque l’auteur les commet dans le but de i) gravement intimider une population ou ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou une organisation internationale.

15.

L’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), qualifie...

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