GS Media BV v Sanoma Media Netherlands BV and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:221
Date07 April 2016
Celex Number62015CC0160
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-160/15
62015CC0160

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 7 avril 2016 ( 1 )

Affaire C‑160/15

GS Media BV

contre

Sanoma Media Netherlands BV,

Playboy Enterprises International Inc.,

Britt Geertruida Dekker

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

«Renvoi préjudiciel — Droit d’auteur et droits voisins — Directive 2001/29/CE — Société de l’information — Article 3, paragraphe 1 — Communication au public — Site internet — Mise à la disposition du public d’hyperliens vers des œuvres librement accessibles sur un autre site Internet — Absence d’autorisation du titulaire»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle du 3 avril 2015 déposée au greffe de la Cour le 7 avril 2015 par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GS Media BV (ci-après «GS Media») à Sanoma Media Netherlands BV (ci-après «Sanoma»), à Playboy Enterprises International Inc. (ci-après «Playboy») et à Mme Dekker (ci-après, ensemble, «Sanoma e.a.»), au sujet notamment de la publication sur le site Internet GeenStijl.nl (ci-après «GeenStijl»), exploité par GS Media, d’hyperliens (ou «liens cliquables») vers d’autres sites permettant de visualiser des photographies piratées de Mme Dekker, réalisées pour la revue Playboy.

II – Le cadre juridique

3.

Les considérants 2 à 5, 9, 23 et 31 de la directive 2001/29 énoncent ce qui suit:

«(2)

Le Conseil européen [...] a souligné la nécessité de créer un cadre juridique général et souple au niveau de la Communauté pour favoriser le développement de la société de l’information en Europe. [...].

(3)

L’harmonisation envisagée contribuera à l’application des quatre libertés du marché intérieur et porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d’expression et de l’intérêt général.

(4)

Un cadre juridique harmonisé du droit d’auteur et des droits voisins, en améliorant la sécurité juridique et en assurant dans le même temps un niveau élevé de protection de la propriété intellectuelle, encouragera des investissements importants dans des activités créatrices et novatrices, notamment dans les infrastructures de réseaux, et favorisera ainsi la croissance et une compétitivité accrue de l’industrie européenne, et cela aussi bien dans le secteur de la fourniture de contenus que dans celui des technologies de l’information et, de façon plus générale, dans de nombreux secteurs industriels et culturels. [...]

(5)

L’évolution technologique a multiplié et diversifié les vecteurs de création, de production et d’exploitation. Si la protection de la propriété intellectuelle ne nécessite aucun concept nouveau, les règles actuelles en matière de droit d’auteur et de droits voisins devront être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l’apparition de nouvelles formes d’exploitation.

[...]

(9)

Toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l’intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. [...]

[...]

(23)

La présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion.

[...]

(31)

Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. Les exceptions et limitations actuelles aux droits, telles que prévues par les États membres, doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique. [...]»

4.

L’article 3 de cette directive dispose:

«1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[...]

3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article.»

5.

L’article 6 de ladite directive prévoit:

«1. Les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu’elle poursuit cet objectif.

[...]

3. Aux fins de la présente directive, on entend par ‘mesures techniques’, toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les œuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur prévu par la loi, ou du droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77, p. 20)]. Les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l’utilisation d’une œuvre protégée, ou celle d’un autre objet protégé, est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l’application d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’œuvre ou de l’objet protégé ou d’un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection.

[...]»

6.

L’article 8 de la même directive énonce:

«1. Les États membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l’application. Ces sanctions sont efficaces, proportionnées et dissuasives.

[...]

3. Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin.»

7.

L’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ( 3 ), intitulé «Hébergement», dispose:

«1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service à condition que:

a)

le prestataire n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n’ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente

ou

b)

le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle du prestataire.

3. Le présent article n’affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation et n’affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d’instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l’accès impossible.»

8.

L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle ( 4 ), dispose:

«Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive [2001/29]

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

9.

Sanoma, l’éditeur de la revue mensuelle Playboy, a commandé à un photographe, M. Hermès, la réalisation d’un reportage photographique sur Mme Dekker. Mme Dekker apparaît régulièrement dans des programmes télévisés aux Pays-Bas. Le photographe a donné à Sanoma mandat de le représenter afin d’assurer la protection et le respect de ses droits de propriété intellectuelle résultant de la mission en question.

10.

Le 27 octobre 2011, GS Media, qui...

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