Pedro Manuel Roca Álvarez v Sesa Start España ETT SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:254
Date06 May 2010
Celex Number62009CC0104
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-104/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 6 mai 2010 (1)

Affaire C‑104/09

Pedro Manuel Roca Álvarez

contre

Sesa Start España ETT SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Espagne)]

«Politique sociale – Égalité de traitement entre hommes et femmes – Congé d’allaitement»





Introduction

1. Le présent renvoi préjudiciel va permettre à la Cour de préciser sa jurisprudence en ce qui concerne l’interdiction de discrimination fondée sur le sexe.

2. Le droit espagnol prévoit pour les mères salariées un droit à une réduction de leur temps de travail quotidien au cours des neuf premiers mois suivant la naissance de leur enfant. Bien qu’il s’agisse selon la loi applicable d’un «congé d’allaitement», la jurisprudence espagnole l’accorde cependant également à des mères qui n’allaitent pas. Il y a lieu par conséquent déjà à ce stade d’indiquer que la notion de droit au congé d’allaitement peut induire en erreur puisque l’allaitement n’est précisément pas une condition d’octroi dudit congé. Si une travailleuse ne sollicite pas le bénéficie dudit congé, celui-ci peut être pris à la place de la mère par le père de l’enfant s’il est lui aussi salarié.

3. M. Roca Álvarez a sollicité de son employeur un congé de ce type. Celui‑ci lui a été refusé au motif que la mère de l’enfant est une travailleuse indépendante et n’a par conséquent aucun droit propre à un tel congé. M. Roca Álvarez n’a donc pour sa part aucun droit dérivé à un tel congé. Le droit espagnol ne connaît en effet pas de droit autonome du père salarié à l’octroi d’un tel congé. M. Roca Álvarez y voit une discrimination en raison de son sexe.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4. La directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail (2), détermine le cadre de la présente affaire en droit de l’Union.

1. La directive 76/207

5. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 76/207 dispose:

«La présente directive vise la mise en œuvre, dans les États membres, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail et, dans les conditions prévues au paragraphe 2, la sécurité sociale. Ce principe est dénommé ci-après ‘principe de l’égalité de traitement’».

6. L’article 2, paragraphes 1 et 3, de ladite directive prévoit:

«1. Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

[…]

3. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.»

7. L’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 précise:

«L’application du principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.»

2. La directive 96/34/CE

8. En complément, il y a lieu d’attirer l’attention sur la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (3).

9. Cette directive transpose l’accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995 entre les partenaires sociaux européens [Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), Centre européen de l’entreprise publique (CEEP) et Confédération européenne des syndicats (CES)]. L’accord-cadre est joint en annexe à ladite directive.

10. La clause 2, paragraphe 1, de l’accord-cadre dispose comme suit:

«1. En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou les partenaires sociaux.»

B – Le droit national

11. En Espagne, les relations de travail sont réglementées par le statut des travailleurs (Estatuto de los Trabajadores), dans sa nouvelle version approuvée par le décret législatif royal n°1/1995, du 24 mars 1995 (4) (ci-après le «statut des travailleurs»). Selon son article 1er, cette loi s’applique aux travailleurs qui prêtent volontairement leurs services contre rémunération pour le compte d’autrui dans le cadre de l’organisation et sous la direction d’une autre personne, physique ou morale, appelée l’employeur.

12. L’article 1er, paragraphe 3, du statut des travailleurs précise que tout travail effectué dans le cadre d’une relation distincte de celle définie à l’article 1er, paragraphe 1, est exclu de l’application du statut des travailleurs.

13. L’article 37, paragraphe 4, du statut des travailleurs, dans sa version en vigueur lors de l’introduction du recours selon la juridiction de renvoi, dispose:

«Les travailleuses ont droit à une heure d’absence du travail, qu’elles peuvent diviser en deux fractions, au titre de l’allaitement d’un enfant de moins de neuf mois. À cette même fin, la femme peut décider de remplacer ce droit par une réduction de sa journée de travail d’une demi-heure. Ce congé peut être pris indifféremment par la mère ou par le père dans le cas où tous deux travaillent.»

14. L’article 37 a été modifié par la loi n° 3/2007, du 22 mars 2007 (5). À la différence de la version plus ancienne, la version modifiée prévoit notamment que la travailleuse peut choisir de remplacer ce droit à une heure d’absence par une réduction de la journée de travail d’une demi-heure ou le cumuler sous forme de journées complètes, dans les termes prévus par la convention collective ou par l’accord conclu avec l’employeur dans le respect, le cas échéant, des dispositions de cette convention collective.

II – Les faits et la question préjudicielle

15. M. Roca Álvarez (ci-après le «demandeur») est employé de l’entreprise Sesa Start España ETT SA (ci-après l’«employeur»).

16. Le 7 mars 2005, il a sollicité de son employeur le bénéfice du congé rémunéré prévu à l’article 37, paragraphe 4, du statut des travailleurs. L’employeur a rejeté ladite demande. Il a justifié ce rejet en faisant valoir que l’épouse du demandeur exerçait une activité à titre indépendant et n’était par conséquent pas salariée. La qualité de salariée de la mère est cependant une condition indispensable du droit au congé demandé.

17. M. Roca Álvarez a formé un recours contre ladite décision. La juridiction saisie en première instance a considéré que le droit au congé d’allaitement était un droit exclusif de la mère, compte tenu du libellé de l’article en cause du statut des travailleurs qui débute par les termes «les travailleuses». Une autre condition est que la mère soit une travailleuse salariée car, dans le cas contraire, le statut des travailleurs n’est pas applicable. La juridiction saisie a par conséquent répondu négativement à la question du droit de M. Roca Álvarez à un congé, compte tenu du fait que son épouse a un statut de travailleuse indépendante. Puisque la mère n’a pas de droit, le père ne dispose pas non plus d’un droit dérivé.

18. Le demandeur a fait appel de cet arrêt devant le Tribunal Superior de Justicia de Galicia. Cette juridiction a jugé que le droit sollicité par le demandeur ne pourrait lui être reconnu que s’il était contraire au principe de l’égalité de traitement de ne l’accorder qu’à la mère.

19. C’est dans ce contexte que le Tribunal Superior de Justicia de Galicia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Une loi nationale (en l’occurrence l’article 37, paragraphe 4, du statut des travailleurs) qui octroie exclusivement aux mères qui travaillent en tant que salariées le droit à un congé d’allaitement payé, sous la forme d’une réduction de la journée de travail d’une demi-heure ou d’une absence du travail d’une heure divisible en deux fractions, sur la base du volontariat et à la charge de l’employeur, jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de neuf mois, et qui, par contre, n’accorde pas ce droit aux pères salariés porte-t-elle atteinte au principe d’égalité de traitement interdisant toute discrimination fondée sur le sexe, qui est reconnu par l’article 13 CE, la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976 ,relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement...

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