Caisse nationale des prestations familiales v Ursula Schwarz, née Weide.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:463
Docket NumberC-153/03
Celex Number62003CC0153
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 July 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 15 juillet 2004(1)



Affaire C-153/03

Caisse nationale des prestations familiales
contre
Ursula Weide, épouse Schwarz



[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Luxembourg)]

«Prestations familiales – Allocation d'éducation – Suspension du droit à prestation dans l'État d'emploi – Droit à des prestations de même nature dans l'État de résidence»






I – Introduction 1. La présente affaire concerne un conflit négatif de compétence. M me Ursula Weide, épouse Schwarz (2) , a travaillé au Luxembourg tout en vivant avec sa famille en Allemagne. Elle a interrompu son activité professionnelle pour s’occuper de ses enfants. Les services allemands lui ont refusé l’allocation d’éducation allemande, tandis que les services luxembourgeois lui ont accordé uniquement le montant de la différence entre l’allocation d’éducation allemande et l’allocation d’éducation – plus élevée – luxembourgeoise. La question se pose de savoir à quel État il incombait en priorité, en application du règlement (CEE) n° 1408/71 (3) et du règlement (CEE) n° 574/72 (4) , de lui servir l’allocation d’éducation. II – Les faits et la demande de décision préjudicielle 2. La Cour de cassation du grand-duché de Luxembourg est saisie d’une procédure dans le cadre de laquelle M me Weide cherche à obtenir le versement de l’allocation d’éducation luxembourgeoise. 3. Le litige opposant M me Weide à l’organisme luxembourgeois compétent, la Caisse nationale des prestations familiales (ci-après la «CNPF»), porte sur le point de savoir si elle peut prétendre percevoir l’allocation d’éducation luxembourgeoise en son intégralité. La CNPF ne lui a octroyé que le montant de la différence entre l’allocation d’éducation allemande et l’allocation d’éducation luxembourgeoise, plus élevée. Deux instances luxembourgeoises ont fait droit à la demande de M me Weide. Elles estimaient que le droit de M me Weide était fondé sur les articles 13 et 73 du règlement n° 1408/71. D’après elles, l’article 76 du règlement n° 1408/71 ne permettait pas à la CNPF de suspendre le versement de la prestation à concurrence du montant de la prestation allemande correspondante, deux juridictions allemandes ayant jugé, par décisions devenues définitives, que M me Weide ne pouvait prétendre à cette prestation allemande. 4. La troisième instance luxembourgeoise, la Cour de cassation, doute cependant de l’exactitude de cette interprétation de l’article 76 du règlement n° 1408/71; dès lors, elle a soumis à la Cour les questions ci-après pour être tranchées à titre préjudiciel:
«1)
L’article 76 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leurs familles qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté doit-il être interprété en ce sens qu’il vise uniquement l’hypothèse où le travailleur migrant a droit à des prestations familiales en vertu de la législation de l’État d’emploi et en vertu de la législation de l’État de résidence des membres de la famille?
2)
En cas de réponse affirmative à cette question, les organismes de l’État d’emploi peuvent-ils procéder à une suspension du droit aux prestations familiales s’ils considèrent que le refus d’octroyer des prestations familiales dans l’État de résidence n’est pas conforme au droit communautaire?
3)
Dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question, l’article 76, précité, permet-il à l’État d’emploi d’appliquer la règle de non-cumul des prestations au cas où le conjoint du travailleur migrant touche ou a droit, au titre de la loi de l’État de résidence des membres de la famille, à des prestations familiales de même nature?»
5. Le dossier communiqué par la Cour de cassation et les arguments avancés par les parties à la procédure montrent cependant qu’il est nécessaire de compléter la demande de décision préjudicielle. 6. En ce qui concerne les faits, il convient de préciser que M me Weide a travaillé depuis 1993 au Luxembourg mais vit en Allemagne, pays où travaille également son mari. Son fils est né le 11 mai 1998. À l’issue de son congé de maternité et d’une courte période de congés sans solde, M me Weide a interrompu sa relation d’emploi du 1 er octobre 1998 au 15 mai 2000 pour se consacrer à l’éducation de ses enfants. Conformément à l’article 171, point 7, du code des assurances sociales luxembourgeois, cette période d’éducation a été reconnue comme période d’affiliation au titre de l’assurance retraite. 