Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 22 June 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:495
Docket NumberC-163/16
Celex Number62016CC0163
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 June 2017
<a href="https://eu.vlex.com/vid/opinion-of-advocate-general-838691605">62016CC0163</a>

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 22 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑163/16

Christian Louboutin,

Christian Louboutin SAS

contre

Van Haren Schoenen BV

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Marques – Directive 2008/95/CE – Motifs absolus de refus ou de nullité – Motifs applicables aux signes constitués par la forme du produit – Article 3, paragraphe 1, sous e), iii) – Signe constitué exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit – Champ d’application – Notion de “forme” du produit – Marque consistant en la couleur rouge appliquée sur la semelle d’une chaussure à talon haut »

Introduction

1.

La présente affaire préjudicielle offre à la Cour l’opportunité de préciser le champ d’application des motifs absolus de refus ou de nullité concernant les signes dits « fonctionnels », visés à l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 2008/95/CE ( 2 ).

2.

L’application de ces motifs est restreinte aux signes constitués exclusivement par la « forme du produit ». Il conviendra ainsi de préciser cette notion en relation avec la marque Benelux appartenant au créateur de mode français M. Christian Louboutin, consistant en la couleur rouge appliquée sur la semelle d’une chaussure à talon haut.

3.

La demande a été présentée dans le cadre d’une action en contrefaçon opposant M. Louboutin et la société Christian Louboutin SAS (ci-après, ensemble, « Louboutin ») à Van Haren Schoenen BV (ci-après « Van Haren ») au sujet de la commercialisation par cette dernière de chaussures à semelles rouges qui porteraient atteinte à la marque de Louboutin.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

4.

L’article 3 de la directive 2008/95, intitulé « Motifs de refus ou de nullité », dispose :

« 1. Sont refusés à l’enregistrement ou sont susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés :

[…]

e)

les signes constitués exclusivement :

i)

par la forme imposée par la nature même du produit,

ii)

par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique,

iii)

par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ;

[...] »

5.

La directive 2008/95 sera remplacée par la directive (UE) 2015/2436 ( 3 ), dont la date limite de transposition est prévue pour le 14 janvier 2019. L’article 4, paragraphe 1, sous e), iii), de cette directive se réfère aux signes constitués exclusivement « par la forme, ou une autre caractéristique [du produit] qui donne une valeur substantielle au produit» ( 4 ).

La convention Benelux

6.

Le droit des marques aux Pays-Bas est régi par la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), signée à La Haye le 25 février 2005 par le Royaume de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume des Pays-Bas (ci-après la « convention Benelux »).

7.

L’article 2.1 de la convention Benelux, intitulé « Signes susceptibles de constituer une marque Benelux », dispose notamment que, « [t]outefois, ne peuvent être considérés comme marques les signes constitués exclusivement par la forme qui est imposée par la nature même du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ou qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. »

8.

Il ressort de la décision de renvoi que ladite convention n’a pas encore été amendée aux fins de transposer la directive 2015/2436.

Le litige au principal

9.

M. Louboutin est un styliste qui crée notamment des chaussures à talons hauts pour femmes. Ces chaussures ont pour particularité d’avoir la semelle extérieure systématiquement revêtue de la couleur rouge.

10.

Le 28 décembre 2009, Louboutin a déposé une marque qui a donné lieu, le 6 janvier 2010, à l’enregistrement, pour des produits de la classe 25, à savoir des « chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques) », de la marque Benelux no 0874489 (ci-après la « marque litigieuse »). Le 10 avril 2013, l’enregistrement a fait l’objet d’une adaptation, consistant à limiter les produits visés aux « chaussures à talons hauts (à l’exception des chaussures orthopédiques) ».

11.

Cette marque est décrite comme consistant « en la couleur rouge (Pantone 18 1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque) ». Elle est reproduite ci-après :

Image

12.

Van Haren exploite aux Pays-Bas des commerces de détail de chaussures. Au cours de l’année 2012, Van Haren a vendu des chaussures pour femmes à talons hauts dont la semelle était revêtue de la couleur rouge.

