Opinion of Advocate General Pikamäe delivered on 26 November 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1010
Date26 November 2019
Celex Number62018CC0610
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 26 novembre 2019 (1)

Affaire C610/18

AFMB Ltd e.a.

contre

Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Détermination de la législation applicable – Règlement (CEE) n° 1408/71Article 14, paragraphe 2, sous a) – Règlement (CE) n° 883/2004 – Article 13, paragraphe 1, sous b) – Chauffeurs routiers internationaux – Création d’une société dans un autre État membre – Notion d’employeur – Notion d’abus de droit »






1. Dans la présente procédure préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) pose à la Cour trois questions relatives à l’interprétation de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (2) (ci-après le « règlement n° 1408/71 »), et de l’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (3), tel que modifié par le règlement (UE) nº 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (4) (ci-après le « règlement nº 883/2004 »).

2. Le présent renvoi préjudiciel trouve son origine dans un litige opposant AFMB Ltd (ci-après « AFMB »), une société établie à Chypre, ainsi que plusieurs chauffeurs routiers internationaux, au Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank (Conseil d’administration de la banque des assurances sociales, Pays-Bas ; ci-après le « RSVB »), au sujet de la décision de ce dernier selon laquelle serait applicable auxdits chauffeurs non pas la législation chypriote en matière de sécurité sociale mais la législation néerlandaise en matière de sécurité sociale. Cette décision administrative est contestée par AFMB, qui se prévaut, aux fins de l’application de la législation chypriote, des contrats de travail conclus avec lesdits chauffeurs dans lesquels AFMB est expressément désignée comme l’« employeur », et ce nonobstant le fait que ces chauffeurs sont habituellement mis à la disposition d’entreprises de transport néerlandaises avec lesquelles AFMB a conclu des conventions de gestion de flotte.

3. La clarification de la question litigieuse consistant à savoir qui devrait être considéré comme « employeur » au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), i), du règlement nº 883/2004 dans l’affaire au principal – AFMB ou les entreprises néerlandaises – revêt une importance non négligeable, dans la mesure où elle permet de déterminer la législation nationale applicable en matière de sécurité sociale, afin de garantir aux chauffeurs routiers internationaux leur droit d’avoir accès aux systèmes nationaux de sécurité sociale indépendamment du fait qu’ils aient été engagés dans des États membres autres que leur État d’origine. Dans ce contexte, il ne faut cependant pas perdre de vue l’impact sur le marché unique de l’Union européenne, notamment sur les principes de libre circulation et de libre concurrence, que peut avoir l’application de la législation nationale d’un État membre prévoyant des coûts sociaux potentiellement inférieurs à ceux de l’État membre où le salarié réside ou travaille généralement. Étant donné que le droit de l’Union, au stade actuel de son développement, ne fait que coordonner les régimes nationaux de sécurité sociale au lieu de les harmoniser (5), les différences entre ces systèmes peuvent être considérables. Par conséquent, il ne peut pas être exclu, dans certains cas, que ce qui est considéré par un État membre comme un avantage concurrentiel légitime lié au siège de l’entreprise soit perçu par un autre État membre comme une pratique abusive des libertés fondamentales visées dans les traités. Ces cas ne sont que quelques exemples des aspects particulièrement sensibles dont il convient de tenir en compte dans le cadre de l’analyse des questions juridiques sous-jacentes.

I. Le cadre juridique

A. Le règlement nº 1408/71

4. Le règlement nº 1408/71 a été adopté le 14 juin 1971 et est entré vigueur le 1er octobre 1972. Depuis, ce règlement a fait l’objet de plusieurs modifications. Il est également applicable aux États de l’Association européenne de libre-échange (« AELE ») en vertu de l’accord sur l’Espace économique européen (« accord EEE ») (6) et des accords bilatéraux conclus avec la Confédération suisse (7) respectivement (8).

5. Le titre II, du règlement nº 1408/71, intitulé « Détermination de la législation applicable », contient les articles 13 à 17.

6. L’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 intitulé « Règles générales », dispose :

« Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre. »

7. L’article 13, paragraphe 2, de ce règlement, prévoit :

« Sous réserve des articles 14 à 17 :

a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre ;

[...] »

8. L’article 14, paragraphe 1, dudit règlement intitulé « Règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée », énonce :

« La règle énoncée à l’article 13 paragraphe 2 point a) est appliquée compte tenu des exceptions ou particularités suivantes :

1) a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre État membre afin d’y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement ;

[...] »

9. L’article 14, paragraphe 2, du même règlement, dispose :

« La personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation déterminée comme suit :

a) la personne qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant, pour le compte d’autrui ou pour son propre compte, des transports internationaux de passagers ou de marchandises par voies ferroviaire, routière, aérienne ou batelière et ayant son siège sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de ce dernier État. Toutefois :

[...]

ii) la personne occupée de manière prépondérante sur le territoire de l’État membre où elle réside est soumise à la législation de cet État, même si l’entreprise qui l’occupe n’a ni siège, ni succursale, ni représentation permanente sur ce territoire ;

[...] »

B. Le règlement nº 883/2004

10. Le règlement nº 1408/71 a été abrogé par le règlement nº 883/2004, qui a été adopté le 29 avril 2004 et est entré en vigueur le 1er mai 2010. Il est applicable aux États de l’AELE en vertu de l’accord EEE (9) et des accords bilatéraux conclus avec la Confédération suisse (10) respectivement.

11. Le titre II, du règlement nº 883/2004, intitulé « Détermination de la législation applicable », comprend les articles 11 à 16.

12. L’article 11, paragraphe 1, de ce règlement intitulé « Règles générales », énonce :

« Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. »

13. L’article 12, paragraphe 1, dudit règlement intitulé « Règles particulières », prévoit :

« La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que la personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée. »

14. L’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, dispose :

« La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a) à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ; ou

b) si elle n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’État membre de résidence :

i) à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par une entreprise ou un employeur ; ou

[...] »

15. L’article 90, paragraphe 1, du règlement nº 883/2004, intitulé « Abrogation », énonce :

« Le règlement [nº 1408/71] est abrogé à partir de la date d’application du présent règlement.

Toutefois, le règlement [nº 1408/71] reste en vigueur et ses effets juridiques sont préservés aux fins :

[...]

c) de l’accord sur l’Espace économique européen, de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes et d’autres accords contenant une référence au règlement [nº 1408/71], aussi...

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