Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 16 July 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:472
Celex Number62014CC0293
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 July 2015
62014CC0293

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 16 juillet 2015 ( 1 )

Affaire C‑293/14

Gebhart Hiebler

contre

Walter Schlagbauer

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Directive 2006/123/CE — Liberté d’établissement — Situations purement internes — Article 2, paragraphe 2, sous i) — Activités participant à l’exercice de l’autorité publique — Profession de ramoneur — Article 10, paragraphe 4 — Article 15, paragraphes 1 à 4 — Restrictions territoriales — Proportionnalité — Services d’intérêt économique général»

I – Introduction

1.

«Kärnten is lei ans.»

2.

Pris au pied de la lettre, ce slogan, par lequel les habitants de l’État fédéré autrichien de Carinthie expriment dans leur dialecte local leur fierté du caractère unique de la Carinthie, est inexact dans le cas d’espèce. Les réglementations locales relatives à l’exercice de la profession de ramoneur divisent le territoire de la Carinthie en un certain nombre de zones dénommées «secteurs de ramonage». Les ramoneurs ne peuvent, en principe, proposer leurs services que dans le secteur de ramonage où ils résident, ce qui contrarie M. Hiebler, maître ramoneur de Moosburg, Carinthie, qui aimerait proposer ses services en dehors de son secteur.

3.

La Cour est appelée en l’espèce à déterminer si une législation nationale telle que celle qui régit la situation de M. Hiebler est en conformité avec la directive 2006/123/CE ( 2 ), la «directive services». Mon analyse m’amène à conclure que ce n’est pas le cas.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

L’article 2 de la directive, intitulé «Champ d’application», se lit ainsi:

«1. La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

2. La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes:

[…]

i)

les activités participant à l’exercice de l’autorité publique conformément à l’article 45 du traité;

[…]»

5.

L’article 10 est intitulé «Conditions d’octroi de l’autorisation». Son paragraphe 4 se lit ainsi:

«L’autorisation doit permettre au prestataire d’avoir accès à l’activité de services ou de l’exercer sur l’ensemble du territoire national, y compris par la création d’agences, de succursales, de filiales ou de bureaux, sauf lorsqu’une autorisation propre à chaque implantation ou une limitation de l’autorisation à une partie spécifique du territoire national est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.»

6.

L’article 14, relatif aux «[e]xigences interdites», dispose ce qui suit:

«Les États membres ne subordonnent pas l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l’une des exigences suivantes:

1)

les exigences discriminatoires fondées directement ou indirectement sur la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, l’emplacement du siège statutaire, en particulier:

a)

l’exigence de nationalité pour le prestataire, son personnel, les personnes détenant du capital social ou les membres des organes de gestion ou de surveillance du prestataire,

b)

l’exigence d’être résident sur leur territoire pour le prestataire, son personnel, les personnes détenant du capital social ou les membres des organes de gestion ou de surveillance du prestataire;

[…]»

7.

L’article 15, intitulé «Exigences à évaluer», dispose ce qui suit:

«1. Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.

2. Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes:

a)

les limites quantitatives ou territoriales sous forme, notamment, de limites fixées en fonction de la population ou d’une distance géographique minimum entre prestataires;

[…]

3. Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes:

a)

non‑discrimination: les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire;

b)

nécessité: les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général;

c)

proportionnalité: les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces paragraphes ne fait pas échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été confiée.

[…]»

B – Le droit autrichien

1. Au niveau fédéral (national)

8.

Aux termes de l’article 120 de la réglementation autrichienne concernant l’exercice des professions artisanales, commerciales et industrielles (Gewerbeordnung), un agrément professionnel est requis pour exercer la profession de ramoneur, pour le nettoyage, le ramonage et le contrôle des captages de fumées et de gaz, des conduits de fumées et de gaz ainsi que des foyers connexes. Si les ramoneurs sont tenus, en vertu des dispositions d’un État fédéré, d’exercer des activités de «police administrative», en particulier concernant la réglementation anti‑incendie, le contrôle des bâtiments ou des activités comparables, ils assument ces activités et doivent, à cette fin, être établis en Autriche.

9.

L’article 123 de cette réglementation se lit ainsi:

«1) Le gouverneur de l’État fédéré arrête par règlement une délimitation territoriale de l’exercice de la fonction de ramoneur. Ce règlement fixe les limites des secteurs de ramonage, de sorte que les missions de police du feu puissent être assurées de manière adéquate et de façon à ce que, à l’intérieur d’un secteur de ramonage, la viabilité économique d’au moins deux entreprises de ramonage employant chacune deux travailleurs occupés à titre principal puisse être garantie. […]

2) Pour l’exercice de la profession de ramoneur, seules peuvent être délivrées des déclarations professionnelles limitant les activités au sens de l’article 120, paragraphe 1, au secteur de ramonage concerné. Cependant, en cas de danger imminent, de missions confiées [par les autorités publiques] ou de changement de secteur de ramonage au sens de l’article 124, l’exercice des activités définies à l’article 120, paragraphe 1, est autorisé également en dehors du secteur de ramonage. […]

3) Les ramoneurs sont tenus, à l’intérieur de leur secteur de ramonage, d’exercer les activités définies à l’article 120, paragraphe 1, en observant le tarif maximal en vigueur dans l’État fédéré concerné.»

10.

Aux termes de l’article 124 de la réglementation autrichienne:

«En cas de changement du ramoneur chargé d’un ramonage, le ramoneur remplacé doit remettre sans délais au nouveau ramoneur, à la commune et au propriétaire de l’installation ramonée un rapport écrit sur le dernier ramonage effectué et sur l’état de ladite installation. […] S’il n’y a pas plus de deux ramoneurs dans le secteur de ramonage, le changement dans un autre secteur de ramonage est autorisé.»

11.

L’article 125, paragraphe 1, de ladite réglementation dispose que:

«[le] gouverneur de l’État fédéré fixe les tarifs maximaux par arrêté. Dans cet exercice, il prend en considération les capacités des entreprises ainsi que les intérêts des destinataires des prestations.»

2. Au niveau fédéré: le droit de la Carinthie

12.

Les dispositions du droit des États fédérés autrichiens comportent des règles qui imposent aux propriétaires d’installations de combustion l’obligation de faire nettoyer régulièrement leurs conduits de fumée par un ramoneur (l’«obligation de ramonage»). Elles prévoient également que les ramoneurs ont des obligations dans le domaine de la sécurité contre le feu. Dans l’État de Carinthie, par exemple, cela inclut des inspections de sécurité régulières, ainsi que le prévoit l’ordonnance relative à la police des risques et à la police du feu de Carinthie (Kärtner Gefahrenpolizei‑ und Feuerpolizeiordnung).

13.

Aux termes de l’article 26 de cette ordonnance:

«1) L’inspection du feu dans les installations bâties vise à détecter des circonstances susceptibles de causer ou de favoriser un incendie, ou de compliquer la lutte contre un incendie ou l’exécution de mesures de sauvetage.

2) L’inspection du feu comporte un examen visuel visant notamment à déterminer:

a)

si les dispositions de la présente loi ou les règlements et décisions adoptés sur la base de la présente loi sont respectés […], ou s’il existe par ailleurs des défaillances au regard de la police du feu;

b)

s’il existe des dommages dans la structure bâtie qui présentent un risque d’incendie et

c)

s’il existe d’autres circonstances pertinentes pour la prévention des incendies ou la lutte contre les incendies. […]

3) L’inspection du feu est menée en prenant en considération les risques d’incendies présentés par les installations bâties, et doit avoir lieu, en ce qui concerne lesdites installations:

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