Pippo Pizzo v CRGT Srl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:48
Docket NumberC-27/15
Celex Number62015CC0027
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 January 2016
62015CC0027

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 21 janvier 2016 ( 1 )

Affaire C‑27/15

Pippo Pizzo e.a.

contre

CRGT srl

[demande de décision préjudicielle

formée par le Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione siciliana (Conseil de justice administrative de la région de Sicile) (Italie)]

«Marchés publics — Directive 2004/18/CE — Participation à un appel d’offres — Possibilité de se prévaloir des capacités d’autres entreprises pour remplir les critères nécessaires — Absence de paiement d’une contribution non explicitement prévue — Exclusion du soumissionnaire»

1.

Le présent renvoi préjudiciel offre à la Cour une nouvelle occasion de consolider sa jurisprudence en matière de passation de marchés publics, plus précisément en ce qui concerne la directive 2004/18/CE ( 2 ).

2.

D’une part, la Cour y est une nouvelle fois interrogée sur le point de savoir si un soumissionnaire peut se prévaloir des capacités de tiers pour satisfaire aux conditions de participation à un marché public, ce qui constitue un problème relativement simple à résoudre au regard de la jurisprudence de la Cour.

3.

D’autre part, et il s’agit là d’un problème plus complexe, la juridiction de renvoi demande si certaines conditions d’admissibilité à participer à une procédure de marché public peuvent ne figurer expressément ni dans l’avis de marché ni dans le cahier des charges, mais être simplement déduites de dispositions règlementaires nationales de portée générale.

4.

Pour ce qui a trait à ce second problème, je propose à la Cour une lecture nuancée de sa jurisprudence sur la nécessité de reprendre expressément toutes les conditions du marché dans le dossier d’appel d’offres. Je m’appuierai pour ce faire sur la logique que je considère comme inhérente à la notion de «soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent», qui détermine à mon sens l’esprit de cette jurisprudence.

I – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

1. Directive 2004/18

5.

Aux termes de l’article 2 de la directive 2004/18, «[l]es pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence».

6.

L’article 47 de la directive 2004/18 dispose:

«1. La justification de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être constituée par une ou plusieurs des références suivantes:

a)

des déclarations appropriées de banques ou, le cas échéant, la preuve d’une assurance des risques professionnels;

b)

la présentation des bilans ou d’extraits des bilans, dans les cas où la publication des bilans est prescrite par la législation du pays où l’opérateur économique est établi;

c)

une déclaration concernant le chiffre d’affaires global et, le cas échéant, le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché […].

2. Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités à cet effet.

[…]»

7.

L’article 48 de la directive 2004/18 dispose:

«1. Les capacités techniques et/ou professionnelles des opérateurs économiques sont évaluées et vérifiées conformément aux paragraphes 2 et 3.

[…]

3. Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l’exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités de mettre à la disposition de l’opérateur économique les moyens nécessaires.

[…]»

2. Directive 2014/24/UE ( 3 )

8.

L’article 63 de la directive 2014/24 dispose:

«1. Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière […] et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles […]. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.

[…]

Lorsqu’un opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en ce qui concerne des critères ayant trait à la capacité économique et financière, le pouvoir adjudicateur peut exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question soient solidairement responsables de l’exécution du marché.

[…]

2. Pour les marchés de travaux, les marchés de services et les travaux de pose ou d’installation dans le cadre d’un marché de fournitures, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger que certaines tâches essentielles soient effectuées directement par le soumissionnaire lui-même ou, si l’offre est soumise par un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, par un participant dudit groupement.»

B – Droit italien

1. Décret législatif no 163, du 12 avril 2006 ( 4 )

9.

L’article 49 du décret législatif no 163/2006 dispose:

«1. Le soumissionnaire, qu’il soit seul, membre d’un consortium ou d’un groupement au sens de l’article 34, dans le cadre d’un appel d’offres spécifique de travaux, de fournitures ou de services, peut satisfaire à l’exigence relative aux critères de nature économique, financière, technique, organisationnelle, c’est-à-dire obtenir l’attestation […] SOA, en faisant valoir les critères remplis par une autre personne ou l’attestation SOA d’une autre personne.

