Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 6 February 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:64
Docket NumberC-163/16
Celex Number62016CC0163(01)
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 June 2017
62016CC0163(01)

CONCLUSIONS COMPLÉMENTAIRES DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 6 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑163/16

Christian Louboutin,

Christian Louboutin SAS

contre

Van Haren Schoenen BV

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas)]

« Réouverture de la procédure orale – Renvoi préjudiciel – Marques – Refus d’enregistrement ou nullité – Forme – Notion – Caractéristiques tridimensionnelles des produits – Couleur »

I. Introduction

1.

Dans la présente affaire, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) invite la Cour à se prononcer sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95/CE ( 2 ).

2.

Le 28 février 2017, la Cour a décidé de renvoyer l’affaire devant la neuvième chambre. Une audience a eu lieu le 6 avril 2017. Le 22 juin 2017, j’ai présenté mes premières conclusions dans cette affaire.

3.

La neuvième chambre a décidé, le 13 septembre 2017, en application de l’article 60, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, de renvoyer l’affaire devant la Cour aux fins de sa réattribution à une formation de jugement plus importante. Par la suite, la Cour a réattribué l’affaire à la grande chambre.

4.

Par son ordonnance du 12 octobre 2017, Louboutin et Christian Louboutin (C‑163/16, non publiée, EU:C:2017:765), la Cour a décidé de la réouverture de la procédure orale et a invité les intéressés à participer à une nouvelle audience.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

L’article 3 de la directive 2008/95, intitulé « Motifs de refus ou de nullité », dispose en son paragraphe 1, sous b), et sous e), iii) :

« 1. Sont refusés à l’enregistrement ou sont susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés :

[…]

b)

les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

[…]

e)

les signes constitués exclusivement :

[...]

iii)

par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ;

[...] »

B. La convention Benelux

6.

Le droit des marques aux Pays-Bas est régi par la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), signée à La Haye le 25 février 2005 par le Royaume de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume des Pays-Bas (ci-après la « convention Benelux »).

7.

L’article 2.1 de la convention Benelux, intitulé « Signes susceptibles de constituer une marque Benelux », dispose notamment que, « [t]outefois, ne peuvent être considérés comme marques les signes constitués exclusivement par la forme qui est imposée par la nature même du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ou qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ».

III. La procédure devant la Cour

8.

En réponse à l’invitation adressée aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, M. Christian Louboutin et la société Louboutin SAS (ci-après, ensemble, « Louboutin »), Van Haren Schoenen BV (ci-après « Van Haren »), les gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission européenne, ont présenté leurs observations lors de l’audience qui s’est tenue le 14 novembre 2017 ( 3 ). C’est à ce stade de la procédure que les intéressés ont eu une seconde possibilité de présenter leurs observations orales sur la question préjudicielle, formulée de la manière suivante : « [l]a notion de “forme” au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive [2008/95] est-elle limitée aux caractéristiques tridimensionnelles du produit, telles que les contours, la dimension et le volume (à exprimer en trois dimensions) dudit produit, ou cette disposition vise-t-elle également d’autres caractéristiques (non tridimensionnelles) du produit, telles que la couleur ? »

IV. Analyse

A. Rappel de l’interprétation proposée dans mes premières conclusions et objet des présentes conclusions

9.

Dans mes premières conclusions, j’ai effectué une analyse qui m’a conduit à considérer qu’un signe qui combine la couleur et la forme est susceptible d’être frappé par l’interdiction visée à l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 ( 4 ).

10.

J’ai par conséquent proposé à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi que l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 doit être interprété en ce sens que cette disposition est susceptible de s’appliquer à un signe constitué par la forme du produit et qui revendique la protection pour une couleur déterminée.

11.

Aux points 28 à 41 de mes premières conclusions, à titre subsidiaire, j’ai présenté mes réflexions sur la qualification de la marque litigieuse. J’ai constaté que la marque litigieuse devrait être assimilée à un signe constitué par la forme du produit et qui revendique la protection pour une couleur en relation avec cette forme, plutôt qu’à une marque constituée par une couleur en elle-même.

