Maria Geurts and Dennis Vogten v Administratie van de BTW, registratie en domeinen and Belgische Staat.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:108
Date15 February 2007
Celex Number62005CC0464
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-464/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 15 février 2007 (1)

Affaire C‑464/05

Maria Geurts et

Dennis Vogten

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank van eerste aanleg te Hasselt (Belgique)]

«Législation fiscale – Impôt sur les successions – Exonération des parts de sociétés familiales qui emploient au moins cinq travailleurs dans la région flamande»





I – Introduction

1. L’impôt sur les successions frappant des participations déterminantes dans des sociétés familiales peut mettre en péril la continuation de ces entreprises après le décès du chef d’entreprise si l’entreprise devait être privée de moyens pour permettre de faire face aux obligations fiscales. Dès lors, la Région flamande de Belgique exonère de telles participations de l’impôt sur les successions, à la condition toutefois que, au cours des trois années ayant précédé le décès, l’entreprise ait employé au moins cinq travailleurs en Flandre et que les héritiers maintiennent ces emplois pendant les cinq années qui suivent le décès.

2. Le rechtbank van eerste aanleg te Hasselt (Belgique) nourrit des doutes quant à la compatibilité de telles règles avec la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux, en ce qu’elles réservent aux participations dans une entreprise dont le siège est établi dans un autre État membre un traitement moins favorable que celui qu’elles réservent aux participations dans des sociétés internes.

II – Le cadre juridique

3. L’article 60 bis du code des droits de succession, dans la version instaurée par décret du parlement flamand, applicable le jour de la mort du de cujus dispose:

«§ 1er Par dérogation aux articles 48 et 48/2, est exonérée des droits de succession la valeur nette:

a) des avoirs investis à titre professionnel par le défunt ou son conjoint dans une entreprise familiale; et

b) des actions d’une société familiale ou des créances à l’égard d’une telle société, à condition qu’au moins 50 pour cent de l’entreprise ou des actions de la société aient appartenu sans interruption, au cours des trois années précédant le décès, au défunt et/ou son conjoint et que ces actions ou créances soient mentionnées spontanément dans la déclaration de succession.

[…]

§ 3. Par société familiale, il faut entendre: la société dont le siège de direction effective est établi dans un État membre de l’Union européenne et qui:

– soit remplit elle-même les conditions des §§ 1er, 5 et 8;

– soit, détient des actions et, le cas échéant, des créances de filiales qui remplissent ces conditions.

En ce dernier cas, la condition de prise de participation est déterminée sur la base consolidée; par contre, la condition relative à l’effectif, visée au § 5 est déterminée par société.

§ 4 […]

§ 5. L’exonération n’est accordée que si l’entreprise ou la société employait au moins 5 travailleurs, exprimés en unités à temps plein, dans la Région flamande pendant les trois années qui ont précédé le décès.

[…] L’exonération ne peut être obtenue et conservée que dans la mesure où les actions ou créances restent en possession des héritiers qui bénéficient de la réduction pendant cinq ans après le décès. Lorsqu’un héritier meurt avant l’expiration de la période de cinq ans, l’exonération n’est conservée que dans la mesure où sa part héréditaire se transmet à des héritiers en ligne directe ou entre époux.

[…]

§ 10. Sous peine de nullité, l’application de l’article 60 bis est subordonnée à l’observation des conditions suivantes:

1° l’application de l’article 60 bis est sollicitée formellement dans la déclaration;

2° l’attestation délivrée par la Région flamande et certifiant que les conditions prévues par le présent article en matière d’emploi et de capital sont remplies, est jointe à la déclaration.

Lorsque l’attestation n’est pas présentée avant que les droits ne deviennent exigibles, ceux-ci, calculés au tarif normal, doivent être liquidés avant l’expiration du délai légal, sous réserve d’une restitution dans les conditions indiquées à l’article 135, 8°;

3° les avoirs ou actions pour lesquels l’application de l’article 60 bis est sollicitée sont mentionnés sous rubrique séparée de la déclaration. […]»

4. Conformément aux articles 3, point 4, et 4, § 2, de la loi spéciale belge du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions (2), et eu égard au fait que la succession du défunt s’est ouverte en région flamande, l’article 60 bis du code des droits de succession, qui s’applique à une succession ouverte en région flamande, est applicable au litige au principal.

III – Les faits et la question préjudicielle

5. Les demandeurs sont les héritiers de feu M. Joseph Vogten (le défunt), décédé le 6 janvier 2003. Le défunt était marié à Mme Maria Geurts et M. Dennis Vogten est son fils. Au moment de son décès, feu M. Joseph Vogten résidait depuis treize ans en Belgique, en l’occurrence en région flamande. Sa succession y est soumise au code des droits de succession.

