Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides v Mostafa Lounani.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:71
Docket NumberC-573/14
Celex Number62014CJ0573
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date31 January 2017
62014CJ0573

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

31 janvier 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Asile — Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié — Article 12, paragraphe 2, sous c), et article 12, paragraphe 3 — Exclusion du statut de réfugié — Notion d’“agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies” — Portée — Membre dirigeant d’une organisation terroriste — Condamnation pénale pour participation aux activités d’un groupe terroriste — Examen individuel»

Dans l’affaire C‑573/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (Belgique), par décision du 13 novembre 2014, parvenue à la Cour le 11 décembre 2014, dans la procédure

Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

contre

Mostafa Lounani,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, J. L. da Cruz Vilaça, E. Juhász, Mme M. Berger et M. E. Regan, présidents de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), A. Borg Barthet, J. Malenovský, E. Levits, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 février 2016,

considérant les observations présentées :

pour le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, par Me E. Derriks, avocat,

pour M. Lounani, par Mes C. Marchand et D. Alamat, avocats,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet et M. Jacobs ainsi que par M. S. Vanrie, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Matray, C. Piront et N. Schynts, avocats,

pour le gouvernement hellénique, par Mme M. Michelogiannaki, en qualité d’agent,

pour le gouvernement espagnol, par MM. A. Rubio González et L. Banciella Rodríguez-Miñón, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. F.‑X. Bréchot et D. Colas, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Salvatorelli, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. M. Holt et S. Brandon ainsi que par Mme V. Kaye, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 mai 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, paragraphe 2, sous c), et de l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12, et rectificatifs JO 2005, L 204, p. 24, et JO 2011, L 278, p. 13).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (ci-après le « Commissaire général ») à M. Mostafa Lounani, ressortissant marocain, au sujet de l’application à ce dernier de la cause d’exclusion du statut de réfugié en raison d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.

Le cadre juridique

Le droit international

La charte des Nations unies

3

Aux termes de l’article 1er, points 1 et 3, de la charte des Nations unies, signée à San Francisco (États-Unis) le 26 juin 1945 :

« Les buts des Nations unies sont les suivants :

1.

Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;

[...]

3.

Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ».

La convention de Genève

4

La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la « convention de Genève »).

5

L’article 1er de la convention de Genève, après avoir notamment défini, à la section A, la notion de « réfugié » aux fins de cette convention, énonce, à la section F :

« Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[...]

c)

qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »

Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

6

Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1373 (2001), dont le préambule réaffirme, notamment, « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ».

7

Au point 3, sous f) et g), de ladite résolution, il est demandé à tous les États, d’une part, « de prendre les mesures appropriées, conformément aux dispositions pertinentes de leur législation nationale et du droit international, y compris les normes internationales relatives aux droits de l’homme, afin de s’assurer, avant d’octroyer le statut de réfugié, que les demandeurs d’asile n’ont pas organisé ou facilité la perpétration d’actes de terrorisme et n’y ont pas participé », et, d’autre part, « de veiller, conformément au droit international, à ce que les auteurs ou les organisateurs d’actes de terrorisme ou ceux qui facilitent de tels actes ne détournent pas à leur profit le statut de réfugié ».

8

Au point 5 de cette même résolution, le Conseil de sécurité déclare que « les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations unies et que le financement et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes en connaissance de cause sont également contraires aux buts et principes de l’Organisation des Nations unies ».

9

Le 12 novembre 2001, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1377 (2001), au point 5 de laquelle il « [s]ouligne que les actes de terrorisme international sont contraires aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations unies et que le financement, la planification et la préparation des actes de terrorisme international, de même que toutes les autres formes d’appui à cet égard, sont pareillement contraires aux buts et aux principes énoncés dans [celle-ci] ».

10

La résolution 1624 (2005), adoptée le 14 septembre 2005 par le Conseil de sécurité, rappelle, notamment, que « tous les États doivent coopérer sans réserve à la lutte contre le terrorisme, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, en vue de découvrir, de priver d’asile et de traduire en justice [...] quiconque prête appui au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la commission d’actes de terrorisme, y concourt, y participe ou tente d’y participer, ou donne refuge à leurs auteurs ».

11

Au point 1 de sa résolution 1624 (2005), le Conseil de sécurité appelle « tous les États à adopter des mesures qui peuvent être nécessaires et appropriées et sont conformes aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, pour :

a)

interdire par la loi l’incitation à commettre un ou des actes terroristes ;

b)

prévenir une telle incitation ;

c)

refuser l’asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose d’informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle est coupable d’une telle incitation ».

12

La résolution 2178 (2014), adoptée par le Conseil de sécurité le 24 septembre 2014, affirme, à son point 5, que « les États membres doivent [...] prévenir et éliminer les activités de recrutement, d’organisation, de transport ou d’équipement bénéficiant à des personnes qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, ainsi que le financement des voyages et activités de ces personnes ».

13

Au...

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