Proceedings brought by Gert Folk.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:1
Date10 January 2017
Celex Number62015CC0529
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-529/15
62015CC0529

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 10 janvier 2017 ( 1 )

Affaire C‑529/15

Gert Folk

contre

Unabhängiger Verwaltungssenat für die Steiermark

[Demande de décision préjudicielle adressée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche)]

«Directive 2004/35/CE — Responsabilité environnementale — Exploitation d’une centrale hydroélectrique — Autorisation et exploitation antérieures à la date de transposition de la directive — Applicabilité dans le temps — Définition du dommage environnemental affectant les eaux — Législation nationale excluant le dommage couvert par une autorisation — Exclusion des incidences négatives auxquelles s’applique l’article 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE — Accès à la justice en matière de droit de l’environnement — Qualité pour agir — Personnes touchées ou risquant d’être touchées»

I – Introduction

1.

En 1998, une centrale hydroélectrique a été autorisée sur la rivière Mürz en Autriche. Elle est en fonctionnement depuis 2002. M. Folk (ci-après « le requérant ») détient des droits de pêche sur la rivière en aval de la centrale. Il soutient que l’exploitation de la centrale cause des variations répétées significatives de courte durée sur le niveau de l’eau. Quelques zones submergées s’assèchent donc assez rapidement. Ceci conduit à la séparation de ces zones du courant de la rivière, ce qui empêche les alevins et les jeunes poissons de suivre l’eau courante, ce qui entraîne la mortalité des poissons.

2.

Le requérant a introduit un recours contre les autorités compétentes. Cependant, son recours a été rejeté au motif que l’exploitation de la centrale est couverte par une autorisation. La juridiction de renvoi – la Verwaltungsgerichtshof (cour administrative autrichienne) – pose une série de questions sur trois problématiques. La première concerne l’applicabilité dans le temps de la directive 2004/35/CE ( 2 ). La deuxième porte sur la question de savoir si la définition du dommage environnemental en droit autrichien est conforme à la directive 2004/35/CE, dans la mesure où dans le domaine de l’eau, le droit autrichien exclut tout dommage « couvert par une autorisation ». La juridiction nationale interroge également la Cour sur le rôle de l’article 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE ( 3 ) dans la définition de « dommage affectant les eaux » de la directive 2004/35/CE. La troisième question vise à savoir si une disposition nationale qui interdit à une personne disposant de droits de pêche d’engager un recours juridictionnel est compatible avec les dispositions de la directive 2004/35/CE qui régissent l’accès à la justice pour les parties privées.

II – Le cadre légal

A – Le droit de l’Union

1. La directive 2004/35/CE

3.

L’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/35/CE (dans la version applicable à la procédure au principal) précise que l’expression « dommage environnemental » désigne « les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées, tels que définis dans la directive 2000/60/CE, à l’exception des incidences négatives auxquelles s’applique l’article 4, paragraphe 7, de ladite directive ». Selon l’article 2, paragraphe 5, de la même directive, on entend par « eau »« toutes les eaux couvertes par la directive 2000/60/CE ».

4.

L’article 12, paragraphe 1, de la directive précitée, intitulé « Demande d’action » est rédigé comme suit :

« Les personnes physiques ou morales :

a)

touchées ou risquant d’être touchées par le dommage environnemental ou,

b)

ayant un intérêt suffisant à faire valoir à l’égard du processus décisionnel environnemental relatif au dommage ou,

c)

faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’un État membre pose une telle condition,

sont habilitées à soumettre à l’autorité compétente toute observation liée à toute survenance de dommages environnementaux ou à une menace imminente de tels dommages dont elles ont eu connaissance, et ont la faculté de demander que l’autorité compétente prenne des mesures en vertu de la présente directive.

Les États membres déterminent dans quels cas il existe un “intérêt suffisant” pour agir ou quand il y a “atteinte à un droit” ».

5.

L’article 13 de la directive 2004/35/CE, qui a trait aux « Procédures de recours » dispose que :

« 1. Les personnes visées à l’article 12, paragraphe 1, peuvent engager une procédure de recours auprès d’un tribunal ou de tout autre organisme public indépendant et impartial concernant la légalité formelle et matérielle des décisions, actes ou omissions de l’autorité compétente en vertu de la présente directive.