12.

Toutefois, comme je l’avais déjà signalé au point 31 de mes premières conclusions, j’estime que la qualification de la marque litigieuse constitue une appréciation factuelle qui incombe en l’espèce à la juridiction de renvoi.

13.

Il en va de même en ce qui concerne la réponse à donner à la question de savoir si la couleur rouge de la semelle donne une valeur substantielle au produit. Il me semble que la position de la juridiction de renvoi est claire sur ce point et qu’elle part de la prémisse selon laquelle il faut répondre par l’affirmative à cette question.

14.

Néanmoins, aux points 70 à 72 de mes premières conclusions, j’ai indiqué dans ma proposition de réponse à la question préjudicielle que l’analyse qui vise à établir s’il s’agit d’une forme qui donne une valeur substantielle au produit au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 – et, dès lors, si cette disposition s’applique ou non en l’espèce – porte exclusivement sur la valeur intrinsèque de la forme et ne doit pas tenir compte de l’attrait exercé par le produit découlant de la réputation de cette marque ou de son titulaire. En partant de cette prémisse, j’ai formulé la seconde partie de ma proposition de réponse à la question préjudicielle comme suit : « La notion d’une forme qui “donne une valeur substantielle” au produit, au sens de cette disposition, concerne exclusivement la valeur intrinsèque de la forme et ne permet pas de tenir compte de la réputation de la marque ou de son titulaire. »

15.

J’aborderai dans les présentes conclusions les aspects visés lors de l’audience du 14 novembre 2017, de sorte que l’analyse figurant dans mes premières conclusions sera complétée par des considérations sur les différents points de vue des intéressés.

16.

Dans cet esprit, je développerai tout d’abord mes considérations portant sur la qualification de la marque litigieuse eu égard aux positions présentées par les intéressés lors de l’audience du 14 novembre 2017. J’examinerai ensuite l’incidence du règlement d’exécution (UE) 2017/1431 ( 5 ), qui porte notamment sur la notion de « marque de position », sur l’analyse de mes premières conclusions concernant la qualification de la marque litigieuse. Puis je formulerai des remarques complémentaires portant sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95, dans le contexte, d’une part, de la relation entre cette directive et la directive (UE) 2015/2436 ( 6 ) et, d’autre part, de la ratio de l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95. Enfin, j’envisagerai les conséquences de la solution que j’avais désapprouvée dans mes premières conclusions, mais qui a été favorisée par plusieurs intéressés lors de la dernière audience, selon laquelle l’intérêt de maintenir dans le domaine public certaines caractéristiques des produits peut être pris en considération dans le cadre du contrôle du caractère distinctif.

B. Considérations complémentaires sur la qualification de la marque litigieuse

17.

Dans mes premières conclusions, comme je viens de le rappeler brièvement précédemment, j’étais enclin à qualifier la marque litigieuse de signe constitué par la forme du produit et qui revendique la protection pour une couleur en relation avec cette forme, plutôt que de marque de couleur ( 7 ).

18.

Après avoir entendu les intéressés lors de l’audience du 14 novembre 2017, je suis encore moins enclin à qualifier la marque litigieuse de marque constituée par une couleur en elle-même.

19.

En réponse à une question de la Cour posée lors de l’audience du 14 novembre 2017, Louboutin s’est prononcé en ce sens que la marque litigieuse est un signe qui pourrait être décrit de la manière suivante : d’une part, la semelle est délimitée dans l’espace par des lignes qui permettent de la dessiner, et cela est délimité par la couleur rouge et, d’autre part, la semelle a une forme qui correspond à la délimitation dans l’espace de la couleur rouge. Ainsi, selon le titulaire de la marque litigieuse, c’est la couleur qui délimite la forme et – ce qui me semble une conséquence naturelle de ce premier constat – cette forme correspond à la délimitation spatiale de la couleur.

20.

Dès lors, il me semble que, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une forme pleinement abstraite ou d’une forme dont l’importance est négligeable, ce qui permettrait de justifier le constat selon lequel la marque litigieuse revendique la protection pour une couleur déterminée en tant que telle...

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