Opinion of Advocate General Bobek delivered on 18 October 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:850
Date18 October 2018
Celex Number62017CC0535
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
CourtCourt of Justice (European Union)
62017CC0535

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 18 octobre 2018 ( 1 )

Affaire C‑535/17

NK, curateur aux faillites de PI Gerechtsdeurwaarderskantoor BV et PI

contre

BNP Paribas Fortis NV

[demande de décision préjudicielle présentée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

« Demande de décision préjudicielle – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Compétence en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 44/2001 – Procédures d’insolvabilité – Règlement (CE) no 1346/2000 – Champ d’application – Règlement (CE) no 864/2007 – Champ d’application ratione temporis – Recours en dommages et intérêts introduit par un syndic à l’encontre d’un tiers ayant commis une faute à l’égard des créanciers »

I. Introduction

1.

PI était huissier aux Pays-Bas. Il détenait en Belgique un compte courant auprès de BNP Paribas Fortis NV (ci-après « Fortis »). Il a utilisé ledit compte à des fins professionnelles relatives à son étude d’huissier. En 2006, il a fondé une société destinée à exercer les activités de l’étude d’huissier. Il en était le seul associé et administrateur. Ladite société détenait un autre compte, un compte tiers auprès de Rabobank aux Pays-Bas.

2.

En septembre 2008, PI a transféré 550000 euros du compte tiers auprès de Rabobank aux Pays-Bas au compte courant auprès de Fortis en Belgique. Quelques jours plus tard, il a retiré ce montant en espèces du compte courant de Fortis.

3.

PI et la société ont tous deux étés déclarés en faillite. Le syndic chargé de ces procédures de faillite, qui ont été ouvertes aux Pays-Bas, cherche désormais à recouvrer le montant de 550000 euros auprès de Fortis dans l’intérêt de la masse des créanciers de PI et de la société. Ce type de demande est connue en droit néerlandais sous le nom d’action « Peeters/Gatzen ». Elle a été admise pour la première fois en 1983 par une décision du Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), la juridiction de renvoi dans la présente affaire.

4.

Dans le cadre de sa décision sur la question de la compétence internationale, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir si une demande telle que l’action « Peeters/Gatzen » entre dans le champ d’application du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité ( 2 ) (ci‑après le « règlement sur l’insolvabilité ») ou dans celui du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 3 ) (ci-après le « règlement Bruxelles I »).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement Bruxelles I

5.

L’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement Bruxelles I énonce que ledit règlement ne s’applique pas aux « faillites, concordats et autres procédures analogues ».

2. Le règlement Rome II

6.

L’article 17 du règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») ( 4 ) (ci-après le « règlement Rome II ») énonce :

« Pour évaluer le comportement de la personne dont la responsabilité est invoquée, il est tenu compte, en tant qu’élément de fait et pour autant que de besoin des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu et au jour de la survenance du fait qui a entraîné la responsabilité. »

7.

L’article 31 du règlement Rome II est intitulé « Application dans le temps ». Il énonce que ce règlement « s’applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur ». En vertu de l’article 32 dudit règlement, intitulé « Date d’application », ledit règlement « est applicable à partir du 11 janvier 2009 ».

3. Le règlement sur l’insolvabilité

8.

Le considérant 6 du règlement sur l’insolvabilité invoque : « Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l’ouverture de procédures d’insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement. [...] »

9.

L’article 3 du règlement sur l’insolvabilité établit des règles en matière de compétence internationale. L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement donne compétence pour ouvrir la procédure d’insolvabilité « aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur ».

10.

L’article 4 du règlement sur l’insolvabilité détermine les règles relatives à la loi applicable. Il est ainsi libellé :

« 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé “État d’ouverture”.

2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment :

[…]

c)

les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ;

[…]

m)

les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers. »

11.

Aux termes de l’article 13, intitulé « Actes préjudiciable », du règlement sur l’insolvabilité :

« L’article 4, paragraphe 2, point m), n’est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers apporte la preuve que :

cet acte est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture,

et que

cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte. »

B. Le droit néerlandais

1. L’action « Peeter/Gatzen »

12.

L’action « Peeters/Gatzen » a été admise pour la première fois par la juridiction de renvoi, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) par un arrêt du 14 janvier 1983 ( 5 ). Cette juridiction décrit, dans sa décision de renvoi, certaines des caractéristiques principales de ce type d’action telles qu’elles ont été précisées ultérieurement dans sa jurisprudence ( 6 ).

13.

Lorsque le failli a causé un préjudice aux créanciers avant la faillite, le syndic de la faillite peut agir dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers. Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a considéré que, dans certaines circonstances, une action en dommages et intérêts pour responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle peut également être introduite contre un tiers qui a participé à la réalisation du préjudice, même si le failli ne disposait pas lui-même d’une telle action. Le produit de cette action introduite par le syndic dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers revient à la masse, tout comme le produit d’une action en annulation fondée sur les articles 42 et suivants de la Faillissementswet (loi sur la faillite), du 30 septembre 1893. Il bénéficie donc à l’ensemble des créanciers sous la forme d’une augmentation des actifs à distribuer selon le plan de répartition.

14.

La compétence du syndic pour intenter de telles actions découle de l’article 68, paragraphe 1, de la loi sur la faillite, qui lui impartit la mission de gérer et liquider la masse. Cette compétence du syndic pour intenter une action, que celui-ci l’exerce ou non, ne fait pas obstacle à ce que les créanciers individuels exercent eux-mêmes l’action en responsabilité dont ils disposent. Toutefois, si le syndic introduit aussi, sur la base des mêmes éléments de fait, une action en responsabilité contre le tiers pour le compte de l’ensemble des créanciers, l’intérêt à une bonne liquidation de la faillite peut exiger qu’il soit statué d’abord sur cette action, puis sur celle des créanciers individuels.

15.

Lorsqu’il est statué sur l’action intentée par le syndic pour le compte de l’ensemble des créanciers, un examen de la situation individuelle de chacun des créanciers concernés est exclu : avant tout, il s’agit de la réparation d’un préjudice subi collectivement par les créanciers. Par ailleurs, l’intérêt collectif que le syndic vise à protéger justifie d’admettre que, dans une action « Peeters/Gatzen », le tiers ne puisse pas opposer au syndic tous les moyens de défense qu’il aurait le cas échéant pu soulever contre des créanciers individuels.

16.

La compétence du syndic pour introduire une action « Peeters/Gatzen » n’est pas limitée aux cas dans lesquels le tiers appartient au cercle des personnes qui auraient dû répondre, dans le cadre d’une action paulienne en matière de faillite (articles 42 et suivants de la loi sur la faillite), de leur participation à des actes prétendument préjudiciables. La compétence du syndic concerne plus généralement le préjudice causé à l’ensemble des créanciers par un fait illicite d’un tiers qui a participé à la réalisation de ce préjudice. Il n’est pas nécessaire que le tiers ait causé le préjudice ou en ait bénéficié : il suffit que le tiers se soit trouvé dans une position qui lui aurait permis de prévenir le préjudice, mais qu’il y ait au contraire prêté son concours.

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

17.

PI a été huissier de justice à Beek (Pays-Bas) de 2002 jusqu’à sa destitution. À partir de 2002, il a été titulaire d’un compte courant chez Fortis, une banque de droit belge. Ce compte courant était domicilié en Belgique et était utilisé par l’étude de PI pour percevoir des paiements de débiteur belges.

18.

En 2006...

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