Vítor Hugo Marques Almeida v Companhia de Seguros Fidelidade-Mundial SA and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:414
Docket NumberC-300/10
Celex Number62010CC0300
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 July 2012
62010CC0300

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME VERICA TRSTENJAK

présentées le 5 juillet 2012 ( 1 )

Affaire C‑300/10

Vítor Hugo Marques Almeida

contre

Companhia de Seguros Fidelidade-Mundial SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal da Relação de Guimarães (Portugal)]

«Directives 72/166/CEE, 84/5/CEE et 90/232/CEE — Assurance de responsabilité civile automobile — Collision de deux véhicules non imputable aux conducteurs — Passager ayant contribué à la production de ses dommages — Responsabilité pour le risque — Refus ou limitation du droit à indemnisation»

I – Introduction

1.

L’idée de réparation s’inscrit dans l’aspiration à un idéal de justice, tel que le concevait déjà la philosophie grecque antique. Ainsi trouve-t-on chez Platon ( 2 ) l’idée d’une réparation de tous les dommages causés, allant au-delà du droit pénal. Outre différents degrés d’imputation de la responsabilité, la philosophie antique connaissait également la possibilité d’une exonération de cette responsabilité lorsqu’il apparaissait qu’un dommage ne pouvait pas être imputé à son seul auteur, par exemple parce que la victime avait contribué à sa survenance. Ce concept, façonné notamment par Antiphon ( 3 ), s’est développé au cours de l’histoire du droit, romaine et moderne, pour devenir ce que les ordres juridiques de nombreux États membres entendent aujourd’hui généralement par le terme de «coresponsabilité» ( 4 ). Dans la présente affaire, la Cour devra donner une réponse sur le point de savoir si ce concept, connu également du droit portugais, est compatible avec le droit de l’Union en matière d’assurance de responsabilité civile automobile.

2.

Par la demande de décision préjudicielle qu’il a introduite en application de l’article 267 TFUE, le Tribunal da Relação de Guimarães (Portugal, ci-après la «juridiction de renvoi») pose à la Cour une question relative à l’interprétation des directives 72/166/CEE ( 5 ), 84/5/CEE ( 6 ) et 90/232/CEE ( 7 ), adoptées aux fins du rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs. La juridiction de renvoi y cherche en substance à obtenir des éclaircissements sur le point de savoir si ces directives s’opposent à un régime national de responsabilité civile qui permet à un tribunal chargé de se prononcer sur des dommages et intérêts à la suite d’un accident de la circulation de limiter ou même d’exclure, en fonction de la situation, le droit à indemnisation de la personne lésée lorsqu’un comportement fautif de sa part a contribué à la survenance ou à l’aggravation de ses préjudices.

3.

Cette question se pose dans le cadre d’un litige portant sur les droits à indemnisation d’une personne lésée à la suite d’un accident de la circulation qui, au moment de la survenance du sinistre, circulait en tant que passager à bord de l’un des deux véhicules impliqués. La personne lésée qui, en contravention avec la réglementation applicable, ne portait pas sa ceinture de sécurité ( 8 ) a été grièvement blessée à cette occasion. L’action en dommages et intérêts qu’elle a ensuite formée contre les conducteurs des deux véhicules, contre l’assurance automobile du conducteur du véhicule à bord duquel elle circulait en tant que passager ainsi que contre le fonds de garantie a été rejetée en première instance sur le fondement du régime de responsabilité civile précité, au motif que le dommage était dû à sa propre faute, dans la mesure où elle n’avait pas respecté l’obligation légale du port de la ceinture de sécurité.

4.

La présente affaire s’inscrit dans une longue série de recours préjudiciels introduits par des juridictions portugaises, qui soulèvent en substance la question de la compatibilité des régimes nationaux de responsabilité civile en cas d’accidents de la circulation avec le droit de l’Union, plus précisément avec les directives visant à l’harmonisation des législations des États membres relatives à l’assurance de responsabilité civile automobile. Sachant que la Cour a récemment rendu plusieurs arrêts répondant par l’affirmative à cette question, notamment les arrêts de référence du 17 mars 2011, Carvalho Ferreira Santos ( 9 ), et du 9 juin 2011, Ambrósio Lavrador et Olival Ferreira Bonifácio ( 10 ), la présente affaire offre l’occasion de confirmer cette jurisprudence par une décision de la grande chambre – et, ainsi, de l’asseoir sur une base jurisprudentielle plus solide – ou, le cas échéant, de la préciser.