7. Il y a lieu de relever, par ailleurs, que les autorités compétentes et deux instances juridictionnelles en Allemagne ont refusé l’allocation d’éducation à M me Weide alors qu’elle satisfaisait à toutes les conditions du droit allemand. Ces décisions reposaient sur l’analyse que, en vertu de la règle de conflit de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, M me Weide était soumise au seul droit luxembourgeois. Selon ces décisions, même dans l’hypothèse où le droit allemand serait également applicable, le droit à l’allocation d’éducation luxembourgeoise serait prioritaire en application des dispositions anti-cumul des articles 76 du règlement n° 1408/71 et 10 du règlement n° 574/72. III – Le cadre juridique 8. Les règlements n° s 1408/71 et 574/72 étaient initialement applicables à la présente affaire tels que modifiés par le règlement (CE) n° 1223/98 du Conseil, du 4 juin 1998 (5) . Ils ont ensuite été tous deux modifiés par les règlements (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (6) , (CE) nº 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999 (7) , et (CE) n° 1399/1999 du Conseil, du 29 avril 1999 (8) . Cependant, ni ces modifications, ni celles intervenues ultérieurement, n’intéressent la présente affaire. A – Sur le droit à l’allocation d’éducation allemande 9. En Allemagne, c’est l’article 1 er , paragraphe 1, du Gesetz zum Erziehungsgeld und zur Elternzeit (loi relative à l’allocation d’éducation et au congé parental) qui énonce les conditions d’octroi de l’allocation d’éducation: «Peut prétendre à l’allocation d’éducation toute personne
1)
ayant son domicile ou son lieu de résidence ordinaire en Allemagne;
2)
ayant dans son ménage un enfant dont elle a la charge;
3)
assurant la garde et l’éducation de cet enfant, et
4)
n’exerçant pas d’activité professionnelle ou d’activité professionnelle à temps complet.»
10. En ce qui concerne les travailleurs frontaliers, qui sont salariés dans un État membre tout en habitant dans un autre État membre, la règle de conflit de l’article 13 du règlement n° 1408/71 dispose ce qui suit: «1. Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies , les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.
2.
Sous réserve des articles 14 à 17:
a) la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre […]» B – Sur le droit à l’allocation d’éducation luxembourgeoise 11. L’allocation d’éducation luxembourgeoise est versée à toute personne qui a son domicile légal au grand-duché de Luxembourg, y réside effectivement et élève dans son foyer un ou plusieurs enfants pour lesquels sont versées au demandeur ou à son conjoint des allocations familiales. Elle est due à partir du premier jour du mois qui suit soit l’expiration du congé de maternité, soit la fin du droit à l’allocation de maternité de la mère et cesse le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel l’enfant atteint l’âge de deux ans. Elle est du même montant quel que soit le nombre des enfants élevés dans un même foyer. 12. En vertu de l’article 73 du règlement n° 1408/71, la condition d’un domicile au Luxembourg n’est pas applicable aux travailleurs frontaliers. Cette disposition énonce: «Le travailleur salarié ou non salarié soumis à la législation d’un État membre a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d’un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État, comme s’ils résidaient sur le territoire de celui-ci […]» C – Les dispositions anti-cumul 13. Les règles anti-cumul énoncées aux articles 76 du règlement n° 1408/71 et 10 du règlement n° 574/72 visent à empêcher le cumul injustifié de prestations familiales. 14. L’article 76 du règlement n° 1408/71 est formulé comme suit: «1. Lorsque des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, le droit aux prestations familiales dues en vertu de la législation d’un autre État membre, le cas échéant en application des articles 73 ou 74, est suspendu jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation du premier État membre. 2. Si une demande de prestations n’est pas introduite dans l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, l’institution compétente de l’autre État membre peut appliquer les dispositions du paragraphe 1 comme si des prestations étaient octroyées dans le premier État membre.» 15. L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 574/72 énonce:
«a)
Le droit aux prestations ou allocations familiales dues en vertu de la législation d’un État membre selon laquelle l’acquisition du droit à...

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