6. La demanderesse et le défunt vivaient sous le régime de la communauté de biens. Leur patrimoine commun comprenait 100 % des parts de la société Jos Vogten Beheer BV. Cette société détient 100 % des parts de Vogten Staal BV. Ces deux sociétés ont leur siège à Maastricht, aux Pays-Bas, et chacune des deux y employait, depuis plus de trois ans avant le décès du défunt, de façon ininterrompue, plus de cinq travailleurs. L’actif du patrimoine commun comprenait également des créances de 1 043 691 euros et une créance en compte courant de 66 877 euros sur Jos Vogten Beheer BV. La participation de Jos Vogten Beheer BV dans Vogten Staal BV a une valeur de 4 833 004 euros et représente 62,1 % du total des actifs de Jos Vogten Beheer BV

7. Le 4 août 2003, les demandeurs ont payé les droits de succession, qui s’élevaient à 839 485,60 euros. Ils ont procédé au paiement de ce montant afin d’éviter une contrainte au titre du droit belge des droits de succession ainsi que pour éviter des amendes, une majoration de droits et des intérêts; ils contestaient néanmoins, fondamentalement, le montant des droits dont ils étaient redevables.

8. Dans leur déclaration à l’impôt sur les successions, du 9 février 2004, les demandeurs ont exposé que l’actif de la succession s’élevait à 3 666 483,13 euros. En soustrayant le passif, le montant imposable de la succession s’élevait à 3 598 717,33 euros. Ce montant représente pour l’essentiel la valeur des participations dans les sociétés et les créances à leur égard dans la mesure où celles-ci revenaient au défunt dans le cadre de la communauté de biens conjugale. Le montant de la base imposable aux fins de l’impôt sur les successions n’est pas contesté entre parties.

9. La seule question en litige consiste à savoir si, pour cette partie de la succession, les demandeurs peuvent invoquer l’article 60 bis du code des droits de succession et, dès lors, se prévaloir du taux de 0 % prévu par cette disposition. Par ses décisions des 28 octobre 2003 et 13 février 2004, le défendeur a refusé une demande en ce sens au motif que les demandeurs n’auraient pas joint à leur déclaration aux droits de succession l’attestation délivrée par la Région flamande, dont il doit ressortir que les conditions en matière d’emploi et de capital sont remplies.

10. Les demandeurs au principal ont formé un recours contre ces décisions et exposent qu’ils n’ont pas obtenu cette attestation au seul motif que les travailleurs de Jos Vogten Beheer BV et de Vogten Staal BV sont employés aux Pays-Bas et non en région flamande. Pour les demandeurs, la disposition litigieuse enfreint les articles 43 CE et 56 CE.

11. Par une ordonnance rendue le 21 décembre 2005, le rechtbank van eerste aanleg te Hasselt a demandé à la Cour de statuer au titre de l’article 234 CE sur la question préjudicielle suivante:

«Convient-il d’interpréter le droit communautaire et en particulier les articles 43 CE et 56 CE en ce sens qu’il faille considérer comme compatible avec ces articles une restriction découlant d’une disposition de la législation en matière de successions d’une Région de l’État membre, en l’occurrence l’article 60 bis du code belge des droits de succession tel qu’il s’applique à une succession qui s’est ouverte dans la région flamande, disposition qui, si elle exonère l’ayant droit du défunt, soit l’héritier, des droits de succession sur les parts d’une société familiale ou sur une créance à l’égard d’une telle société sous la condition de l’emploi, par ladite société, d’au moins cinq travailleurs pendant les trois années qui ont précédé le décès, limite toutefois cette exonération au cas de l’emploi d’au moins cinq travailleurs dans une région déterminée de l’État membre (en l’occurrence la région flamande)?»

12. Les demandeurs, le gouvernement belge ainsi que la Commission des Communautés européennes ont présenté des observations dans le cadre de la procédure devant la Cour.

IV – En droit

13. La juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter les articles 43 CE et 56 CE dans le cas d’une disposition du droit fiscal des successions.

14. Il convient tout d’abord de rappeler que, si la fiscalité directe, y compris l’impôt sur les successions, relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (3).

A – La liberté fondamentale concernée

15. Attendu que la juridiction de renvoi envisage l’application des dispositions relatives à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, il convient en premier lieu de déterminer, parmi les dispositions citées, celles qui sont pertinentes dans un cas tel qu’en l’espèce.

– Liberté d’établissement

16. Selon une jurisprudence constante, la notion d’établissement au sens de l’article 43 CE est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et...

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