C&D Foods Acquisition ApS v Skatteministeriet.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:676
Docket NumberC-502/17
Celex Number62017CC0502
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 September 2018
62017CC0502

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 6 septembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑502/17

C&D Foods Acquisition ApS

contre

Skatteministeriet

[demande de décision préjudicielle du Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest, Danemark)]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Société holding – Déduction de la taxe payée en amont – Dépenses exposées pour des prestations acquises dans le cadre d’une cession envisagée d’actions d’une filiale »

I. Introduction

1.

La Cour a déjà eu l’occasion d’examiner à plusieurs reprises la question du droit à déduction d’une société holding dans le cadre de l’acquisition d’actions ( 2 ). La présente affaire concerne la situation inverse, la cession d’actions par une société holding, sur laquelle la Cour n’a cependant pas encore eu l’occasion de se pencher aussi fréquemment ( 3 ).

2.

Ainsi, la présente procédure donnera l’occasion à la Cour de préciser sa jurisprudence relative au droit des sociétés holding de déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont. Il s’agira notamment également de préciser les conditions dans lesquelles il convient d’admettre un lien direct et immédiat avec une opération déterminée en aval, lequel est requis pour pouvoir déduire la taxe payée en amont.

II. Cadre juridique

3.

Le cadre juridique du droit de l’Union dans lequel s’inscrit la présente affaire est constitué par les dispositions de la directive 2006/112/CE ( 4 ) (ci-après la « directive TVA »).

4.

L’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA dispose :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. […] »

5.

L’article 135 de la directive TVA indique notamment ce qui suit :

« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : […]

f)

les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2 ; […] »

6.

Conformément à l’article 167 de la directive TVA, le droit à déduction de la TVA acquittée en amont naît au moment où la taxe déductible devient exigible. L’article 168 de la même directive dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ; […] »

7.

S’agissant du droit national, il convient de relever la Lovbekendtgørelse no 966 (loi sur la TVA), du 14 octobre 2005, laquelle était applicable au cours de la période litigieuse.

III. Faits et procédure au principal

8.

La société danoise C&D Foods Acquisition ApS (ci-après « C&D Foods ») fait partie du groupe international Arovit. Au cours de la période litigieuse au principal, C&D Foods détenait 100 % des actions d’Arovit Holding, laquelle détenait à son tour l’ensemble des actions d’Arovit Petfood. Le groupe est composé de 13 autres sociétés détenues par Arovit Petfood et établies dans divers pays européens.

9.

À partir de 2007, en application d’une convention de gestion, C&D Foods a fourni à sa sous-filiale, Arovit Petfood, diverses prestations assujetties de services de gestion administrative et de services informatiques, notamment de tenue des livres, de contrôle de gestion et d’établissement des budgets. À titre de rémunération, Arovit Petfood versait à C&D Foods un montant correspondant aux charges de personnel de C&D Foods, majorées de 10 %, montant auquel s’ajoutait la TVA danoise de 25 %. S’agissant des autres sociétés du groupe, l’activité de C&D Foods se limitait à détenir les actions de ces sociétés.

10.

En 2009, la banque islandaise Kaupthing Bank a repris le groupe Arovit qui rencontrait des difficultés économiques. Kaupthing Bank a sollicité plusieurs cabinets d’audit, ainsi que le cabinet d’avocats Holst Advokater, afin d’étudier les possibilités de restructuration du groupe Arovit. À cette fin, Kaupthing Bank a conclu des contrats de conseil avec les auditeurs concernés, dont les honoraires majorés de la TVA ont été payés par C&D Foods.

11.

Dans le cadre de cet audit, le cabinet Holst Advokater a également rédigé au moins une convention pour C&D Foods, qui avait pour objet la cession des actions détenues par C&D Foods dans les sociétés Arovit Holding et Arovit Petfood à un cessionnaire encore inconnu. Holst Advokater a facturé à C&D Foods les honoraires relatifs à ces services de conseil, majorés de la TVA. Toutefois, à l’automne 2009, les démarches effectuées en vue de la cession ont été abandonnées, aucun acquéreur n’ayant été trouvé.

12.

C&D Foods a sollicité la déduction de la TVA ayant grevé en amont les honoraires versés à Holst Advokater et aux cabinets d’audit. Toutefois, aussi bien SKAT (autorité fiscale douanière danoise) que, sur réclamation, la Landsskatteretten (commission fiscale nationale) ont refusé la déduction de la TVA acquittée en amont à C&D Foods. Leurs décisions étaient motivées par le fait que ce n’était pas à C&D Foods que les prestations de services de conseil avaient été fournies et que les dépenses étaient dépourvues d’un lien de rattachement suffisant avec les opérations assujetties de C&D Foods.

13.

C&D Foods a contesté les décisions susvisées dans le cadre d’un recours qui est pendant en première instance devant le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest) en raison des questions de principe qu’il soulève. Par décision du 15 août 2017, reçue par la Cour le 18 août 2017, le Vestre Landsret a suspendu la procédure et a soumis les questions préjudicielles suivantes à la Cour en application de l’article 267 TFUE :

« 1)

L’article 168 de la [directive TVA] doit-il être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, une société holding a le droit de déduire intégralement la TVA ayant grevé des services en amont dans le cadre d’une procédure de due diligence liée à un projet de cession, non réalisée, des actions d’une filiale à laquelle elle fournissait des services assujettis de gestion et informatiques ?

2)

Pour la réponse à la question précédente, le fait que le prix des prestations de service assujetties de gestion et informatiques, fournies par la société holding dans le cadre de son activité économique, ait été déterminé sur la base de ses charges salariales majorées de 10 %, a-t-il une incidence ?

3)

Indépendamment des réponses apportées aux questions précédentes, peut-il y avoir un droit à déduction de la taxe ayant grevé les frais de conseil dont il est question en l’espèce au titre des frais généraux et, dans l’affirmative, à quelles conditions ? »

14.

Au cours de la procédure écrite devant la Cour, le gouvernement danois et la Commission européenne ont présenté des observations.

IV. Analyse juridique

15.

Par ses trois questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si une société holding exerçant une activité économique dispose du droit de déduire la TVA ayant grevé en amont des dépenses consenties dans le cadre d’un projet de cession d’actions. À cet égard, l’activité économique de la société holding consiste précisément à fournir des services de gestion à sa sous‑filiale ( 5 ), dont les actions sont censées être cédées conjointement avec les actions de la filiale de la société holding.

A. Sur la recevabilité des questions préjudicielles

16.

Conformément à l’article 168 de la directive TVA, un assujetti dispose du droit de déduire la TVA payée en amont dans la mesure où il utilise des biens ou des services pour les besoins de ses opérations taxées. Ce droit suppose que l’assujetti soit le destinataire des biens ou des services en cause ( 6 ). Par conséquent, C&D Foods ne bénéficie du droit de déduire la TVA payée en amont qu’en ce qui concerne les services de conseil dont elle était elle-même le destinataire. A contrario, il convient d’exclure d’emblée toute déduction par C&D Foods de la TVA ayant grevé en amont les services assujettis qui ont été fournis à Kaupthing Bank.

17.

Certes, la juridiction de renvoi relève que son renvoi préjudiciel ne concerne pas la question de savoir qui était le juste débiteur des frais de conseils soumis à la TVA. Il convient toutefois de rétorquer que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur des questions préjudicielles hypothétiques ( 7 ). Les considérations qui suivent concernent donc uniquement la déduction de la TVA payée en amont à Holst Advokater, étant donné que c’est seulement à l’égard des services fournis par ce prestataire que la décision de renvoi laisse clairement apparaître que C&D Foods était le destinataire.

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