Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 30 November 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:925
Date30 November 2017
Docket NumberC-5/16
Celex Number62016CC0005
CourtCourt of Justice (European Union)
62016CC0005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 30 novembre 2017 ( 1 )

Affaire C‑5/16

République de Pologne

contre

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Décision (UE) 2015/1814 – Détermination de la base juridique – Prise en compte des effets de l’acte – Article 192, paragraphe 1, TFUEArticle 192, paragraphe 2, sous c), TFUE – Notion d’“affectation sensible” du choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie – Notion d’“affectation sensible” de la structure générale de l’approvisionnement énergétique d’un État membre – Principe de coopération loyale – Article 15 TUE – Compétences du Conseil européen – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Principe de proportionnalité – Analyse d’impact »

Introduction

1.

Par sa requête, la République de Pologne demande à la Cour d’annuler la décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015, concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE (ci-après la « décision attaquée ») ( 2 ).

2.

La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, ( 3 ) a été adoptée sur la base de l’article 175, paragraphe 1, CE afin de contribuer à la réalisation des engagements internationaux de réduction des émissions anthropiques de gaz à effet de serre de l’Union et de ses États membres de manière plus efficace. Elle a été substantiellement modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 ( 4 ).

3.

Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SEQE) fonctionne depuis le 1er janvier 2005 et couvre 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. La directive 2003/87 distinguait initialement trois périodes d’échange des quotas : 2005-2007, 2008-2012 et 2013-2020. Alors que la directive 2003/87 mentionne le fait que l’Union s’est engagée à opérer, de 2008 à 2012, une réduction de 8 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux d’émission de l’année 1990 ( 5 ), la directive 2009/29 fait état de l’engagement du Conseil européen de réduire d’ici à l’année 2020 les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union « d’au moins 20 % par rapport à leurs niveaux de 1990, voire de 30 % pour autant que les autres pays développés s’engagent à atteindre des réductions d’émission comparables » ( 6 ).

4.

En dépit de l’intervention d’un certain nombre de décisions tendant à compléter les règles de fonctionnement du SEQE ou à les modifier ( 7 ), l’état du marché du carbone est resté préoccupant en raison d’un important excédent de quotas disponibles sur ce marché qui a entraîné un fort déséquilibre entre l’offre et la demande. Cette situation, décrite pour durer en cas d’inaction du législateur de l’Union dans le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état du marché du carbone (ci-après le « rapport de la Commission de 2012 ») ( 8 ), a incité ledit législateur à agir, ce qu’il fit en adoptant la décision attaquée.

Le cadre juridique

5.

La décision attaquée a été adoptée le 6 octobre 2015 sur le fondement de l’article 192, paragraphe 1, TFUE. Son article 1er est consacré à la réserve de stabilité du marché (ci-après la « RSM ») qu’elle entend mettre en place. Il est libellé comme suit :

« 1. Une [RSM] est créée en 2018 et le placement de quotas dans la réserve commence à compter du 1er janvier 2019.

2. La quantité de 900 millions de quotas déduits des volumes à mettre aux enchères pendant la période 2014-2016, fixée dans le règlement (UE) no 176/2014 conformément à l’article 10, paragraphe 4, de la directive [2003/87], n’est pas ajoutée aux volumes devant être mis aux enchères en 2019 et en 2020 mais elle est, au lieu de cela, placée dans la réserve.

3. Les quotas non alloués à des installations conformément à l’article 10 bis, paragraphe 7, de la directive [2003/87] et les quotas non alloués à des installations en raison de l’application de l’article 10 bis, paragraphes 19 et 20, de ladite directive sont placés dans la réserve en 2020. La Commission réexamine la directive [2003/87] en ce qui concerne ces quotas non alloués et, s’il y a lieu, présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.

[…]

5. Chaque année, un certain nombre de quotas égal à 12 % du nombre total de quotas en circulation […] est déduit du volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2003/87] et est placé dans la réserve sur une période de douze mois à compter du 1er septembre de l’année en question, à moins que le nombre de quotas à placer dans la réserve ne soit inférieur à 100 millions. […]

[…]

6. Si, une année, le nombre total de quotas en circulation est inférieur à 400 millions, 100 millions de quotas sont prélevés de la réserve et ajoutés au volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2003/87]. Lorsque moins de 100 millions de quotas se trouvent dans la réserve, la totalité des quotas de la réserve est prélevée au titre du présent paragraphe.

[…] »

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

6.

La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler la décision attaquée et condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.

7.

Le Parlement et le Conseil concluent chacun à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le recours et condamner la République de Pologne aux dépens.

8.

Le 1er juin 2016, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne ( 9 ), le Royaume d’Espagne, la République française ainsi que la Commission européenne ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil. Le même jour, le Royaume de Suède a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

9.

La République de Pologne, le Parlement , le Conseil ainsi que le Royaume d’Espagne, la République française et la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience devant la Cour qui s’est tenue le 11 juillet 2017.

Sur le recours

10.

La République de Pologne soulève cinq moyens aux fins de l’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE au motif que la décision attaquée a été adoptée conformément à la procédure législative ordinaire alors qu’elle affecterait sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de coopération loyale et d’une violation des compétences du Conseil définies à l’article 15 TUE du fait de l’adoption de mesures qui seraient contraires aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime du fait de l’adoption de mesures qui interféreraient dans le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre pendant la durée de la période d’échange. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité du fait de l’adoption de mesures qui entraîneraient la réalisation d’objectifs plus élevés de réduction des émissions que ceux qui résultent des engagements internationaux de l’Union et qu’imposerait la directive 2003/87. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’obligation d’analyser dûment l’impact de la décision attaquée sur les différents États membres et d’une violation de l’obligation de présenter une évaluation suffisante de l’impact de sa mise en œuvre sur le marché des quotas d’émission.

Analyse

Sur le premier moyen tiré d’une violation de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE

Argumentation des parties

11.

En substance, la République de Pologne rappelle la lettre de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE pour en déduire que la décision attaquée aurait dû être adoptée sur ce fondement et, partant, la procédure législative spéciale aurait dû être suivie. Cette disposition prévoirait que les actes juridiques qui ont une importance fondamentale pour les États membres soient adoptés par le Conseil à l’unanimité, conférant ainsi un droit de veto auxdits États dont la République de Pologne aurait été privée. La requérante soutient que la décision attaquée affecterait sensiblement son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Elle rappelle que, en application de la jurisprudence de la Cour en matière de détermination de la base juridique et conformément au texte de l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE, c’est l’effet de la décision attaquée qui devrait être examiné afin de déterminer si sa base juridique est correcte. Pour qu’une affectation sensible soit caractérisée, et alors que le traité ne précise pas cette notion, la requérante avance qu’il faudrait prendre en compte le contexte énergétique global existant dans un État membre. La République de Pologne fait valoir qu’elle dépendrait à un niveau élevé des combustibles fossiles, que 83 % de son électricité proviendrait du charbon et du lignite, et qu’elle disposerait de réserves importantes de charbon, ce qui lui assurerait la perspective de produire à faible coût et, partant, sa...

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