Opinion of Advocate General Wahl delivered on 25 July 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:612
Date25 July 2018
Docket NumberC-150/17
Celex Number62017CC0150
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
CourtCourt of Justice (European Union)
62017CC0150

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑150/17 P

Union européenne, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne

contre

Kendrion NV

« Pourvoi – Recevabilité – Responsabilité non contractuelle – Durée raisonnable de la procédure – Cour de justice de l’Union européenne – Obligation de statuer dans un délai raisonnable – Préjudice matériel – Frais de garantie bancaire – Intérêts – Lien de causalité – Préjudice immatériel – Personnes morales »

1.

Quels sont les types de préjudice dont l’Union européenne doit réparation, en vertu de l’article 340 TFUE, aux particuliers dont le droit à ce qu’il soit statué sur leur recours dans un délai raisonnable a été méconnu par la Cour de justice de l’Union européenne ? Dans quelles circonstances faut-il plus particulièrement accorder réparation du préjudice prétendument causé par la durée excessive de la procédure ?

2.

Telles sont, en substance, les questions principales soulevées par les pourvois introduits par l’Union européenne représentée par la Cour de justice de l’Union européenne ( 2 ) et par Kendrion NV contre l’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 1er février 2017 dans l’affaire Kendrion/Union européenne (T‑479/14, ci-après l’« arrêt attaqué ») ( 3 ), allouant à Kendrion certains montants à titre de réparation du préjudice matériel et immatériel subi par cette société à la suite du manquement à l’obligation de statuer dans un délai raisonnable dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission, T‑54/06 ( 4 ).

3.

Des questions largement similaires sont également soulevées dans quatre autres pourvois – deux introduits par l’Union européenne et deux par d’autres sociétés – contre deux arrêts du Tribunal accordant réparation du préjudice matériel et immatériel subi par ces sociétés en raison de la violation du délai raisonnable de jugement. Dans ces procédures, je présente également mes conclusions aujourd’hui ( 5 ). Il convient de lire les présentes conclusions conjointement avec ces deux autres.

I. Les antécédents du litige

4.

Par requête déposée le 22 février 2006, Kendrion a introduit un recours au titre de l’article (devenu) 263 TFUE contre la décision C (2005) 4634 de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] (affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) [ci-après la « décision C (2005) 4634 »] ( 6 ).

5.

Par arrêt du 16 novembre 2011, le Tribunal a rejeté ce recours ( 7 ). Kendrion a introduit un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal. Par arrêt du 26 novembre 2013 ( 8 ), la Cour a rejeté le pourvoi. Dans son arrêt, la Cour a néanmoins jugé que « la durée de la procédure devant le Tribunal, qui s’est élevée à près de 5 ans et 9 mois, ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres à l’affaire » ayant donné lieu au litige ( 9 ).

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6.

Par requête déposée le 26 juin 2014, Kendrion a introduit un recours au titre de l’article 268 TFUE contre l’Union européenne en réparation du préjudice prétendument subi en raison de la durée de la procédure devant le Tribunal dans l’affaire T‑54/06 ayant donné lieu à l’arrêt du 16 novembre 2011 (T‑54/06, non publié, EU:T:2011:667). Kendrion a sollicité en substance le Tribunal de condamner l’Union européenne au paiement, au titre du préjudice matériel, de la somme de 2308463,98 euros et, au titre du préjudice immatériel, de la somme de 11050000 euros (ou, en ordre subsidiaire, de 1700000 euros). Kendrion a également sollicité la majoration de chacun de ces montants d’un intérêt moratoire à compter du 26 novembre 2013 au taux que le Tribunal estimera raisonnable.

7.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a : i) condamné l’Union européenne à payer une indemnité de 588769,18 euros à Kendrion au titre du préjudice matériel subi par cette société en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 novembre 2011, Kendrion/Commission (T‑54/06) ; ii) condamné l’Union européenne à payer une indemnité de 6000 euros à Kendrion au titre du préjudice immatériel que cette société a subi en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑54/06, et iii) déclaré que chacune des indemnités sera majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé de cet arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage. Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus.

8.

