Opinion of Advocate General Bot delivered on 19 January 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:30
Docket NumberC-680/15,C-681/15
Celex Number62015CC0680
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 January 2017
62015CC0680

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 19 janvier 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑680/15 et C‑681/15

Asklepios Kliniken Langen-Seligenstadt GmbH (C‑680/15),

Asklepios Dienstleistungsgesellschaft mbH (C‑681/15)

contre

Ivan Felja,

Vittoria Graf

[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Directive 2001/23/CE — Article 3, paragraphes 1 et 3 — Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise — Clause d’un contrat de travail renvoyant aux conditions de travail prévues par une convention collective ainsi qu’aux modifications de celles-ci intervenant postérieurement au transfert d’entreprise»

1.

Les présentes demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 3 de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements ( 2 ) ainsi que sur l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2.

Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un litige opposant M. Ivan Felja et Mme Vittoria Graf (ci-après les « requérants ») à Asklepios Kliniken Langen-Seligenstadt GmbH et Asklepios Dienstleistungsgesellschaft mbH (ci‑après « Asklepios »), au sujet de l’application d’une convention collective.

3.

À la suite des arrêts du 9 mars 2006, Werhof (C‑499/04, EU:C:2006:168, ci-après l’« arrêt Werhof »), et du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a. (C‑426/11, EU:C:2013:521, ci-après l’« arrêt Alemo-Herron e.a. »), la problématique générale que pose la présente affaire est celle de savoir si un employeur cessionnaire peut, après un transfert d’établissement, se voir contraint d’appliquer les conditions de travail résultant de conventions collectives adoptées après ce transfert.

4.

La particularité des arrêts précités ainsi que de la présente affaire est que l’application des conventions collectives aux relations de travail entre un employeur et ses employés est le fruit d’un renvoi opéré par les contrats de travail à ces conventions.

5.

Les contrats de travail peuvent ainsi comporter deux types de clauses de renvoi, soit à caractère statique, soit à caractère dynamique.

6.

Ces clauses opèrent de façon statique ou dynamique, selon qu’elles renvoient seulement à une convention collective déterminée en vigueur ou bien également aux évolutions futures que connaîtra cette convention.

7.

Les clauses statiques font ainsi référence à une convention collective spécifique, seulement dans sa version en vigueur à la date du transfert.

8.

En revanche, lorsqu’elles intègrent au contrat de travail une clause dynamique, les parties à ce contrat conviennent que certaines dispositions matérielles de la relation de travail existant entre elles doivent résulter de façon dynamique d’un cadre juridique externe et continuer à se développer. Les conditions de travail applicables correspondent donc aux conventions collectives périodiquement négociées par les organisations compétentes.

9.

L’intégration dans les contrats de travail de ce type de clauses s’explique, dans le contexte du droit allemand, par le souci d’assurer des droits aux salariés, indépendamment de leur appartenance syndicale.

10.

Ces clauses de renvoi permettent ainsi aux employeurs qui font partie d’une organisation patronale ayant négocié et adopté une convention collective de branche d’appliquer cette dernière également aux salariés non syndiqués.

11.

Ces clauses de renvoi permettent également aux employeurs qui ne font pas partie d’une organisation patronale ayant négocié et adopté une convention collective d’appliquer celle-ci volontairement aux salariés (syndiqués et non syndiqués).

12.

C’est ce dernier type de situations qui est en cause dans la présente affaire : un cédant qui ne fait pas partie d’une organisation patronale ayant négocié et adopté une convention collective a fait le choix d’intégrer dans les contrats de travail de ses salariés une clause de renvoi à cette convention collective. Cette clause de renvoi a un caractère dynamique, dans la mesure où elle vise les évolutions futures de ladite convention collective.

13.

À la suite du transfert de l’établissement du cédant, le cessionnaire estime qu’il n’est pas tenu d’appliquer les conditions de travail qui résultent des modifications de la convention collective intervenant après le transfert.

14.

La Cour est invitée à dire pour droit si, dans de telles conditions, la directive 2001/23 s’oppose au caractère dynamique de la clause de renvoi. Autrement dit, cette directive s’oppose-t-elle à ce que le cessionnaire soit tenu d’appliquer les conditions de travail découlant des évolutions futures de la convention collective à laquelle renvoient les contrats de travail ?

15.

Dans les présentes conclusions, nous apporterons une réponse affirmative à cette question.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

16.

L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23, laquelle remplace et codifie la directive 77/187/CEE ( 3 ), prévoit :

« La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion. »

17.

L’article 3 de cette directive dispose :

« 1. Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

[...]

3. Après le transfert, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective.

Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail, sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

[...] »

18.

À son article 8, ladite directive prévoit ce qui suit :

« La présente directive ne porte pas atteinte au droit des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires et administratives plus favorables aux travailleurs ou de favoriser ou de permettre des conventions collectives ou des accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables aux travailleurs. »

B – Le droit allemand

19.

En Allemagne, les droits et obligations en cas de transfert d’établissement sont régis par l’article 613a du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, ci-après le « BGB ») dont le paragraphe 1 se lit comme suit :

« Lorsqu’un établissement ou une partie d’établissement est transféré par acte juridique à un autre propriétaire, celui-ci est subrogé dans les droits et obligations nés des contrats de travail en cours au moment du transfert. Si ces droits et obligations sont régis par les règles juridiques d’une convention collective ou par un accord d’entreprise, ils deviennent partie intégrante du contrat de travail entre le nouveau propriétaire et le travailleur et ne peuvent être modifiés au détriment de ce dernier avant l’expiration d’une année à compter de la date du transfert. La deuxième phrase ne s’applique pas lorsque les droits et obligations du nouveau propriétaire sont régis par les dispositions d’une autre convention collective ou par un autre accord d’entreprise. Ces droits et obligations peuvent être modifiés avant le délai d’un an énoncé à la deuxième phrase si la convention collective ou l’accord d’entreprise ne sont plus en vigueur ou à défaut d’obligation réciproque de se conformer à une autre convention collective dont l’application est convenue entre le nouveau propriétaire et le travailleur. »

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

20.

Les requérants sont employés à l’hôpital de Dreieich-Lange (Allemagne) respectivement en qualités d’employé de maison/jardinier depuis l’année 1978 et d’assistante de soins depuis l’année 1986. Après la cession, en 1995, de l’hôpital par l’arrondissement d’Offenbach (Allemagne), une collectivité territoriale communale, à une GmbH (société à responsabilité limitée) organisée en vertu du droit privé, la partie d’établissement dans laquelle sont employés les requérants a été transférée en 1997 à l’entreprise KLS Facility Management GmbH (ci-après « KLS FM »).

21.

KLS FM, qui n’appartenait à aucune organisation patronale, a convenu par contrat individuel avec les requérants que leur relation de travail serait régie, comme c’était le cas avant le transfert, par la Bundesmanteltarifvertrag für Arbeiter gemeindlicher Verwaltungen und Betriebe (convention collective fédérale des travailleurs des administrations et établissements, ci-après la « BMT-G II ») et par les conventions collectives qui la complètent, la modifient et la remplacent.

22.

Par la suite, KLS FM a été intégrée dans le groupe Asklepios. Celui-ci regroupe de nombreuses entreprises du secteur hospitalier.

23.

Le 1er juillet 2008, la partie d’établissement dans laquelle sont employés les requérants a été transférée de KLS FM à une autre société du groupe, à savoir Asklepios. Celle-ci non plus n’était pas, ni n’est à ce jour, liée, en tant que...

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