[…]

6. Pour les travaux, le soumissionnaire ne peut faire valoir qu’une seule entreprise auxiliaire pour chacune des catégories de qualification. L’appel d’offres peut autoriser le recours à plus d’une entreprise auxiliaire, en fonction du montant de l’appel d’offres ou de la spécificité des prestations […]»

2. Loi no 266, du 23 décembre 2005 ( 5 )

10.

L’article 1er, paragraphe 67, premier alinéa, de la loi no 266/2005 dispose: «[…] l’autorité de surveillance des travaux publics […] détermine chaque année le montant des contributions que lui doivent les personnes publiques et privées soumises à sa surveillance, ainsi que les modalités de sa perception, y compris l’obligation, pour les opérateurs économiques, de verser la contribution comme condition de l’admissibilité de l’offre dans le cadre des procédures de passation de marchés de travaux publics».

II – Faits

11.

L’autorité portuaire de Messine (l’Autorità Portuale di Messina, Italie) a lancé au mois de novembre 2012 une procédure d’appel d’offres ouverte d’intérêt européen, pour l’adjudication du service quadriennal de la gestion des déchets et des résidus de chargement à bord des navires en escale dans sa circonscription. Ce service était auparavant fourni par la société CRGT slr (ci-après «CRGT»).

12.

Le marché a été attribué au groupement temporaire d’entreprises constitué par les sociétés Pippo Pizzo et Onofaro Antonino (ci-après «Pizzo») après que d’autres entreprises en lice (parmi lesquelles CRGT) ont été exclues de la procédure pour n’avoir pas versé à l’autorité de surveillance des marchés publics (l’Autorità di vigilanza dei contratti pubblici, ci-après l’«AVCP») la contribution prévue par la loi no 266/2005 comme condition de recevabilité de leurs offres respectives.

13.

CRGT a introduit un recours contre son exclusion devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia, Sezzione staccata di Catania, Sala IV (tribunal administratif régional de Sicile, section siégeant à Catane, 4e chambre, Italie, ci-après le «TAR»). Pizzo a formé un recours incident dans lequel il a fait valoir que CRGT aurait également dû être exclue pour n’avoir produit qu’une des deux attestations bancaires exigées dans l’appel d’offres afin de justifier de sa capacité économique et financière.

14.

Le TAR a estimé que le recours de CRGT était recevable et fondé, et que cette société n’avait pas à être exclue de l’appel d’offres, dès lors que: a) le dossier d’appel d’offres ne prévoyait pas le paiement de la contribution prévue par la loi no 266/2005; b) cette contribution concerne expressément les ouvrages publics, mais non les contrats de services, et c) l’extension aux contrats de services de l’obligation de payer cette contribution n’est possible qu’au moyen d’une interprétation extensive de la loi no 266/2005 qui, en vertu du principe d’exhaustivité des clauses d’exclusion, ne peut porter préjudice aux soumissionnaires qui, sans commettre de faute, ont cru que la contribution litigieuse n’était pas exigible en l’espèce.

15.

Le TAR a par ailleurs rejeté le recours incident formé par Pizzo, au motif que CRGT pouvait, comme elle l’avait fait, se prévaloir de la capacité économique et financière d’une entreprise auxiliaire avec laquelle elle avait conclu un contrat en ce sens.

16.

Pizzo a formé un pourvoi devant le Consiglio di Giustizia Amministrativa per la Regione siciliana (Conseil de justice administrative de la région de Sicile, Italie), que CRGT a contesté en invoquant de nouveau d’autres motifs qu’elle avait déjà exposés dans son premiers recours et qui sont sans pertinence...

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  • Pippo Pizzo v CRGT Srl.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 June 2016
    ...de paiement d’une contribution non explicitement prévue — Exclusion du marché sans possibilité de rectifier cette omission» Dans l’affaire C‑27/15, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di giustizia amministrativa ......

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