II – Cadre normatif

A – Le droit de l’Union

5.

C’est en 1972 que le législateur de l’Union, par voie de directives, a commencé à œuvrer au rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de responsabilité civile automobile ( 11 ).

6.

La première directive prévoit la suppression du contrôle de la carte verte aux frontières et l’introduction dans tous les États membres d’une assurance de responsabilité civile couvrant les dommages occasionnés sur le territoire de la Communauté.

7.

Partant du principe que les victimes d’accidents de la circulation doivent obtenir une indemnisation de la part d’un débiteur solvable dès lors que la responsabilité est établie, l’article 3, paragraphe 1, de la première directive dispose ce qui suit:

«Chaque État membre prend toutes les mesures utiles […] pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance. Les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures.»

8.

En outre, l’article 3, paragraphe 2, de cette première directive dispose - entre autres – ce qui suit:

«Chaque État membre prend toutes les mesures utiles pour que le contrat d’assurance couvre également: – les dommages causés sur le territoire des autres États membres selon les législations en vigueur dans ces États […]»

9.

La deuxième directive visait, quant à elle, à une harmonisation des différents aspects matériels de cette assurance obligatoire afin de garantir un niveau minimal de protection pour les victimes d’accidents de la circulation et de réduire les divergences subsistant dans l’Union dans l’étendue de la protection offerte par ce type d’assurance.

10.

L’article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive est libellé de la manière suivante:

«Chaque État membre prend les mesures utiles pour que toute disposition légale ou clause contractuelle qui est contenue dans une police d’assurance délivrée conformément à l’article 3 paragraphe 1 de la directive 72/166/CEE, qui exclut de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par:

des personnes n’y étant ni expressément ni implicitement autorisées,

ou

des personnes non titulaires d’un permis leur permettant de conduire le véhicule concerné,

ou

des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d’ordre technique concernant l’état et la sécurité du véhicule concerné,

soit, pour l’application de l’article 3 paragraphe 1 de la directive 72/166/CEE, réputée sans effet en ce qui concerne le recours des tiers victimes d’un sinistre.

Toutefois, la disposition ou la clause visée au premier tiret peut être opposée aux personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l’assureur peut prouver qu’elles savaient que le véhicule était volé […]»

11.

La troisième directive a été adoptée afin de clarifier certaines dispositions relatives à l’assurance de responsabilité civile, étant donné que subsistaient encore des divergences importantes dans l’étendue de la garantie offerte par ce type d’assurance.

12.

L’article 1er de la troisième directive est ainsi libellé:

«Sans préjudice du deuxième alinéa de l’article 2 paragraphe 1 de la directive 84/5/CEE, l’assurance visée à l’article 3 paragraphe 1 de la directive 72/166/CEE couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule […]»

13.

L’article 1er bis de cette même directive est libellé de la manière suivante:

«L’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non motorisés qui, à la suite d’un accident impliquant un véhicule automoteur, ont droit à une indemnisation conformément au droit civil national. Le présent article ne préjuge ni la responsabilité civile ni le montant de l’indemnisation.»

14.

La directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité ( 12 ), entrée en vigueur le 8 octobre 2009, procède à la codification des directives précitées, lesquelles sont par conséquent abrogées. Elles seules s’appliquent toutefois au litige au principal, les faits qui en sont à l’origine s’étant en effet produits bien avant l’entrée en vigueur de la directive 2009/103.

15.

L’article 12 de la directive 2009/103 est libellé de la manière suivante:

«1. Sans préjudice de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, l’assurance visée à l’article 3 couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule.

[…]

3. L’assurance visée à l’article 3 couvre les dommages corporels et matériels subis par les piétons, les cyclistes et les autres usagers de la route non...

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