Bahtiyar Fathi v Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:621
Docket NumberC-56/17
Celex Number62017CC0056
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 July 2018
62017CC0056

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑56/17

Bahtiyar Fathi

contre

Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Frontières, asile et immigration – Conditions d’octroi du statut de réfugié – Critères de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale – Examen d’une demande de protection internationale sans une décision explicite sur la compétence de l’État membre – Notion de “religion” – Évaluation des motifs de persécution fondés sur la religion »

1.

La demande de décision préjudicielle qui fait l’objet des présentes conclusions porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) no 604/2013 ( 2 ) (ci-après le « règlement Dublin III »), des articles 9 et 10 de la directive 2011/95/UE ( 3 ), ainsi que de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 ( 4 ). Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Bahtiyar Fathi à la Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite (agence nationale pour les réfugiés, Bulgarie, ci-après la « DAB »), au sujet du rejet de la part de cette dernière de la demande de protection internationale présentée par M. Fathi.

I. Les faits, la procédure au principal et la procédure devant la Cour

2.

M. Fathi, ressortissant iranien d’origine kurde, né le 20 septembre 1981 à Marivan en République islamique d’Iran, a introduit, le 1er mars 2016, une demande de protection internationale auprès de la DAB, motivée par la persécution dont il a été victime de la part des autorités iraniennes pour des motifs religieux. Selon ses propres dires, entre la fin de l’année 2008 et le début de l’année 2009, il se serait converti au christianisme en Iran. Il aurait possédé une antenne parabolique illégale avec laquelle il aurait capté la chaîne chrétienne interdite Nejat TV, et il aurait même participé, une fois, par téléphone, à une émission de télévision de cette chaîne. Au mois de septembre 2009, il aurait été détenu pendant deux jours par les services secrets iraniens et interrogé sur sa participation à l’émission de télévision en direct. Durant sa détention, il aurait été contraint d’admettre qu’il s’était converti au christianisme. En 2006, il se serait rendu en Angleterre. En juin 2012, il aurait quitté illégalement l’Iran pour l’Iraq, où il serait resté jusqu’à la fin de l’année 2015, y séjournant en tant que demandeur d’asile. Pendant son séjour, il se serait adressé au Haut-Commissariat de Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) mais, faute de document d’identité, il n’aurait fait l’objet d’aucune décision de la part de cet organisme. Quant à sa conversion au christianisme, le requérant a affirmé qu’il s’est agi d’un long processus, résultant de rencontres avec des chrétiens en Angleterre et du fait de regarder la télévision chrétienne, et qu’il a été baptisé entre la fin de l’année 2008 et l’année 2009, plus précisément au mois de mai, dans une église de maison à Téhéran. Il a affirmé avoir entretenu des relations avec d’autres chrétiens en Iran, lors de « meetings » à Téhéran rassemblant environ une dizaine de personnes. Il se définit comme un « chrétien normal tendant au protestantisme ». Après son arrestation par les autorités iraniennes, il aurait continué à entretenir des contacts avec des chrétiens. Faute de possibilités financières, il aurait quitté l’Iran seulement en 2012. Après son départ, les services secrets l’auraient cherché et auraient dit à son père qu’ils souhaitaient simplement l’interroger et qu’il n’y aurait aucun problème s’il revenait. Lors de son entretien personnel devant l’administration bulgare, M. Fathi a produit une lettre de Nejat TV, datée du 29 novembre 2012 ( 5 ).

3.

La demande de M. Fathi a été rejetée par décision du directeur de la DAB du 20 juin 2016 (ci-après la « décision de la DAB »). Dans cette décision, les déclarations de M. Fathi ont été considérées comme entachées de contradictions significatives et l’ensemble de son récit a été jugé invraisemblable. Le document émanant de Najat TV du 29 novembre 2012 a, par conséquent, été écarté comme faux. Le directeur de la DAB a, en particulier, tenu compte du fait que, depuis son arrestation en 2009 et jusqu’à son départ de l’Iran en 2012, M. Fathi n’aurait fait l’objet d’aucun acte de persécution. La décision de la DAB concluait à l’absence des conditions justifiant la reconnaissance du statut de réfugié au titre de l’article 8 du zakon za ubezhishteto i bezhantsite (loi sur l’asile et sur les réfugiés, ci-après le « ZUB ») ou du statut humanitaire, conformément à l’article 9 du ZUB ( 6 ).