2. La présente directive ne porte atteinte ni aux dispositions nationales éventuelles réglementant l’accès à la justice, ni à celles imposant l’épuisement des voies de recours administratives avant l’engagement d’une procédure de recours judiciaire.

6.

L’article 17 de la même directive, intitulé « Application dans le temps », prévoit que celle-ci ne s’applique pas :

« –

aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus avant la date prévue à l’article 19, paragraphe 1 ;

aux dommages causés par une émission, un événement ou un incident survenus après la date prévue à l’article 19, paragraphe 1, lorsqu’ils résultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée à son terme avant ladite date ;

aux dommages lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis l’émission, événement ou incident ayant donné lieu à ceux-ci. »

2. La directive-cadre sur l’eau ou directive 2000/60/CE

7.

L’article 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE, dispose que les États membres ne commettent pas une infraction à la présente directive lorsque :

« –

le fait de ne pas rétablir le bon état d’une eau souterraine, le bon état écologique ou, le cas échéant, le bon potentiel écologique ou de ne pas empêcher la détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou d’eau souterraine résulte de nouvelles modifications des caractéristiques physiques d’une masse d’eau de surface ou de changements du niveau des masses d’eau souterraines, ou

l’échec des mesures visant à prévenir la détérioration d’un très bon état vers un bon état de l’eau de surface résulte de nouvelles activités de développement humain durable

et que toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

toutes les mesures pratiques sont prises pour atténuer l’incidence négative sur l’état de la masse d’eau ;

b)

les raisons des modifications ou des altérations sont explicitement indiquées et motivées dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et les objectifs sont revus tous les six ans ;

c)

ces modifications ou ces altérations répondent à un intérêt général majeur et/ou les bénéfices pour l’environnement et la société qui sont liés à la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 1 sont inférieurs aux bénéfices pour la santé humaine, le maintien de la sécurité pour les personnes ou le développement durable qui résultent des nouvelles modifications ou altérations, et

d)

les objectifs bénéfiques poursuivis par ces modifications ou ces altérations de la masse d’eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure ».

B – Le droit autrichien

8.

La directive 2004/35/CE a été transposée en Autriche au niveau fédéral par la Bundes-Umwelthaftungsgesetz (la loi fédérale sur la responsabilité environnementale, ci-après « la B-UHG ») ( 4 ). Aux termes de l’article 4, point 1, sous a), de la B-UHG, on entend par dommage environnemental tout dommage significatif affectant les eaux, c’est‑à‑dire tout dommage qui affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées, tels que définis dans la 1959 Wasserrechtsgesetz (loi sur les eaux, ci-après « WRG ») ( 5 ) et qui n’est pas couvert par une autorisation délivrée conformément à la WRG 1959.

9.

En vertu de l’article 11 de la B-UHG :

« (1) Les personnes physiques ou morales dont les droits peuvent être lésés du fait d’un dommage environnemental survenu peuvent demander, par requête écrite, à l’autorité administrative du district dans le ressort duquel le dommage environnemental allégué est survenu de prendre des mesures au sens de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 2 […]

(2) Sont considérés comme des « droits » au sens du paragraphe 1, première phrase :

[…]

en ce qui concerne les eaux : les droits existants au sens de l’article 12, paragraphe 2 de la WRG 1959 […] ».

III – Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

10.

La société Wasserkraftanlagen Mürzzuschlag GmbH exploite une centrale hydroélectrique sur la rivière Mürz avec une zone de dérivation de 1455 mètres. Le requérant est titulaire d’une autorisation de pêche sur la rivière Mürz sur une distance d’environ 12 kilomètres en aval du barrage.

11.

L’exploitation de la centrale électrique a été autorisée par le Landeshauptmann von Steiermark (Ministre président du Land de Styrie) en 1998. La centrale fonctionne depuis 2002.

12.

Le 29 septembre 2009, le requérant a introduit une plainte environnementale auprès du...

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