13.

Louboutin a saisi le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) aux fins de faire constater la commission d’une contrefaçon par Van Haren, ce à quoi il lui a été fait droit.

14.

Contre ce jugement rendu par défaut, Van Haren a fait opposition sur le fondement de l’article 2.1, paragraphe 2, de la convention Benelux, en invoquant la nullité de la marque litigieuse.

15.

Dans la décision de renvoi, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) précise que la ligne de défense de Van Haren consiste à affirmer que la marque litigieuse est en réalité une marque bidimensionnelle, en l’occurrence la couleur rouge, qui, appliquée aux semelles des chaussures, correspond à la forme desdites chaussures et leur confère une valeur substantielle.

16.

La juridiction de renvoi considère que la marque en cause n’est pas une simple marque bidimensionnelle, dans la mesure où elle est indissociablement liée à une semelle de chaussure. Elle observe que, s’il est établi que la marque litigieuse correspond à un élément du produit, il demeure qu’il n’est pas évident que la notion de « forme », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, soit limitée aux seules caractéristiques tridimensionnelles d’un produit, telles que les contours, la dimension et le volume d’un produit, à l’exclusion des couleurs.

17.

À cet égard, selon cette juridiction, s’il était considéré que la notion de « forme » ne couvre pas les couleurs d’un produit, les motifs de refus visés audit article 3, paragraphe 1, sous e), seraient inapplicables, de sorte qu’une personne pourrait obtenir la protection perpétuelle pour des marques incorporant une couleur qui résulte d’une fonctionnalité du produit, par exemple des vêtements de sécurité réfléchissants ou encore des bouteilles revêtues d’un conditionnement isolant.

Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

18.

Dans ces conditions, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La notion de “forme” au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive [2008/95] est-elle limitée aux caractéristiques tridimensionnelles du produit, telles que les contours, la dimension et le volume (à exprimer en trois dimensions) dudit produit, ou cette disposition vise-t-elle également d’autres caractéristiques (non tridimensionnelles) du produit, telles que la couleur ? »

19.

La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 21 mars 2016. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, par les gouvernements allemand, hongrois, portugais et finlandais, ainsi que par la Commission européenne. Les parties au principal, le gouvernement allemand et la Commission ont participé à l’audience, qui s’est tenue le 6 avril 2017.

Analyse

Observations liminaires

20.

Le régime de protection des marques constitue, d’une part, un élément indispensable du système de concurrence que le droit de l’Union entend établir et maintenir. D’autre part, la marque enregistrée confère à son titulaire, pour des produits ou des services déterminés, un droit exclusif lui permettant de monopoliser le signe enregistré comme marque sans limitation dans le temps ( 5 ).

21.

Si, en général, ces deux considérations ne sont pas contradictoires, il en va autrement dans le cas des signes qui se confondent avec l’aspect du produit. En effet, l’enregistrement d’un tel signe en tant que marque peut restreindre la possibilité d’introduire des produits concurrents sur le marché ( 6 ).

22.

Cette prémisse sous-tend la réglementation spécifique, contenue dans l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la directive 2008/95, applicable aux signes constitués par la forme du produit.

23.

J’observe que ces considérations s’appliquent également, mutatis mutandis, à l’égard d’autres signes qui représentent un aspect du produit pour lequel l’enregistrement est demandé.

24.

Ainsi, la Cour a relevé que les signes constitués par des couleurs en elles-mêmes soulèvent en principe les mêmes objections quant au risque de monopolisation des caractéristiques utilitaires du produit. À cet égard, la nécessité d’une approche spécifique a été reconnue dans l’arrêt Libertel ( 7 ).

25.

Ces deux catégories de signes, à savoir, d’une part, ceux qui sont constitués par la forme du produit et, d’autre part, ceux constitués par une couleur elle-même, sont soumises à des régimes spécifiques dans le système de la directive 2008/95, telle qu’interprétée par la Cour. La réponse à la question posée par la juridiction de renvoi suppose donc de qualifier préalablement la marque litigieuse au...

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