Proceedings brought by Robert Pfleger and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:747
Docket NumberC-390/12
Celex Number62012CC0390
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 November 2013
62012CC0390

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 14 novembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑390/12

Robert Pfleger,

Autoart as,

Mladen Vucicevic,

Maroxx Software GmbH,

Hans-Jörg Zehetner

[demande de décision préjudicielle formée par l’Unabhängiger Verwaltungssenat des Landes Oberösterreich (Autriche)]

«Article 56 TFUE — Libre prestation des services — Jeux de hasard — Législation interdisant de mettre à disposition des machines à sous en l’absence de concession — Nombre limité de concessions — Sanctions pénales — Proportionnalité — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne»

1.

Le droit autrichien restreint aux opérateurs titulaires d’une concession l’organisation de jeux de hasard impliquant des machines à sous. Les concessions sont disponibles en nombre limité. Les machines à sous qui sont mises à la disposition du public en l’absence de concession sont confisquées et détruites. Les personnes qui sont considérées comme ayant été impliquées dans l’organisation de jeux de hasard en l’absence de concession font l’objet de sanctions administratives ou pénales.

2.

L’Unabhängiger Verwaltungssenat des Landes Oberösterreich (juridiction administrative indépendante du Land de Haute-Autriche) (Autriche) demande si l’article 56 TFUE et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 2 ) (ci-après la «Charte») s’opposent à ces restrictions et/ou aux sanctions infligées en cas de violation.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La Charte

3.

Selon l’article 15, paragraphe 2, de la Charte, tout citoyen de l’Union européenne a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre. Aux termes de l’article 16 de la Charte, la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations ainsi qu’aux pratiques nationales. L’article 17 de la Charte garantit à toute personne le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer, lesquels ne peuvent être confisqués que pour cause d’utilité publique et dans les cas prévus par la loi, moyennant une juste indemnité. Il prévoit que l’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

4.

L’article 47 de la Charte prévoit que toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés doit avoir droit à un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi. L’article 50 de la Charte prévoit que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

5.

L’article 51, paragraphe 1, de la Charte énonce que les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

Le traité FUE

6.

L’article 56 TFUE interdit les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union en ce qui concerne les ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.

7.

Une telle restriction peut être permise à titre de dérogation expressément prévue à l’article 52, paragraphe 1, TFUE, qui est applicable à la prestation des services en vertu de l’article 62 TFUE.

Le droit autrichien

8.

L’article 2 de la loi sur les jeux de hasard (Glücksspielgesetz, ci‑après le «GSpG»), telle qu’elle est en vigueur actuellement ( 3 ), définit les «loteries» comme étant, en substance, des jeux de hasard mis à la disposition du public par un opérateur, pour lesquels des mises sont payées et dont des gains sont perçus. À cette fin, un «opérateur» est une personne qui exerce, de manière indépendante, une activité stable afin de percevoir de l’argent de l’organisation des jeux de hasard, même si l’activité n’est pas conçue pour produire des gains. Lorsque plusieurs personnes se mettent d’accord pour organiser de tels jeux, elles sont toutes considérées comme étant des opérateurs, même si elles n’ont pas l’intention de percevoir de l’argent ou ne participent qu’en mettant le jeu à disposition du public. Les loteries pour lesquelles aucune concession ou aucune autorisation n’ont été accordées sont illégales.

9.

L’article 3 du GSpG réserve à l’État autrichien le droit d’organiser des jeux de hasard, à l’exception des machines à sous régies par les lois des Bundesländer (États fédérés) en vertu des articles 4 ou 5 du GSpG.

10.

L’article 4 du GSpG prévoit que les jeux de hasard régionaux par machines à sous au sens de l’article 5 de cette loi ne sont pas soumis au monopole étatique sur les jeux de hasard.

11.

L’article 5 du GSpG prévoit que chacun des neuf Bundesländer peut accorder jusqu’à trois concessions aux organisateurs de petits jeux de hasard utilisant des machines à sous. Les concessions sont accordées pour une période allant jusqu’à quinze ans, à condition que certaines exigences concernant l’ordre public et la protection des joueurs soient respectées. De tels jeux peuvent être proposés dans une salle comprenant entre 10 et 50 appareils, avec une mise maximale de dix euros et des gains maximaux de 10000 euros par jeu ou en mettant à disposition jusqu’à trois appareils distincts avec une mise maximale d’un euro et des gains maximaux de 1000 euros par jeu.

