Nexans SA and Nexans France SAS v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:223
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-37/13
Date03 April 2014
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62013CC0037
62013CC0037

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 avril 2014 ( 1 )

Affaire C‑37/13 P

Nexans SA et Nexans France SAS

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Règlement (CE) no 1/2003 — Procédure administrative — Inspection inopinée — Décision ordonnant une inspection — Obligation de motivation — Portée géographique — Suspicion d’une infraction aux règles de concurrence — Faculté de la Commission de contrôler des documents professionnels relatifs à des opérations ayant lieu en dehors de l’Espace économique européen (EEE)»

I – Introduction

1.

La peur est habituellement grande lorsque des inspecteurs de la Commission européenne se présentent de manière inopinée, généralement au petit matin, à la porte d’une entreprise et veulent l’inspecter dans le cadre d’une «perquisition» afin de déterminer si cette entreprise est impliquée dans des pratiques anticoncurrentielles.

2.

Pour protéger les entreprises se trouvant dans cette situation d’ingérences disproportionnées et arbitraires dans leurs locaux, garantir leurs droits de la défense tout en les tenant informées de la portée de leur devoir de collaboration, le droit de l’Union prévoit certaines garanties procédurales. En particulier, la décision d’inspection, en vertu de laquelle interviennent les inspecteurs de la Commission, doit être dûment motivée.

3.

La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser davantage les exigences juridiques relatives à la motivation de ces décisions d’inspection. La présente espèce porte plus particulièrement sur le terrain encore peu balisé de la délimitation géographique des infractions aux règles de concurrence devant être examinées par la Commission.

4.

Avec quel niveau de précision la Commission doit-elle déterminer les marchés géographiquement concernés à ce stade initial de la procédure? La décision d’inspection doit-elle préciser si, et dans quelle mesure, une entreprise est tenue d’autoriser les inspecteurs de la Commission à consulter ses documents professionnels relatifs à des opérations réalisées en dehors du marché intérieur européen? Ce sont en substance les questions de droit qu’il y a lieu de trancher dans le présent pourvoi.

5.

Ces questions se posent dans le contexte d’une entente présumée relative à des câbles de haute tension et du matériel associé, concernant laquelle la Commission a entrepris des investigations il y a quelques années, et réalisé des inspections inopinées au début de l’année 2009, notamment dans les locaux de Nexans en France. Elle y a également consulté de nombreux documents professionnels qui concernaient des projets de câbles électriques sur des marchés extra-européens. À présent, les parties s’opposent en substance sur le point de savoir si la motivation de la décision d’inspection constituait une base suffisante pour effectuer une telle opération.

6.

L’arrêt que la Cour rendra dans cette affaire aura une importance non négligeable pour la future pratique administrative de la Commission.

II – Cadre juridique

7.

Le cadre de droit primaire de cette affaire est défini, d’une part, par l’article 81 CE (devenu article 101 TFUE) et, d’autre part, par l’article 253 (devenu article 296, deuxième alinéa, TFUE) ( 2 ). Concernant le droit dérivé, l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 ( 3 ) est également pertinent.

8.

L’article 20 du règlement no 1/2003 dispose notamment:

«1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

[…]

4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.»

9.

Il convient en outre de mentionner l’article 4 du règlement no 1/2003, qui est rédigé comme suit:

«Pour l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement.»

III – Antécédents du litige

A – Les faits et la procédure administrative

10.

Les requérantes du litige en première instance et actuelles requérantes au pourvoi, Nexans SA et sa filiale à 100 % Nexans France SAS (ci-après les «requérantes»), sont deux sociétés françaises exerçant leur activité dans le secteur des câbles électriques.

11.

Par décision C(2009) 92/1, du 9 janvier 2009, la Commission a ordonné à Nexans SA et à toutes les entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 (ci‑après la «décision d’inspection»).

12.

L’article 1er de la décision d’inspection indiquait notamment ce qui suit:

«Nexans […], ainsi que toutes les entreprises, directement ou indirectement contrôlées par elle(s), à l’inclusion de Nexans France […] a par la présente l’obligation de se soumettre à une inspection relative à [son] (leur) éventuelle participation à des accords anticoncurrentiels et/ou pratiques concertées contraires à l’article 81 [CE] en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, comprenant la présentation de soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.»

13.

La décision d’inspection était motivée comme suit:

«La Commission a reçu des informations selon lesquelles les fournisseurs de câbles électriques, y compris les entreprises auxquelles cette décision est adressée, participeraient ou auraient participé à des accords et/ou pratiques concertées en relation avec la fourniture de câbles électriques et de matériel associé y compris, entre autres, les câbles électriques sous-marins de haute tension et, dans certains cas, les câbles électriques souterrains de haute tension, comprenant la présentation de soumissions concertées lors de marchés publics, l’attribution de clients, ainsi que l’échange illicite d’informations commercialement sensibles concernant la fourniture de ces produits.

[…]

Selon les informations reçues par la Commission, [c]es accords et/ou pratiques concertées […], qui ont été mis en place dès 2001 au plus tard, existent toujours actuellement. [Ils] ont probablement une portée mondiale.

S’il s’avère que ces allégations sont fondées, les accords et/ou les pratiques concertées décrits ci-dessus constitueraient de très graves infractions à l’article 81 [CE].

Afin de permettre à la Commission de vérifier tous les faits relatifs aux accords et aux pratiques concertées présumés et le contexte dans lequel ils se sont déroulés, il est nécessaire d’effectuer des inspections en application de l’article 20 du [règlement no 1/2003].

[…]»

14.

Cette inspection a été effectuée au cours de la période comprise entre le 28 et le 30 janvier 2009 ainsi que le 3 février 2009 par des inspecteurs de la Commission, accompagnés de représentants de l’Autorité de la concurrence (France) dans les locaux de Nexans France SAS. Après notification préalable de la décision d’inspection, les inspecteurs de la Commission ont contrôlé et copié de nombreux documents et interrogé les employés de Nexans France SAS afin d’obtenir des explications plus précises sur certains documents professionnels.

B – Procédure de première instance

15.

Au moyen d’un recours en annulation, Nexans SA et Nexans France SAS cherchaient, en première instance, une protection juridique auprès du Tribunal contre la décision d’inspection ainsi que contre deux mesures des inspecteurs de la Commission dans le cadre de l’inspection.

16.

À la suite de ce recours, le Tribunal a, par un arrêt du 14 novembre 2012 ( 4 ), annulé la décision d’inspection pour autant qu’elle concernait des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension et le matériel associé à ces autres câbles. Il a rejeté le recours pour le surplus ( 5 ).

17.

Concernant les dépens, Nexans SA et Nexans France SAS ont été condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission. En revanche, la Commission a été condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens ( 6 ).

IV – Procédure devant la Cour

18.

Par un mémoire du 24 janvier 2013, Nexans SA et Nexans France SAS ont formé conjointement le présent pourvoi contre l’arrêt. Ce pourvoi porte, d’une part, sur la partie de l’arrêt attaqué par laquelle le Tribunal a rejeté le recours en annulation de ces deux sociétés concernant la portée géographique de la décision d’inspection et, d’autre part, sur la décision du Tribunal relative aux dépens.

19.

Les requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejetait la seconde branche du premier moyen des requérantes, selon lequel la portée géographique de la décision d’inspection était excessivement étendue et pas suffisamment précise;

sur la base des informations en sa possession...

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