Nils Laurin Effing.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:315
Docket NumberC-302/02
Celex Number62002CC0302
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 May 2004

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE. KOKOTT

présentées le 25 mai 2004 (1)

Affaire C-302/02

Nils Laurin Effing

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Prestations familiales – Octroi d’avances sur pension alimentaire à des enfants mineurs – Enfant de détenu – Conditions liées au séjour – Détenu purgeant sa peine dans un autre État membre»






I – Introduction

1. Par la présente demande de décision à titre préjudiciel, l’Oberster Gerichtshof (Autriche) soulève la question de savoir si, dans le cadre de l’octroi de prestations en faveur d’enfants de détenus, le fait d’opérer une distinction selon que la détention est purgée sur le territoire national ou dans un autre État membre est compatible avec l’interdiction de discrimination fondée sur la nationalité édictée par les dispositions combinées des articles 12 CE et 3 du règlement (CEE) nº 1408/71 (2). D’après le droit autrichien, une avance sur pension alimentaire est octroyée à un enfant lorsque le parent débiteur de la pension alimentaire purge une peine de prison en Autriche, mais non pas lorsque ce parent est transféré dans un autre État aux fins d’y purger sa peine de prison.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71, ce dernier s’applique aux travailleurs salariés et aux travailleurs non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs des États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.

3. L’article 1er, sous a), i), du règlement nº 1408/71 définit le travailleur comme étant une personne qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale, s’appliquant aux travailleurs salariés.

4. Le système juridique à appliquer est déterminé dans la présente affaire par l’article 13, paragraphe 2 :

«Sous réserve des dispositions des articles 14 à 17:

a) le travailleur occupé sur le territoire d’un État membre est soumis à la législation de cet État […];

[…]

f) la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule législation.»

5. L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 règle le principe d’égalité de traitement dans le cadre du champ d’application du règlement. Des règles particulières relatives aux prestations familiales découlent notamment des articles 73 et 74.

6. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 1612/68 (3), un travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie sur le territoire des autres États membres des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

7. En vertu de l’article 12 du règlement nº 1612/68, les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.

B – Convention sur le transfèrement des personnes condamnées

8. En application de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées (4), les personnes condamnées peuvent être transférées avec leur consentement vers le territoire de leur pays d’origine pour y purger une peine de prison qui résulte d’une condamnation dans un autre État. Ce faisant, la peine de prison de l’État de condamnation peut être commuée en une peine de prison selon le droit de l’État d’exécution.

9. Depuis son entrée en vigueur pour l’Irlande le 1er novembre 1995, la convention lie tous les États membres. Pour la république d’Autriche, elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1987, pour la République fédérale d’Allemagne le 1er février 1992. Entre-temps, les nouveaux États membres ont également ratifié la convention.

C – Droit national

10. L’Unterhaltsvorschussgesetz autrichien (loi relative à l’octroi d’avances pour l’entretien des enfants) prévoit que des avances sur pension alimentaire sont octroyées aux enfants mineurs lorsque le parent débiteur d’aliments ne satisfait pas à ses obligations d’entretien. En vertu, entre autres, de l’article 4, point 3, de cette loi, cela vaut notamment lorsque le débiteur d’aliments se voit privé de liberté sur le territoire national pendant une période de plus d’un mois en raison d’une décision judiciaire prise dans une procédure pénale et qu’il ne peut pour cette raison satisfaire à son obligation d’entretien.

11. En vertu de l’article 29, paragraphe 1, de l’Unterhaltsvorschussgesetz, le débiteur d’aliments doit rembourser les avances octroyées en application de l’article 4, point 3, dans la mesure où des motifs d’équité semblent l’exiger compte tenu de sa situation salariale et patrimoniale, de ses obligations d’entretien et de la finalité de l’exécution de la peine et dans la mesure où cela n’affecte pas sa capacité économique à indemniser le préjudice.

12. En Allemagne également, il existe un Unterhaltsvorschussgesetz (5). Les prestations sont limitées à un maximum de 72 mois jusqu’à la douzième année de l’enfant concerné. Il n’y a pas de règles particulières pour les détenus.