En ce qui concerne les dépens, le Tribunal a déclaré : i) l’Union européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens qui ont été exposés par Kendrion et qui sont afférents à l’exception d’irrecevabilité ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T‑479/14, non publiée, EU:T:2015:2) ; ii) Kendrion, d’une part, et l’Union européenne, d’autre part, supporteront leurs propres dépens afférents au recours ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, et iii) la Commission européenne supportera ses propres dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

9.

Par son pourvoi introduit le 24 mars 2017, l’Union européenne demande, en substance, à la Cour :

d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

de rejeter comme non fondée la demande de Kendrion, formulée en première instance, visant à obtenir une indemnisation du préjudice matériel prétendument subi ou, à titre tout à fait subsidiaire, réduire cette indemnisation à un montant de 175709,87 euros ;

de condamner Kendrion aux dépens.

10.

En ce qui concerne le pourvoi au principal, Kendrion demande, pour sa part, en substance, à la Cour :

de dire le pourvoi irrecevable ;

en ordre subsidiaire, de rejeter le pourvoi pour défaut de fondement, et

de condamner l’Union européenne aux dépens.

11.

Le 31 mai 2017, Kendrion a introduit un pourvoi incident au titre de l’article 176 du règlement de procédure de la Cour en demandant à la Cour :

d’annuler les points 1 à 6 du dispositif de l’arrêt attaqué et, statuant à nouveau ;

de condamner l’Union européenne à payer une indemnité ;

au titre du préjudice matériel, en ordre principal d’un montant de 2308463,98 euros, à tout le moins d’un montant que la Cour estimera raisonnablement pouvoir allouer, et

au titre du préjudice immatériel, en ordre principal d’un montant de 1700000 euros, à tout le moins d’un montant que la Cour fixera en équité ;

d’assortir chaque montant d’intérêts moratoires que la Cour fixera en équité;

en ordre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal ;

de condamner l’Union européenne aux dépens.

12.

La Commission a été autorisée à intervenir au soutien des conclusions de l’Union européenne.

IV. L’appréciation des moyens du pourvoi

13.

L’Union européenne soulève trois moyens à l’appui de son pourvoi. Dans le premier et le deuxième moyens, l’Union européenne fait grief au Tribunal d’une erreur de droit dans l’interprétation des notions respectives de « lien de causalité » et de « préjudice ». Dans son troisième moyen, l’Union européenne fait grief au Tribunal d’une erreur de droit et d’une insuffisance des motifs dans la détermination de la période au cours de laquelle le préjudice matériel a été subi.

14.

Kendrion conclut au rejet du pourvoi pour irrecevabilité ou, en tout état de cause, pour défaut de fondement.

15.

Dans son pourvoi incident, Kendrion soulève quatre moyens. Dans son premier moyen, Kendrion soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et n’a pas motivé à suffisance sa décision là où il a jugé qu’une durée de 26 mois entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure constitue en principe une durée convenable eu égard à l’affaire. Dans son deuxième moyen, Kendrion fait grief au Tribunal d’avoir rejeté sa demande d’indemnisation pour les intérêts versés à la Commission pour la période pendant laquelle la durée raisonnable pour statuer était dépassée (« période de dépassement »). Dans son troisième moyen, Kendrion soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit ou n’a, en tout état de cause, pas motivé à suffisance sa détermination de la période pour laquelle Kendrion s’est vu accorder une indemnisation pour les frais de garantie bancaire. Dans son quatrième moyen, Kendrion soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et n’a pas adéquatement motivé sa décision de n’accorder à Kendrion qu’une indemnité symbolique de 6000 euros au titre du préjudice immatériel.

16.

L’Union européenne, soutenue par la Commission, conclut au rejet du pourvoi incident.

17.

Dans les présentes conclusions, j’examinerai tout d’abord l’exception d’irrecevabilité soulevée par Kendrion. J’aborderai ensuite les moyens du pourvoi visant premièrement le préjudice matériel et deuxièmement le préjudice immatériel. Enfin, j’aborderai les arguments que Kendrion consacre à la durée raisonnable de jugement.

A. Sur la recevabilité

18.

Avant d’aborder le fondement du pourvoi, il convient d’examiner certaines questions de recevabilité soulevées par Kendrion.

19.

Kendrion soutient en substance...

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