Impact v Minister for Agriculture and Food and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:2
Docket NumberC-268/06
Celex Number62006CC0268
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date09 January 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 9 janvier 2008 (1)

Affaire C‑268/06

Impact

[demande de décision préjudicielle présentée par la Labour Court, Dublin (Irlande)]

«Emploi à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre sur le travail à durée déterminée – Recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs – Agents publics – Conditions d’emploi – Rémunérations et pensions – Effet direct de certaines dispositions de la directive – Interprétation conforme à la directive – Autonomie procédurale – Doutes de la juridiction de renvoi quant à sa compétence pour se prononcer sur des droits fondés directement sur le droit communautaire»





I – Introduction

1. Les juridictions nationales sont-elles tenues de mettre en œuvre des dispositions de droit communautaire directement applicables, même lorsque le droit interne ne leur a conféré aucune compétence expresse à cet effet? Telle est la question fondamentale que la juridiction irlandaise du travail, la Labour Court, Dublin, soumet à la Cour dans le contexte des règles communautaires régissant l’emploi à durée déterminée contenues dans l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (2).

2. Par ailleurs, la Labour Court souhaite obtenir des précisions quant à l’interprétation de deux dispositions centrales de cet accord-cadre, qui contiennent, d’une part, le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée et, d’autre part, des mesures visant à prévenir le recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives. La Labour Court demande en outre quelle est la portée de son obligation d’interprétation conforme à la directive de la législation nationale.

3. C’est le recours aux relations de travail à durée déterminée par des employeurs du secteur public qui est cause dans la présente affaire, tout comme auparavant dans les affaires Adeneler e.a., Marrosu et Sardino, Vassallo et Del Cerro Alonso. La Cour a déjà précisé, dans ces affaires, que de telles relations de travail relèvent elles aussi du champ d’application de l’accord-cadre (3).

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. La directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (4), forme le cadre juridique du droit communautaire de la présente affaire. Cette directive met en œuvre l’accord-cadre, conclu le 18 mars 1999 entre trois organisations interprofessionnelles à vocation générale [la Confédération européenne des syndicats (CES), le Centre européen de l’entreprise publique (CEP) et l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE)] et joint à l’annexe de ladite directive.

5. L’accord-cadre vise dans son ensemble à énoncer les «principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée» et à «améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non- discrimination et [à] établir un cadre pour prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats à durée déterminée successifs» (5).

6. Á cet égard, l’accord-cadre est fondé sur la considération selon laquelle «les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» (6). Toutefois, il reconnaît en même temps que «les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» (7). En outre, les auteurs de l’accord-cadre partent du principe que «l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus» (8).

7. La clause 1 de l’accord-cadre définit l’objet dudit accord:

«Le présent accord-cadre a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

8. La clause 4 de l’accord-cadre définit de la manière suivante le principe de non-discrimination:

«1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2. Lorsque c’est approprié, le principe du ‘’pro rata temporis‘’ s’applique.

3. Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation communautaire et [de] la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

4. Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives».

9. La clause 5 de l’accord-cadre a trait aux mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme “successifs”;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée».

10. Enfin, la clause 8, point 5, de l’accord-cadre est ainsi rédigée:

«La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.»

11. La directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de définir les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, en conformité avec le droit/ou les pratiques nationaux, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre (9). Cette manière de procéder vise à prendre en compte la situation dans chaque État membre et les circonstances de secteurs et d’occupations particuliers, y compris les activités de nature saisonnières (10).

12. L’article 3 de la directive 1999/70 fixe la date d’entrée en vigueur de celle-ci au jour de sa publication au journal officiel des Communautés européennes, c’est-à-dire au 10 juillet 1999.

13. En vertu de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres sont tenus de mettre «en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001» ou de s’assurer, au plus tard à cette date, «que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord». Si nécessaire, un délai supplémentaire d’une année au maximum peut être accordé aux États membres après consultation des partenaires sociaux, conformément à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective. Toutefois, dans le cas de l’Irlande, il n’a pas été fait usage de cette possibilité.

14. Outre la directive 1999/70 et l’accord-cadre, il convient de citer également les dispositions sociales du traité CE, à savoir les articles 137 CE et 139 CE.

15. L’article 137 CE est ainsi rédigé (extraits):

«1. En vue de réaliser des objectifs visés à l’article 136, la Communauté soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants:

[...]

b) les conditions de travail,

[...]

2. À cette fin, le Conseil:

[...]

b) peut arrêter, dans les domaines visés au paragraphe 1, points a) à i), par voie de directives, des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres. Ces directives évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

[...]

5. Les dispositions du présent article ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out.»

16. En outre, l’article 139 CE édicte notamment les dispositions suivantes:

«1. Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords.

2. La mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soit selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit, dans les matières relevant de l’article 137, à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la...

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