13. Les détenus sont obligés de travailler tant en Autriche qu’en Allemagne.

III – Les faits et la question préjudicielle

14. M. Nils Laurin Effing (ci-après le «fils»), né le 22 avril 1992, est le fils naturel du ressortissant allemand M. Ingo Effing (ci-après le «père»). Le fils est citoyen autrichien et vit à Vienne au foyer de sa mère qui en a la garde. Bien que la juridiction de renvoi parte de l’hypothèse que le père était travailleur, le gouvernement autrichien a fait savoir à la Cour de justice que ce dernier avait été couvert par la sécurité sociale en Autriche jusqu’au 30 juin 2001 en tant que commerçant. Le 7 juin 2000, il a été placé en détention préventive en Autriche et a été ensuite condamné à une peine de prison. À partir du 1er juin 2000, le fils s’est vu octroyer une avance mensuelle sur pension alimentaire en application de l’article 4, point 3, de l’Unterhaltsvorschussgesetz.

15. Le père a purgé la peine privative de liberté à laquelle il avait été condamné tout d’abord en Autriche. D’après les informations fournies par le gouvernement autrichien, il était couvert par une assurance chômage. Le 19 décembre 2001, il a été transféré vers l’Allemagne pour y purger le reste de sa peine.

16. D’après les renseignements fournis par le gouvernement allemand, sa peine de prison a été commuée en une peine de prison allemande en application de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la convention. Le gouvernement allemand a fait savoir que, au cours de son emprisonnement, pendant les mois de février à juillet 2002 ainsi que pendant les mois de septembre 2002 à mars 2003, il a travaillé contre rémunération. Des montants ont été déduits tout d’abord au titre de l’assurance chômage, ensuite également au titre de l’assurance maladie. Le 3 avril 2003, il a été libéré. Nous n’avons pas d’information quant à son emploi depuis cette date.

17. Les autorités autrichiennes compétentes ont cessé de payer les avances sur pension alimentaire à la fin du mois de décembre 2001. Selon la jurisprudence constante des juridictions autrichiennes, les avances sur pension alimentaire due par un détenu débiteur d’aliments ne doivent être versées que si la peine est purgée en Autriche.

18. Cependant, l’Oberster Gerichtshof pense qu’il est possible que cette application de la règle relative aux avances sur pension alimentaire due par les détenus constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité. En raison de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, les ressortissants d’autres États membres auront tendance à purger une éventuelle peine de prison dans un autre État membre. La nationalité (étrangère) serait donc régulièrement déterminante pour savoir si une personne débitrice d’aliments qui a été condamnée en Autriche purge sa peine privative de liberté dans son pays d’origne, c’est-à-dire à l’étranger. Elle serait donc aussi indirectement déterminante pour savoir si l’enfant de la personne condamnée créancier d’aliments peut faire valoir un droit à une avance en application de l’article 4, point 3, de l’Unterhaltsvorschussgesetz. Par conséquent, l’Oberster Gerichtshof saisit la Cour de justice de la question préjudicielle suivante :

«Les dispositions combinées des articles 12 et 3 du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une disposition nationale qui désavantage des ressortissants de la Communauté percevant une avance sur pension alimentaire lorsque le père qui est débiteur de l’obligation d’entretien purge une peine de prison dans son pays d’origine et (non en Autriche) et l’enfant d’un ressortissant communautaire vivant en Autriche est-il discriminé du fait qu’une avance sur pension alimentaire ne lui est pas accordée, au motif que son père purge dans son pays d’origine (et non en Autriche) une peine privative de liberté à laquelle il a été condamné en Autriche ?»

IV – Appréciation en droit

A – Sur le règlement nº 1408/71

1. Arguments des parties

19. En se fondant sur les arrêts Offermanns (6) et Humer (7), les parties partent du principe que les avances sur pension...

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  • Caisse nationale des prestations familiales v Ursula Schwarz, née Weide.
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    • 15 July 2004
    ...14 décembre 1989, Dammer (C‑168/88, Rec. p. 4553, point 22). 19 – Voir, à ce propos, nos conclusions du 25 mai 2004 dans l'affaire Effing (C‑302/02, point 37), pendante devant la 20 – Conclusions de l'avocat général Darmon dans l'affaire McMenamin (arrêt précité à la note 15), points 87 et ......

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