Grupo Norte Facility SA v Angel Manuel Moreira Gómez.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:1022
Docket NumberC-574/16
Date20 December 2017
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62016CC0574
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
62016CC0574

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 décembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑574/16

Grupo Norte Facility SA

contre

Angel Manuel Moreira Gómez

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non‑discrimination des travailleurs à durée déterminée – Droit du travailleur à une indemnité au terme du contrat de travail – Contrat de travail à durée déterminée sous forme de “contrat de relève” – Inégalité de traitement par rapport à des travailleurs permanents »

I. Introduction

1.

La protection des travailleurs à durée déterminée contre les abus et les discriminations est depuis longtemps une préoccupation de l’Union européenne dont la Cour a déjà été saisie à plusieurs reprises. Alors qu’un nombre croissant de travailleurs sont confrontés à des situations d’emploi précaire, il ne faudrait pas sous-estimer l’importance politique et sociale de ce sujet. La présente affaire illustre bien les contraintes auxquelles sont soumis les législateurs nationaux lorsqu’ils adoptent des dispositions de protection des travailleurs à durée déterminée, mais cherchent en même temps à prendre en compte les spécificités des différents types de contrats de travail et à permettre une certaine flexibilité du marché du travail.

2.

En l’espèce, il s’agit d’un travailleur espagnol qui a été employé dans le cadre d’un « contrat de relève » à durée déterminée ( 2 ), afin de compenser la réduction du travail fourni par une collègue prenant sa retraite partielle. La date de fin fixée dans son « contrat de relève » était celle du départ à la retraite de la collègue. Le travailleur n’a pas continué à être employé après cette date.

3.

Le litige au principal porte à présent sur l’indemnité légale à laquelle les travailleurs espagnols peuvent avoir droit dans certaines circonstances lorsque leur relation de travail prend fin. Ce qui constitue la pierre d’achoppement, c’est que le montant de cette indemnité est différent selon la façon dont prend fin la relation de travail. En effet, si l’employeur licencie son travailleur pour une raison objective, en droit espagnol, cette indemnité est plus généreuse que si, comme en l’espèce, l’employeur se contente de ne pas renouveler un contrat de travail à durée déterminée à la fin de ce dernier. Dans certains cas, le travailleur n’a même droit à aucune indemnité à la fin de son contrat de travail à durée déterminée.

4.

Dans un cas similaire, l’arrêt de Diego Porras ( 3 ), prononcé en 2016, a vu une discrimination contraire au droit de l’Union dans l’absence de toute indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée. À présent, la Cour est invitée à revoir sa jurisprudence d’alors ou, à tout le moins, à l’affiner. Ce faisant, elle devra également veiller à la cohérence interne de sa jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

5.

Des problèmes juridiques similaires en substance se posent dans l’affaire Montero Mateos (C‑677/16) ( 4 ), dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui, ainsi que dans les affaires pendantes devant la Cour Rodriguez Otero (C‑212/17) et de Diego Porras (C‑619/17).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 5 ). Comme l’indique son article 1er, cette directive vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe de celle-ci, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP).

7.

Globalement, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée vise à énoncer « les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée » et ainsi, notamment, à « améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination » ( 6 ). Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’« établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée » ( 7 ).

8.

Certes, l’accord-cadre énonce que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs » ( 8 ). Cependant, il reconnaît que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs » ( 9 ). Il représente « une nouvelle contribution vers un meilleur équilibre entre “la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs” » ( 10 ).

9.

La clause 1 de l’accord-cadre en définit l’objet comme suit :

« Le présent accord-cadre a pour objet :

a)

d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)

d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ».

10.

Concernant le champ d’application de l’accord-cadre, sa clause 2, point 1, dispose :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

11.

La clause 3 de l’accord-cadre comporte les « définitions » suivantes :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou pratiques nationales. »

12.

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », est libellée comme suit (extraits) :

« 1.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.

Lorsque c’est approprié, le principe du prorata temporis s’applique.

[…] »

13.

En outre, il convient de renvoyer à la clause 5 de l’accord-cadre qui est consacrée aux « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive » :

« 1.

Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)

des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)

a durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successif ;

c)

le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.

Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)

sont considérés comme “successifs” ;

b)

sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

B. Le droit espagnol

14.

Les dispositions du droit espagnol pertinentes sont celles du statut des travailleurs ( 11 ), dans la version en vigueur au moment de la conclusion du contrat de travail litigieux.

1. Dispositions générales

15.

L’article 15, paragraphe 1, du statut des travailleurs, prévoit que le contrat de travail peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée, tout en énumérant de manière détaillée les motifs permettant de le conclure pour une durée déterminée.

16.

De surcroît, l’article 15, paragraphe 6, du statut des travailleurs prévoit la disposition suivante visant à assurer une égalité de traitement des travailleurs temporaires et des travailleurs à durée déterminée :

« Les travailleurs temporaires et à durée déterminée jouissent des mêmes droits que les travailleurs à...

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