A2A SpA v Agenzia delle Entrate.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:211
Date26 March 2015
Celex Number62014CC0089
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-89/14
62014CC0089

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 26 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑89/14

A2A SpA

contre

Agenzia delle Entrate

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Italie)]

«Renvoi préjudiciel — Aides d’État — Décision de récupération d’aides illégales — Méthode de calcul des intérêts applicable à cette récupération — Règlement (CE) no 794/2004 — Article 11 — Intérêts composés — Article 13 — Date d’entrée en vigueur — Législation nationale qui renvoie aux dispositions du règlement (CE) no 794/2004 prévoyant l’application d’intérêts composés — Dispositions non applicables ratione temporis à la décision de récupération — Principes généraux du droit de l’Union»

I – Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 21 février 2014, a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A2A SpA (ci‑après «A2A») à l’Agenzia delle Entrate (administration fiscale) à propos de la récupération auprès d’A2A des aides jugées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision 2003/193/CE de la Commission, du 5 juin 2002, relative à une aide d’État aux exonérations fiscales et prêts à des conditions préférentielles consentis par l’Italie à des entreprises de services publics dont l’actionnariat est majoritairement public ( 2 ).

2.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] ( 3 ) et des articles 9, 11 et 13 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 ( 4 ).

3.

La juridiction de renvoi s’interroge plus particulièrement sur la question de savoir si ces dispositions s’opposent à une réglementation nationale qui, en faisant un renvoi aux articles 9 et 11 du règlement no 794/2004, impose la méthode des intérêts composés pour le calcul des intérêts dus sur l’aide à récupérer. Je relève toutefois d’emblée que, selon l’article 13 de ce règlement, auquel la réglementation nationale ne fait pas de renvoi, le calcul en cause n’était pas applicable, ratione temporis, à l’aide en question.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La décision 2003/193

4.

Le 5 juin 2002, la Commission a adopté la décision 2003/193, dont les articles 2 et 3 sont libellés comme suit:

«Article 2

L’exonération triennale de l’impôt des sociétés prévue à l’article 3, paragraphe 70, de la loi 549 du 28 décembre 1995 et à l’article 66, paragraphe 14, du décret‑loi 331 du 30 août 1993, converti par la loi 427 du 29 octobre 1993, et les avantages découlant des prêts accordés au titre de l’article 9 bis du décret‑loi 318 du 1er juillet 1986, converti avec des modifications, par la loi 488 du 9 août 1986, en faveur des sociétés de capitaux à actionnariat majoritairement public constituées au sens de la loi 142 du 8 juin 1990, constituent des aides d’État au sens de l’article [107, paragraphe 1, TFUE].

Ces aides ne sont pas compatibles avec le marché commun.

Article 3

L’Italie prend toutes les mesures qui s’imposent pour exiger du bénéficiaire qu’il restitue l’aide décrite à l’article 2 qui lui a été accordée illégalement.

Le recouvrement de l’aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales, dans la mesure où elles permettent l’exécution effective et immédiate de la décision.

L’aide à recouvrer comprend les intérêts à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a perçu l’aide illégale jusqu’à la date de son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent subvention des aides à finalité régionale.»

5.

La décision 2003/193 a été notifiée à la République italienne le 7 juin 2002.

2. Le règlement no 659/1999

6.

L’article 14 de ce règlement, intitulé «Récupération de l’aide», énonce ce qui suit:

«1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci‑après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice [de l’Union européenne] prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit [de l’Union].»

3. Le règlement no 794/2004

7.

Les articles 9 et 11 du règlement no 794/2004 figurent au chapitre V intitulé «Taux d’intérêt applicable à la récupération d’aides illégales».

8.

L’article 9 de ce règlement, intitulé «Méthode de fixation du taux d’intérêt», dispose:

«1. Sauf dispositions contraires prévues par une décision spécifique, le taux d’intérêt applicable à la récupération des aides d’État octroyées en violation de l’article [108, paragraphe 3, TFUE] est un taux en pourcentage annuel fixé par année civile.

[…]»

9.

L’article 11 du règlement no 794/2004, intitulé «Méthode d’application de l’intérêt», précise:

«1. Le taux d’intérêt applicable est le taux en vigueur à la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire.

2. Le taux d’intérêt est appliqué sur une base composée jusqu’à la date de récupération de l’aide. Les intérêts courus pour une année produisent des intérêts chaque année suivante.

3. Le taux d’intérêt visé au paragraphe 1 s’applique pendant toute la période jusqu’à la date de récupération de l’aide. […]»

10.

L’article 13 du règlement no 794/2004 qui figure au chapitre VI, intitulé «Dispositions finales», concerne l’entrée en vigueur de ce règlement. Le premier alinéa de cet article prévoit que le «présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne». Le cinquième alinéa de cet article prévoit que les «articles 9 et 11 sont applicables à toute décision de récupération notifiée après la date d’entrée en vigueur du présent règlement», (soit le 20 mai 2004), ce qui n’est pas le cas de la décision de la Commission en cause dans le présent dossier, notifiée le 7 juin 2002.

B – Le droit italien

11.

L’article 1283 du code civil dispose:

«En l’absence d’usages contraires, les intérêts échus ne peuvent produire d’intérêts qu’à compter du jour de la demande en justice ou en vertu d’une convention postérieure à leur échéance, et pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus pour six mois au moins.»

12.

L’article 24, paragraphe 4, du décret‑loi no 185, du 29 novembre 2008 ( 5 ), concernant des mesures urgentes de soutien aux ménages, au travail, à l’emploi et aux entreprises et visant à la modification du cadre stratégique national par des mesures anticrise, tel que modifié et converti par la loi no 2, du 28 janvier 2009 ( 6 ) (ci‑après le «décret‑loi no 185/2008» ( 7 )), prévoit:

«Les intérêts sont déterminés sur la base des dispositions du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 […]»

13.

Selon la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), le renvoi par l’article 24, paragraphe 4, du décret‑loi no 185/2008 au seul chapitre V du règlement no 794/2004, et non également à son chapitre VI, qui contient la disposition transitoire de l’article 13, cinquième alinéa, implique que les intérêts composés doivent être appliqués à la récupération en cause, même si cette récupération concerne une décision de la Commission antérieure à l’entrée en vigueur de ce règlement ( 8 ).

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

14.

A2A est née de la fusion entre ASM Brescia SpA et AEM SpA.

15.

Pour la période couvrant les années 1996 à 1999, ASM Brescia SpA et AEM SpA ont bénéficié d’une exonération de l’impôt sur les revenus des personnes morales et de l’impôt local sur les revenus en application d’un régime de faveur prévu par la législation nationale pour les sociétés de capitaux à actionnariat majoritairement public.

16.

Cette exonération a été qualifiée d’«aide d’État» illégale et incompatible avec le marché commun par la décision 2003/193 du 5 juin 2002 et notifiée le 7 juin 2002.

17.

Dans son arrêt Commission/Italie (C‑207/05, EU:C:2006:366), la Cour a jugé que, «[e]n n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides qui ont été déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision [2003/193], la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3 et 4 de cette décision».

18.

À la suite de cet arrêt, le législateur italien est intervenu pour réglementer la récupération des aides en question en adoptant notamment l’article 24, paragraphe 4, du décret‑loi no 185/2008, selon lequel les intérêts devaient...

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