4.

M. Fathi a introduit un recours contre la décision de la DAB devant la juridiction de renvoi, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Découle-t-il de l’article 3, paragraphe 1, du règlement [Dublin III], interprété en combinaison avec le considérant 12 et l’article 17 de ce même règlement, que cette disposition ne s’oppose pas à ce qu’un État membre adopte une décision constituant un examen d’une demande de protection internationale au sens de l’article 2, sous d), du règlement susmentionné introduite devant ledit État membre, sans qu’une décision expresse n’ait été adoptée sur la responsabilité de cet État membre conformément aux critères dudit règlement, lorsqu’aucun élément du cas d’espèce ne donne lieu à l’application de la dérogation de l’article 17 du règlement en question ?

2)

Découle-t-il de l’article 3, paragraphe 1, deuxième phrase du règlement [Dublin III], interprété en combinaison avec le considérant 54 de la directive 2013/32, que, dans des circonstances comme celles de l’affaire au principal, concernant une demande de protection internationale au sens de l’article 2, sous b), du règlement susmentionné, lorsqu’il n’y a pas lieu d’appliquer une dérogation au titre de l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement, l’adoption d’une décision par laquelle l’État membre s’engage à examiner la demande conformément aux critères de ce même règlement est exigée, cette décision se fondant sur la conclusion que les dispositions dudit règlement s’appliquent au demandeur ?

3)

L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 doit-il être interprété dans le sens que, dans une procédure de recours juridictionnel contre une décision de refus d’accorder la protection internationale, il incombe à la juridiction d’apprécier, conformément au considérant 54 de ladite directive, si les dispositions du règlement [Dublin III] s’appliquent au demandeur, lorsque l’État membre n’a pas adopté une décision expresse sur sa responsabilité pour statuer sur la demande de protection internationale conformément aux critères dudit règlement? Faut-il considérer, sur le fondement du considérant 54 de la directive 2013/32, qu’en l’absence d’éléments donnant lieu à l’application de l’article 17 du règlement [Dublin III], et lorsque la demande de protection internationale a été examinée par l’État membre qui en était saisi sur le fondement de la directive 2011/95, la situation juridique de la personne concernée relève du champ d’application du règlement susmentionné même lorsque ledit État membre n’a pas adopté une décision expresse sur sa responsabilité conformément aux critères dudit règlement ?

4)

Découle-t-il de l’article 10, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95 que, dans des circonstances comme celles de l’affaire au principal, on est en présence de motifs de persécution fondés sur la “religion”, lorsque le demandeur n’a pas présenté de déclaration ni de documents concernant tous les éléments compris dans la définition de la notion de religion au sens de cette disposition et qui revêtent une importance fondamentale pour l’appartenance de la personne concernée à une certaine religion ?

5)

Découle-t-il de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2011/95 que l’on est en présence de motifs de persécution fondés sur la religion, au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, lorsque, dans des circonstances comme celles de l’affaire au principal, le demandeur prétend être persécuté en raison de son appartenance religieuse, mais ne fournit aucune déclaration ni aucune preuve quant aux circonstances caractéristiques de l’appartenance d’une personne à une religion particulière et qui constitueraient une raison, pour l’acteur des persécutions, de supposer que la personne persécutée appartient à cette religion, circonstances parmi lesquelles figurent celles liées au fait d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir certains actes religieux et à l’expression de convictions religieuses, ou quant à des formes de comportements individuels ou sociaux basés sur des croyances religieuses ou imposés par ces croyances ?

6)

Découle-t-il de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/95, interprété en combinaison avec les articles 18 et 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la “Charte”], et de la notion de “religion” au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous b), de cette même directive que, dans des circonstances comme celles de l’affaire au principal :

a)

la notion de “religion” au sens du droit de l’Union exclut les agissements constituant des infractions selon le droit interne des États membres ? De tels agissements qui constituent des infractions dans le pays d’origine du demandeur peuvent-ils constituer des actes de persécution ?

b)

Dans le contexte de l’interdiction du prosélytisme et de...

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