Opinion of Advocate General Kokott delivered on 19 April 2018.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62017CC0140 |
ECLI | ECLI:EU:C:2018:273 |
Date | 19 April 2018 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-140/17 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 19 avril 2018 ( 1 )
Affaire C‑140/17
Szef Krajowej Administracji Skarbowej
contre
Gmina Ryjewo
(demande de décision préjudicielle formée par le Naczelny Sąd Administracyjny [Cour suprême administrative, Pologne])
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Déduction de la taxe payée en amont – Acquisition d’un bien d’investissement – Affectation du bien d’investissement lorsque l’intention de l’utiliser à des fins économiques est encore incertaine – Utilisation initiale pour une activité (de puissance publique) n’ouvrant pas droit à déduction – Utilisation ultérieure pour une activité soumise à la TVA (changement d’affectation) – Déduction a posteriori de la TVA payée en amont par la voie d’une régularisation »
I. Introduction
1. |
Dans cette affaire, la Cour est appelée à se prononcer sur le point de savoir si un assujetti reste en droit de déduire a posteriori la TVA payée en amont, même s’il n’a pas expressément affecté le bien à son entreprise en l’acquérant, au motif qu’il n’était pas encore concrètement en mesure d’en prévoir à cette date l’utilisation ultérieure. Cette question se pose en l’espèce ( 2 ) pour une commune qui, lors de l’acquisition, était aussi enregistrée en qualité d’assujettie et qui n’a utilisé le bien aux fins de réaliser des opérations soumises à la TVA que quatre ans après l’avoir acquis (mais toujours au cours de la période de régularisation). |
2. |
Si ces événements s’étaient déroulés dans un ordre chronologique inverse, la commune aurait incontestablement bénéficié d’un droit à déduction. Les déductions auraient simplement fait l’objet d’une correction a posteriori en soumettant le prélèvement du bien à la TVA. L’imposition d’un assujetti à la TVA peut-elle toutefois dépendre du hasard de l’ordre chronologique de l’utilisation d’un bien d’investissement ? |
3. |
S’agissant d’une personne physique ayant acquis un bien exclusivement pour ses besoins privés, la Cour, depuis son arrêt Lennartz ( 3 ), refuse un droit à déduction même en cas d’utilisation économique ultérieure. Les dispositions applicables ont toutefois depuis été modifiées, si bien qu’il convient de vérifier si cette jurisprudence peut être poursuivie. S’applique-t-elle, le cas échéant, aussi à une commune qui, lors de l’acquisition, était enregistrée en tant qu’assujettie et qui n’a pas expressément affecté ce bien à l’exercice de ses activités de puissance publique ? Importe-t-il à cet égard qu’une commune ne soit considérée comme non assujettie que dans les conditions fixées par l’article 13 de la directive TVA ? |
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
4. |
L’article 13 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 4 ) (ci-après la « directive TVA ») régit les conditions dans lesquelles les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis : « 1. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions. Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance. En tout état de cause, les organismes de droit public ont la qualité d’assujettis pour les activités figurant à l’annexe I et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables. […] » |
5. |
L’article 167 de la directive TVA a le libellé suivant : « Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. » |
6. |
L’article 168 de la directive TVA est libellé comme suit : « Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
[…] » |
7. |
L’article 184 de la directive TVA porte sur la correction des déductions initiales : « La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. » |
8. |
L’article 187 de la directive TVA régit la période de régularisation : « 1. En ce qui concerne les biens d’investissement, la régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Toutefois, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien. En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être prolongée jusqu’à vingt ans. 2. Chaque année, la régularisation ne porte que sur le cinquième ou, dans le cas où la période de régularisation a été prolongée, sur la fraction correspondante de la TVA dont les biens d’investissement ont été grevés. La régularisation visée au premier alinéa est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis, fabriqué ou, le cas échéant, utilisé pour la première fois.» |
B. Le droit polonais
9. |
La loi polonaise relative à la taxe sur les biens et services (ci‑après la « loi sur la TVA ») ( 5 ) fixe dans son article 15 les personnes qui sont assujetties :
[…]
|
10. |
L’article 86, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA dispose : « Dans la mesure où les biens et services sont utilisés aux fins d’opérations imposables, l’assujetti visé à l’article 15 bénéficie d’un droit à déduction, sous réserve de l’article 114, de l’article 119, paragraphe 4, de l’article 120, paragraphes 17 et 19, ainsi que de l’article 124. » |
11. |
L’article 91 de la loi sur la TVA comporte des dispositions sur le droit à déduction : « […] 2. S’agissant des biens et des services qui, sur la base des dispositions relatives à l’impôt sur les bénéfices, sont affectés par l’assujetti aux immobilisations corporelles et incorporelles amortissables, ainsi que des terrains et droits emphytéotiques affectés aux immobilisations corporelles et incorporelles de l’acquéreur, […] l’assujetti procède à la régularisation visée au paragraphe 1 au cours d’une période de 5 ans, ou de 10 ans en ce qui concerne les terrains et droits emphytéotiques, calculée à compter de l’année du début de l’utilisation. […] 7. Les paragraphes 1 à 6 s’appliquent mutatis mutandis si l’assujetti [n’]a [pas] bénéficié d’un droit à déduction total de la taxe payée en amont sur le bien ou service qu’il a utilisé […] mais qu’il y a eu par la suite modification du droit à déduction de la taxe payée en amont pour ce bien ou service. » |
III. Le litige au principal
12. |
Le litige dans l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi concerne le point de savoir si la commune de Ryjewo (ci-après la « commune ») peut bénéficier a posteriori d’un droit à déduction proportionnelle de ses dépenses d’investissement. Ce litige vient de ce que la commune a fait bâtir une maison locale de la culture qu’elle a d’abord utilisée à des fins relevant de sa puissance publique. Les coûts de construction comprenaient également la TVA. |
13. |
La commune était certes enregistrée comme assujettie à la TVA au moment de la construction et déposait des déclarations de TVA. Elle n’a toutefois, dans un premier temps, pas fait valoir de droit à déduction, car la maison de culture n’était pas destinée à être utilisée pour des opérations soumises à la TVA. La commune n’a pas non plus affecté expressément à son « entreprise » la maison de la culture qu’elle avait fait bâtir. |
14. |
Quatre ans après l’achèvement de la maison de la culture, la commune en a modifié l’utilisation de sorte à l’employer également pour des opérations soumises à la TVA. Elle estime être en droit, à compter de la location à titre onéreux de la maison de la culture, de déduire une partie de la TVA qu’elle a payée en... |
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