Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 27 September 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:780
Date27 September 2018
Celex Number62017CC0345
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-345/17
62017CC0345

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 27 septembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑345/17

Sergejs Buivids

contre

Datu valsts inspekcija

[demande de décision préjudicielle
formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Champ d’application de la directive 95/46/CE – Filmage d’agents de police dans l’exercice de leurs fonctions dans un commissariat de police et publication de la vidéo sur des sites Internet – Traitement de données à caractère personnel et liberté d’expression – Article 9 de la directive 95/46/CE »

1.

La présente demande de décision préjudicielle, formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie), concerne le filmage d’agents de police dans l’exercice de leurs fonctions dans un commissariat de police et la publication sur des sites Internet de cet enregistrement vidéo. La juridiction de renvoi demande à la Cour de l’éclairer sur le champ d’application de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ( 2 ) et sur l’interprétation de l’exemption prévue à l’article 9 de cette directive (l’exception relative au traitement des données réalisé aux « fins de journalisme »).

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2.

Le droit au respect de la vie privée et familiale d’une personne est garanti par l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ( 3 ). Au titre de l’article 8, « [t]oute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification ». En vertu de l’article 11, toute personne a droit à la liberté d’expression, qui comprend le droit de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ( 4 ).

3.

L’article 52, paragraphe 3, prévoit que, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention.

La directive 95/46

4.

Les objectifs suivants sont énumérés dans les considérants de la directive 95/46 :

« […] doit être exclu le traitement de données effectué par une personne physique dans l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques, telles la correspondance et la tenue de répertoires d’adresses ;

[…]

[…] compte tenu de l’importance du développement en cours, dans le cadre de la société de l’information, des techniques pour capter, transmettre, manipuler, enregistrer, conserver ou communiquer les données constituées par des sons et des images, relatives aux personnes physiques, la [directive 95/46] est appelée à s’appliquer aux traitements portant sur ces données ;

[…]

[…] les traitements des données constituées par des sons et des images, tels que ceux de vidéo-surveillance, ne relèvent pas du champ d’application de la [directive 95/46] s’ils sont mis en œuvre à des fins de sécurité publique, de défense, de sûreté de l’État ou pour l’exercice des activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal ou pour l’exercice d’autres activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union] ;

[…] pour ce qui est des traitements de sons et d’images mis en œuvre à des fins de journalisme ou d’expression littéraire ou artistique, notamment dans le domaine audiovisuel, les principes de la [directive 95/46] s’appliquent d’une manière restreinte selon les dispositions prévues à l’article 9 ;

[…]

[…] le traitement de données à caractère personnel à des fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, notamment dans le domaine audiovisuel, doit bénéficier de dérogations ou de limitations de certaines dispositions de la [directive 95/46] dans la mesure où elles sont nécessaires à la conciliation des droits fondamentaux de la personne avec la liberté d’expression, et notamment la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, telle que garantie notamment à l’article 10 de la [CEDH] ; […] il incombe donc aux États membres, aux fins de la pondération entre les droits fondamentaux, de prévoir les dérogations et limitations nécessaires en ce qui concerne les mesures générales relatives à la légalité du traitement des données […]» ( 5 ).

5.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 95/46, les États membres « assurent […] la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel ».

6.

L’article 2 de la directive 95/46 prévoit les définitions suivantes :

« a)

“données à caractère personnel” : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;

b)

“traitement de données à caractère personnel” (traitement) : toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;

[…]

d)

“responsable du traitement” : la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; […] »

7.

L’article 3 de la directive 95/46 circonscrit le champ d’application de celle‑ci comme suit :

« 1. La [directive 95/46] s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.

2. La [directive 95/46] ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel :

mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union], telles que celles prévues aux titres V et VI du traité sur l’Union européenne, et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État (y compris le bien-être économique de l’État lorsque ces traitements sont liés à des questions de sûreté de l’État) et les activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal,

effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques. »

8.

Le chapitre II est intitulé « Conditions générales de licéité des traitements de données à caractère personnel ». En application de l’article 6, paragraphe 1, les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être traitées conformément aux conditions cumulatives qui y sont énumérées. L’une d’elles requiert que les données ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ( 6 ). En vertu de l’article 6, paragraphe 2, il incombe au responsable du traitement d’assurer le respect des conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1.

9.

L’article 7 de la directive 95/46 énonce les principes relatifs à la légitimation des traitements de données, dont celui qui veut que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que s’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, pour autant que ne prévalent pas les droits et libertés fondamentaux de la ou des personnes concernées qui sont protégés par l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive ( 7 ).

10.

Aux termes de l’article 9, intitulé « Traitements de données à caractère personnel et liberté d’expression » (et figurant dans le chapitre II de la directive 95/46), « [l]es États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, des exemptions et dérogations au [chapitre II], au chapitre IV et au chapitre VI dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression ».

11.

L’article 13 de la directive 95/46 prévoit que les États membres peuvent prendre des mesures visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus, entre autres, à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour sauvegarder certains intérêts, tels que la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique.

Le droit letton

12.

La juridiction de renvoi expose que l’objectif de la législation lettonne en cause est de protéger les droits et libertés fondamentaux des personnes physiques et, en particulier, le droit à la vie privée pour ce qui est du traitement des données à...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Sergejs Buivids v Datu valsts inspekcija.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 Febbraio 2019
    ...données à caractère personnel aux seules fins de journalisme – Notion – Liberté d’expression – Protection de la vie privée » Dans l’affaire C‑345/17, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettoni......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT