Pensionsversicherungsanstalt v Peter Brey.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:337
Date29 May 2013
Celex Number62012CC0140
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑140/12
62012CC0140

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 29 mai 2013 ( 1 )

Affaire C‑140/12

Peter Brey

contre

Pensionsversicherungsanstalt

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Citoyenneté de l’Union — Libre circulation des personnes — Article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/83/CE — Droit de séjourner plus de trois mois sur le territoire d’un autre État membre — Personnes ayant cessé leur activité professionnelle — Conditions de séjour — Demande de prestation en espèces (‘Ausgleichszulage’) — Notion d’’assistance sociale’»

1.

L’idée qu’un citoyen de l’Union puisse déclarer «civis europeus sum» et invoquer ce statut face aux difficultés rencontrées dans un autre État membre a été lancée, on le sait, il y a plus de 20 ans ( 2 ). La présente affaire soulève la question de savoir si l’on peut actuellement se prévaloir de ce statut face aux difficultés économiques de la vie moderne.

2.

La présente demande de décision préjudicielle a été formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche), qui doit statuer en dernier ressort sur le droit de M. Peter Brey à un «supplément compensatoire» («Ausgleichszulage») prévu par la législation autrichienne que la Pensionsversicherungsanstalt (caisse de retraite) a refusé de lui accorder. La juridiction de renvoi souhaite notamment savoir si le supplément compensatoire constitue une prestation d’assistance sociale au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38/CE ( 3 ).

3.

Bien que le litige porte sur une question de législation sociale, le problème sous-jacent est en réalité celui de savoir si M. Brey séjourne légalement en Autriche, une condition aux termes de la législation autrichienne pour avoir droit au supplément compensatoire. Le gouvernement autrichien est apparemment préoccupé par le nombre croissant de citoyens migrants inactifs de l’Union s’installant en Autriche et y demandant le bénéfice du supplément compensatoire ( 4 ). Un supplément compensatoire a été jadis examiné par la Cour ( 5 ) en rapport avec le règlement (CEE) no 1408/71 ( 6 ). La juridiction de renvoi souhaite désormais savoir si le supplément compensatoire relève de la notion d’«assistance sociale» telle qu’elle est employée dans la directive 2004/38.

I – Le cadre juridique

A – Législation de l’Union

1. La directive 2004/38

4.

L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 confère un droit de séjour pour des périodes supérieures à trois mois aux personnes qui ne sont pas des travailleurs, des travailleurs non salariés ou des étudiants à condition, entre autres, qu’elles «dispos[ent], pour [elles] et pour les membres de [leur] famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de [leur] séjour».

5.

L’article 8, paragraphe 4, de la directive 2004/38 empêche les États membres de prévoir un montant fixe devant être considéré comme des «ressources suffisantes» au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 et exige au contraire qu’ils tiennent compte de la situation personnelle de la personne concernée.

6.

En ce qui concerne le maintien du droit de séjour, l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prévoit, entre autres, que les citoyens de l’Union peuvent continuer à séjourner dans l’État membre d’accueil tant qu’ils satisfont aux conditions fixées à l’article 7 de ladite directive. Lorsqu’il est permis de douter qu’un citoyen de l’Union remplit ces conditions, l’État membre d’accueil peut vérifier, de manière non systématique, qu’elles sont remplies. Enfin, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, le recours au système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ne peut automatiquement entraîner une mesure d’éloignement.

2. Le règlement (CE) no 883/2004

7.

Il ressort du considérant 1 du règlement (CE) no 883/2004 ( 7 ) que les règles de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes. Toutefois, le considérant 4 souligne la nécessité de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination. En vertu de son article 3, paragraphe 5, sous a), l’assistance sociale est exclue du champ d’application dudit règlement.

8.

Néanmoins, en vertu de son article 3, paragraphe 3, le règlement no 883/2004 s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70. La raison en est que, ainsi que cela est indiqué à l’article 70, paragraphe 1, ces prestations possèdent les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale et d’une assistance sociale.

9.

L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 énumère les caractéristiques matérielles qu’une prestation doit avoir pour être qualifiée de prestation spéciale en espèces à caractère non contributif ( 8 ). La conséquence juridique est que, en vertu de son article 70, paragraphe 3, certaines règles prévues par le règlement no 883/2004, y compris la levée des clauses de résidence en vertu de l’article 7, ne s’appliquent pas à de telles prestations. En effet, l’article 70, paragraphe 4, précise qu’elles sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside, conformément à sa législation et à la charge de l’institution du lieu de résidence.

