Horațiu Ovidiu Costea v SC Volksbank România SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:271
Date23 April 2015
Celex Number62014CC0110
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-110/14
62014CC0110

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 23 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑110/14

Horațiu Ovidiu Costea

contre

SC Volksbank România SA

[demande de décision préjudicielle formée par la Judecătoria Oradea (Roumanie)]

«Protection des consommateurs — Notion de ‘consommateur’ au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE — Contrat de crédit conclu par une personne physique qui exerce la profession d’avocat — Remboursement du crédit garanti par un immeuble appartenant au cabinet d’avocat de l’emprunteur — Incidence des connaissances et de la profession sur la qualité de consommateur — Détermination de la destination du crédit — Contrat à double finalité, au sens du considérant 17 de la directive 2011/83/UE — Incidence du contrat accessoire sur le contrat principal»

1.

La présente demande de décision préjudicielle, introduite par la Judecătoria Oradea (Roumanie), donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur la notion de «consommateur» au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ), selon lequel toute personne physique qui, dans les contrats relevant de cette directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, est un «consommateur».

2.

Bien que la notion de «consommateur» ait fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle dans différents domaines du droit de l’Union, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée exhaustivement sur cette notion dans le domaine spécifique de la directive 93/13 ( 3 ), dont l’interprétation est demandée en l’espèce. Plus précisément, la présente affaire est particulière en ce qu’elle amène à s’interroger sur la qualité de consommateur d’un professionnel du droit concernant la conclusion d’un contrat de crédit dont le remboursement est garanti par un immeuble appartenant à son cabinet d’avocat individuel. Ainsi, il s’agit d’examiner, d’une part, la question de l’incidence des compétences et connaissances particulières d’une personne agissant en qualité de consommateur et, d’autre part, l’influence du rôle que cette personne joue dans le cadre d’un contrat accessoire de garantie sur sa qualité de consommateur dans le cadre d’un contrat principal de crédit.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

Aux termes des cinquième, dixième et seizième considérants de la directive 93/13:

«considérant que, généralement, le consommateur ne connaît pas les règles de droit qui, dans les États membres autres que le sien, régissent les contrats relatifs à la vente de biens ou à l’offre de services; que cette méconnaissance peut le dissuader de faire des transactions directes d’achat de biens ou de fourniture de services dans un autre État membre;

[…]

considérant qu’une protection plus efficace du consommateur peut être obtenue par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives; que ces règles doivent s’appliquer à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur; que, par conséquent, sont notamment exclus de la présente directive les contrats de travail, les contrats relatifs aux droits successifs, les contrats relatifs au statut familial ainsi que les contrats relatifs à la constitution et aux statuts des sociétés;

[…]

considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués; que ceci constitue l’exigence de bonne foi; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes».

4.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que celle‑ci a pour objet de «rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur».

5.

L’article 2 de cette directive définit les notions de «consommateur» et de «professionnel». Aux termes de cette disposition, «[a]ux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

b)

‘consommateur’: toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle;

c)

‘professionnel’: toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée».

B – Le droit roumain

6.

L’article 2 de la loi no 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs (Legea privind clauzele abuzive din contractele încheiate între comercianţi şi consumatori), dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat de crédit qui fait l’objet du litige au principal, énonce:

«1. Il convient d’entendre par ‘consommateur’ toute personne physique ou tout groupe de personnes physiques constitué en association qui, dans le cadre d’un contrat relevant du domaine d’application de la présente loi, agit dans des buts étrangers à ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales.

2. Il convient d’entendre par ‘commerçant’ toute personne physique ou morale autorisée qui, dans le cadre d’un contrat relevant du domaine d’application de la présente loi, agit dans le contexte de ses activités commerciales, industrielles ou de production, artisanales ou libérales, ainsi que toute personne qui agit dans ce même cadre au nom ou pour le compte de cette première personne».

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

7.

La présente demande de décision préjudicielle a été formée dans le cadre d’un litige civil entre M. Costea, partie requérante, et SC Volksbank România SA (ci‑après «Volksbank»), partie défenderesse, et a pour objet une action déclaratoire introduite devant la Judecătoria Oradea, juridiction civile de première instance.

8.

Le requérant, M. Costea, exerce la profession d’avocat dans le domaine du droit commercial. Au cours de l’année 2008, M. Costea a conclu un contrat de crédit avec Volksbank. Selon la décision de renvoi, ce contrat a également été conclu par le cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu», en qualité de caution hypothécaire. En effet, à la même date que le contrat de crédit, un contrat par lequel le cabinet d’avocat individuel «Costea Ovidiu», en tant que propriétaire d’un immeuble, est convenu avec Volksbank de garantir le remboursement du crédit susmentionné a été conclu (ci‑après le «contrat de garantie»). À cette fin, le cabinet d’avocat «Costea Ovidiu» était représenté par M. Costea. C’est précisément cette circonstance qui a permis à l’établissement bancaire défendeur de connaître la profession de l’emprunteur.

9.

Le 24 mai 2013, M. Costea a formé le recours à l’origine du litige au principal contre Volksbank, demandant la constatation du caractère abusif de la clause relative à la commission de risque inscrite au point 5, sous a), du contrat de crédit ( 4 ), ainsi que la restitution des sommes perçues par la banque à ce titre. M. Costea a fondé ses arguments sur sa qualité de consommateur et invoqué les dispositions de la loi no 193/2000, qui a transposé la directive 93/13 en droit roumain. Plus particulièrement, M. Costea estime que la clause relative à la commission de risque n’a pas fait l’objet d’une négociation, mais a été imposée unilatéralement par la banque. Le requérant en a déduit que cette clause revêtait un caractère abusif et estime, par ailleurs, que la garantie hypothécaire qui accompagnait le contrat de crédit avait éliminé ce risque. Dans la décision de renvoi, le juge ne s’exprime ni au sujet du contenu de la clause ni au sujet de son éventuel caractère abusif ( 5 ).

10.

La Judecătoria Oradea a considéré qu’il était nécessaire de procéder à l’interprétation de l’article 2, sous b), de la directive 93/13 et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Aux fins de la définition de la notion de ‘consommateur’, l’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit‑il être interprété comme incluant ou comme excluant de cette définition une personne physique exerçant la profession d’avocat qui conclut un contrat de crédit avec une banque, sans que le but du crédit soit précisé dans ce contrat, qui mentionne la qualité de caution hypothécaire du cabinet d’avocat de ladite personne physique?»

11.

Volksbank, les gouvernements roumain, italien, des Pays‑Bas et la Commission européenne ont formulé des observations écrites dans le cadre de la procédure devant la Cour. Au cours de l’audience, qui s’est tenue le 28 janvier 2015, les parties ont été invitées à concentrer leurs plaidoiries sur l’incidence du contrat accessoire de garantie sur la qualité de consommateur, ainsi que sur l’utilité, aux fins de la présente affaire, des indications quant à la qualification juridique des contrats...

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