Maurits Casteels v British Airways plc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:675
Date11 November 2010
Celex Number62009CC0379
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-379/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 11 novembre 2010 (1)

Affaire C‑379/09

Maurits Casteels

contre

British Airways plc

[demande de décision préjudicielle formée par l’arbeidshof te Brussel (Belgique)]

«Articles 45 TFUE et 48 TFUE – Libre circulation des travailleurs – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Droits à pension complémentaire au titre de régimes professionnels de retraite – Périodes d’acquisition – Travailleur employé successivement par le même employeur dans des établissements situés dans différents États membres – Perte de droits à pension complémentaire à la suite du transfert dans un établissement situé dans un autre État membre»





I – Introduction

1. Face aux transformations démographiques en Europe et aux contraintes qu’elles entraînent pour les régimes publics de retraite, l’acquisition d’une retraite privée complémentaire prend une importance croissante pour les citoyens de l’Union.

2. Les régimes professionnels de retraite jouent à cet égard un rôle que l’on ne saurait sous-estimer. L’acquisition de droits à pension complémentaire au titre de régimes professionnels suppose toutefois, en règle générale, que la relation de travail ait été maintenue pendant une période minimale ou que des cotisations aient été versées pour le compte du salarié auprès de la caisse de retraite complémentaire pendant une période minimale. Ce n’est qu’à l’issue de ces périodes minimales que le travailleur ne «perd» pas tout ou partie de ses droits à pension s’il cesse d’être affilié au régime professionnel de retraite ou, tout simplement, que prend fin sa relation de travail. La notion de périodes d’acquisition est devenue d’usage pour désigner de telles périodes minimales.

3. Ces périodes d’acquisition sont également au centre de la présente affaire. M. Maurits Casteels, un travailleur belge, a été employé pendant des années sans interruption par le même employeur, la compagnie aérienne British Airways plc (ci-après «British Airways»). Il a toutefois exercé son activité dans plusieurs établissements de British Airways, situés dans différents États membres. Ainsi a-t-il été affilié successivement à plusieurs régimes professionnels de retraite. Pour la période de près de trois ans durant laquelle il a été employé en Allemagne, British Airways refuse à M. Casteels l’octroi de la retraite complémentaire professionnelle aux motifs qu’il n’a pas été affilié pendant la période minimale obligatoire au régime professionnel de retraite existant dans son établissement allemand et qu’il est volontairement passé dans un autre établissement de British Airways.

4. Il appartient en l’espèce à la Cour de vérifier si une telle attitude est conforme aux dispositions du droit de l’Union sur la libre circulation des travailleurs.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

5. Ce sont les dispositions sur la libre circulation des travailleurs qui déterminent le cadre juridique de la présente affaire en droit de l’Union (2).

6. L’article 45 TFUE (ex-article 39 CE) dispose dans sa partie pertinente:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union.

2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

[…]»

7. L’article 48, premier alinéa, TFUE (ex-article 42 CE) prévoit ce qui suit:

«Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants salariés et non salariés et à leurs ayants droit:

a) la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales;

b) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres.»

B – Droit national

8. Le cadre juridique national allemand, au cours de la période en cause dans la présente affaire, était fixé par la loi relative à l’amélioration des régimes de retraite d’entreprise (Gesetz zur Verbesserung der betrieblichen Altersversorgung, ci-après le «BetrAVG») (3), d’une part, et par une convention collective, d’autre part.

1. La loi relative à l’amélioration des régimes de retraite d’entreprise

9. Dans sa version pertinente pour la présente affaire (4), l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, du BetrAVG prévoyait ce qui suit:

«Un travailleur bénéficiant d’un engagement de prestations de retraite, d’invalidité ou de survie au titre d’une relation de travail (régime de retraite d’entreprise) conserve ses droits aux prestations si la relation de travail prend fin avant l’ouverture du droit, à condition qu’il ait à cette date 35 ans accomplis et que:

– l’engagement de prestations soit antérieur d’au moins dix ans à la date de la rupture de sa relation de travail,

– ou qu’il ait une ancienneté de plus de douze ans et que l’engagement de prestations ait duré au moins trois ans. […]» (5).