10.

Le règlement no 1408/71 a été abrogé par l’article 90, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, avec effet à compter de la date d’application de ce règlement (à savoir le 1er mai 2010), sous réserve de plusieurs dispositions de sauvegarde. De même que s’agissant du règlement no 883/2004, l’assistance sociale était exclue du champ d’application du règlement no 1408/71 en vertu de son article 4, paragraphe 4. En outre, les articles 4, paragraphe 2 bis, et 10 bis du règlement no 1408/71, ainsi que son annexe II bis, contenaient des dispositions similaires à celles évoquées ci-dessus et qui avaient été introduites par le règlement (CEE) no 1247/92 ( 9 ).

B – Législation nationale

1. La loi autrichienne relative à l’établissement et au séjour

11.

L’entrée régulière en Autriche est régie par la loi relative à l’établissement et au séjour (Niederlassungs- und Aufenthaltsgesetz, ci-après le «NAG»). L’article 51, points 1 et 2, du NAG prévoit, sur la base de la directive 2004/83, que les citoyens économiquement inactifs de l’Espace économique européen (EEE) ont le droit de séjourner pour une durée de plus de trois mois si, notamment, ils disposent pour eux-mêmes et les membres de leur famille de ressources suffisantes de manière à ne pas devoir demander pendant leur séjour le bénéfice de prestations d’assistance sociale ou du supplément compensatoire.

12.

En vertu de l’article 53 du NAG, si des citoyens de l’EEE jouissant d’un droit de séjour en vertu de la législation de l’Union prévoient de séjourner plus de trois mois en Autriche, ils doivent le notifier dans un délai de quatre mois à compter de leur entrée sur le territoire à l’autorité compétente qui délivre une attestation d’enregistrement si les conditions pertinentes sont remplies. Pour les personnes économiquement inactives, une preuve de ressources suffisantes doit être produite.

13.

La juridiction de renvoi et le gouvernement autrichien exposent que le libellé actuel de l’article 51, paragraphe 1, du NAG résulte d’une modification du NAG par la loi budgétaire de 2011 qui a ajouté une condition de séjour légal avec effet au 1er janvier 2011 ( 10 ). Selon la juridiction de renvoi, l’objectif de cette modification était d’éviter une situation dans laquelle les citoyens de l’Union inactifs et les membres de leur famille peuvent faire peser une charge trop lourde sur le budget autrichien.

2. La loi autrichienne générale relative à la sécurité sociale

14.

L’article 292, paragraphe 1, de la loi générale relative à la sécurité sociale (Allgemeines Sozialversicherungsgesetz, ci-après l’«ASVG») ( 11 ) prévoit que les titulaires d’une pension doivent avoir droit à un supplément compensatoire à leur pension lorsque celle-ci, majorée des revenus nets tirés d’autres sources, est inférieure au seuil du revenu minimum vital. Depuis l’adoption de la loi budgétaire évoquée au point 13 ci-dessus, ce droit est soumis à une condition de séjour habituel et légal en Autriche.

II – Les faits à l’origine du litige au principal, la procédure et la question préjudicielle

15.

M. Brey est un ressortissant allemand. Son épouse, également de nationalité allemande, et lui se sont installés en Autriche en mars 2011 souhaitant s’y établir durablement.

16.

Conformément au NAG, la Bezirkshautpmannschaft Deutschlandsberg (administration cantonale de Deutschlandsberg) a délivré à M. Brey et à son épouse une attestation d’enregistrement pour citoyens de l’EEE le 22 mars 2011.

17.

Selon l’ordonnance de renvoi, à la date de son entrée en Autriche, M. Brey percevait deux types différents de revenus de source allemande: une pension d’invalidité d’un montant brut de 864,74 euros par mois et une allocation de dépendance d’un montant de 225 euros par mois. Il ne dispose d’aucun autre revenu ou patrimoine. Lorsque le couple vivait en Allemagne, son épouse percevait une prestation de base qui ne lui est toutefois plus versée depuis le 1er avril 2011 au vu du fait que le couple s’est installé en Autriche. M. Brey et son épouse paient un loyer mensuel de 532,29 euros pour leur appartement en Autriche.

18.

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