12.

En vertu des articles 14, 15 et 17 du GSpG, lus conjointement, l’État autrichien peut, à certaines conditions, accorder le droit exclusif d’organiser différents types de loteries, en accordant une concession pour une durée allant jusqu’à quinze ans, contre redevance.

13.

En vertu du paragraphe 21 du GSpG, l’État autrichien peut accorder jusqu’à quinze concessions pour organiser des jeux de hasard par l’intermédiaire d’un établissement de jeux (casino) pour une période allant jusqu’à quinze ans. Une redevance de 10000 euros est due pour chaque demande de concession, et une redevance supplémentaire de 100000 euros est due pour chaque concession accordée. Les jeux mis à disposition conformément auxdites concessions sont soumis à des taxes comprises entre 16 et 40 % par an (articles 17, 28, 57 et 59 bis, paragraphe 1, du GSpG).

14.

L’article 52 du GSpG prévoit que quiconque, en tant qu’«opérateur», organise ou participe à l’organisation de jeux de hasard en l’absence de concession est redevable d’une amende administrative allant jusqu’à 22000 euros. Néanmoins, lorsque la mise est supérieure à dix euros par jeu, l’infraction est passible d’une responsabilité pénale, conformément à l’article 168, paragraphe 1, du code pénal (Strafgesetzbuch, ci-après le «StGB»), lequel s’applique alors. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a considéré que les «jeux en série», dans lesquels la mise individuelle est inférieure à dix euros mais supérieure de manière cumulative, sont aussi passibles d’une responsabilité pénale en vertu de l’article 168, paragraphe 1, du StGB.

15.

En vertu de l’article 53 du GSpG, une machine à sous peut être saisie à titre provisoire lorsqu’il existe une suspicion qu’elle est exploitée en violation des dispositions du GSpG.

16.

L’article 54 du GSpG prévoit que les objets au moyen desquels il a été contrevenu aux dispositions de l’article 52, paragraphe 1, du GSpG doivent être confisqués. Une notification doit être envoyée à toutes les personnes susceptibles de revendiquer ces objets. Les objets confisqués doivent être détruits par l’administration.

17.

En vertu de l’article 56a du GSpG, un établissement mettant à disposition des jeux de hasard en violation de la loi peut être fermé.

18.

L’organisation de jeux de hasard à des fins lucratives par une personne non titulaire d’une concession constitue une infraction pénale. Aux termes de l’article 168, paragraphe 1, du StGB, «quiconque organise un jeu formellement prohibé ou dont l’issue favorable ou défavorable dépend exclusivement ou principalement du hasard, ou quiconque favorise une réunion en vue de l’organisation d’un tel jeu afin de tirer un avantage pécuniaire de cette organisation ou de cette réunion ou de procurer un tel avantage à un tiers» commet une infraction. Les jeux de hasard exploités en l’absence de concession relèvent de la définition des jeux interdits en vertu de l’article 52, paragraphe 1, point 1, du GSpG, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 4, de celui-ci. Les peines prévues sont un emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois ou une amende pouvant aller jusqu’à 360 jours-amende. L’article 168, paragraphe 2, du StGB prévoit que la même peine s’applique à quiconque participe à un tel jeu de hasard en tant qu’«opérateur» au sens de l’article 2 du GSpG.

Les faits, la procédure et les questions déférées

19.

La demande de décision préjudicielle a pour origine quatre procédures concernant différents établissements de Haute-Autriche (la juridiction de renvoi indiquant qu’un nombre important d’affaires similaires sont pendantes). Dans les procédures nationales, M. Pfleger, Autoart as (ci-après «Autoart»), M. Vucicevic, Maroxx Software GmbH (ci-après «Maroxx») et M. Zehetner ont introduit des recours à l’encontre de décisions administratives relatives à des machines à sous qui ont été installées sans concession officielle aux fins d’une utilisation dans différents locaux commerciaux de Haute-Autriche.

20.

Dans la première procédure, la police financière a saisi à titre provisoire six appareils dans un établissement de Perg (Autriche) mettant à...

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