10. L’article 17, paragraphe 3, du BetrAVG prévoyait à l’époque les dispositions suivantes:

«Les conventions collectives de travail peuvent déroger aux articles 2 à 5, 16, 27 et 28. L’effet des dispositions dérogatoires s’étend aux employeurs et aux travailleurs non liés par les conventions collectives de travail qui sont convenus d’appliquer le régime en question de la convention collective de travail. Au reste, les dispositions de la présente loi ne souffrent pas de dérogation au détriment des travailleurs.»

2. La convention collective n° 3 sur les pensions

11. Lorsque M. Casteels exerçait son activité en Allemagne, sa relation de travail relevait de la convention collective n° 3 pour le personnel au sol et le personnel navigant commercial de British Airways plc en Allemagne (6). Cette convention collective avait été conclue le 13 juillet 1989 entre la direction de British Airways pour l’Allemagne et le syndicat Öffentliche Dienste, Transport und Verkehr (services publics et transports, ÖTV), avec effet au 1er janvier 1988. Elle régissait les détails de la retraite complémentaire d’entreprise des salariés de British Airways en Allemagne. L’article 7 de cette convention collective prévoyait les dispositions suivantes:

«(1) Les salariés entrés au service de British Airways après le 31 décembre 1977 obtiennent le remboursement sans intérêts des cotisations qu’ils ont versées s’ils quittent l’entreprise avant d’avoir accompli les périodes d’acquisition légales.

(2) Les salariés entrés au service de British Airways avant le 1er janvier 1978 sont soumis aux dispositions suivantes:

a) Les salariés ayant acquis des droits peuvent, s’ils quittent l’entreprise avant d’avoir atteint la limite d’âge, exiger le remboursement de la valeur du droit à pension que garantissent les cotisations qu’ils ont eux-mêmes versées […]

b) Les salariés qui, de leur propre initiative, quittent BA avant l’expiration d’une période de cinq ans de service n’ont droit qu’aux prestations que garantissent les cotisations qu’ils ont eux-mêmes versées.

Les salariés qui, de leur propre initiative ou pour quelque autre motif que ce soit, quittent BA après cinq ans de service, mais avant d’avoir accompli les périodes d’acquisition légales, ont également droit aux prestations de pension que garantissent à cette date les cotisations qu’a versées BA. […]

[…]»

III – Faits et procédure au principal

12. M. Casteels a travaillé sans interruption, à compter du 1er juillet 1974, pour la compagnie aérienne British Airways, une société de droit anglais qui compte de nombreux établissements dans l’Union européenne. Au cours de sa carrière, M. Casteels a exercé son activité dans des établissements de British Airways situés dans plusieurs États membres, à savoir en Belgique, en France et en Allemagne.

13. En vertu d’un accord conclu entre M. Casteels et British Airways le 10 mars 1988, c’est toujours le régime professionnel de retraite en vigueur au lieu de son affectation qui devait s’appliquer à sa relation de travail. Les adaptations contractuelles correspondantes ont été opérées chaque fois que M. Casteels a changé d’établissement. L’objectif était de soumettre sa relation de travail aux différents régimes professionnels nationaux de retraite. Il s’agissait également d’empêcher que M. Casteels soit simultanément affilié à plusieurs régimes professionnels de retraite de British Airways.

14. L’accord du 10 mars 1988 précise également que l’emploi qu’occupe M. Casteels chez British Airways est à tous égards considéré comme ayant débuté le 1er juillet 1974 (7).

15. Du 15 novembre 1988 au 1er octobre 1991 (8), M. Casteels a travaillé comme mécanicien aéronautique dans l’établissement de British Airways à Düsseldorf, en Allemagne. À l’occasion de cette mutation en Allemagne, les parties sont convenues, le 19 octobre 1988, que, du point de vue de ses conditions de travail, M. Casteels serait placé dans une situation analogue à celle d’un salarié allemand qui aurait travaillé depuis le 1er juillet 1974 dans l’établissement allemand de British Airways. Une exception à ce principe était simplement posée en ce qui concerne l’affiliation au régime professionnel de retraite applicable en Allemagne pour les salariés de British Airways, conformément à la convention collective n° 3 sur les pensions. M. Casteels ne devait être affilié à ce régime qu’à compter de sa prise de fonctions effective en Allemagne, le 15 novembre 1988 (9).

16. Après avoir accepté une offre de British Airways de travailler dans son établissement français à Paris (aéroport Charles-de-Gaulle), M. Casteels a été transféré d’Allemagne en France au 1er octobre 1991. Il y a été soumis au régime...

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