Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 7 February 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:93
Docket NumberC-638/16
Celex Number62016CC0638
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Date07 February 2017
62016CC0638

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 7 février 2017 ( 1 )

Affaire C‑638/16 PPU

X,

X

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique)]

«Renvoi préjudiciel — Compétence de la Cour — Article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 810/2009 établissant un code communautaire des visas — Visa à validité territoriale limitée — Mise en œuvre du droit de l’Union — Délivrance d’un tel visa pour des raisons humanitaires ou pour honorer des obligations internationales — Notion d’“obligations internationales” — Convention de Genève sur le statut des réfugiés — Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Obligation pour les États membres de délivrer un visa humanitaire dans l’hypothèse d’un risque avéré d’une violation des articles 4 et/ou 18 de la charte des droits fondamentaux»

Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle, déférée par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique), porte sur l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 810/2009 du Parlement et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (ci-après le « code des visas ») ( 2 ) ainsi que des articles 4 et 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige qui oppose deux ressortissants syriens et leurs trois enfants en bas âge, qui résident à Alep (Syrie), à l’État belge au sujet du refus de ce dernier de leur délivrer un visa à validité territoriale limitée, au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du code des visas, sollicité pour des raisons humanitaires.

3.

Comme je le démontrerai dans les présentes conclusions, en dépit des objections avancées par les gouvernements ayant participé à l’audience du 30 janvier 2017 ainsi que de celles de la Commission européenne, cette affaire, d’une part, offre à la Cour l’occasion de préciser qu’un État membre met en œuvre le droit de l’Union lorsqu’il adopte une décision à l’égard d’une demande de visa à validité territoriale limitée, ce qui, partant, lui impose d’assurer le respect des droits garantis par la Charte. D’autre part, la présente affaire doit, selon mon analyse, conduire la Cour à affirmer que le respect de ces droits, tout particulièrement de celui consacré à l’article 4 de la Charte, implique l’existence d’une obligation positive dans le chef des États membres, qui doit les amener à délivrer un visa à validité territoriale limitée lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le refus de procéder à la délivrance de ce document conduira à la conséquence directe d’exposer des personnes en quête de protection internationale à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants prohibés par cet article.

4.

Il est, à mes yeux, crucial que, à l’heure où les frontières se ferment et où les murs s’érigent, les États membres ne fuient pas leurs responsabilités, telles qu’elles découlent du droit de l’Union ou, permettez-moi l’expression, du droit de leur et de notre Union.

5.

Avec des accents particulièrement alarmistes, le gouvernement tchèque a, lors de l’audience, mis en garde la Cour devant les conséquences « fatales » pour l’Union qui résulteraient d’un arrêt allant dans le sens d’obliger les États membres à délivrer des visas humanitaires en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du code des visas.

6.

Bien que l’Union vive des moments difficiles, je ne partage pas cette crainte. C’est, au contraire, comme dans l’affaire au principal, le refus de reconnaître une voie légale d’accès au droit à la protection internationale sur le territoire des États membres ‐ qui précipite malheureusement souvent les ressortissants de pays tiers en quête d’une telle protection à rejoindre, au péril de leur vie, le flux actuel des immigrés illégaux aux portes de l’Union ‐ qui me paraît particulièrement préoccupant, au vu, notamment, des valeurs humanitaires et de respect des droits de l’homme sur lesquelles repose la construction européenne. Faut-il rappeler que, comme l’affirment respectivement les articles 2 et 3 du traité UE, l’Union « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine […] ainsi que de respect des droits de l’homme » et a « pour but de promouvoir […] ses valeurs », y compris dans ses relations avec le reste du monde ?

7.

À ce propos, il est attristant de constater que, malgré la longueur et le caractère répétitif des interventions des représentants des quatorze gouvernements s’étant succédé à la barre au cours de l’audience du 30 janvier 2017, aucun d’entre eux n’a rappelé ces valeurs face à la situation dans laquelle sont plongés les requérants au principal et qui a conduit la Cour à enclencher la procédure d’urgence.

8.

Comme je le démontrerai dans la suite des présentes conclusions, contrairement à ce qu’un certain nombre de gouvernements a suggéré lors de l’audience devant la Cour, il est inutile d’attendre une hypothétique modification du code des visas pour reconnaître une voie légale d’accès au droit à la protection internationale, qui ferait suite aux amendements présentés par le Parlement européen à la proposition actuellement en cours de discussion ( 3 ).

9.

En effet, cette voie légale existe déjà, à savoir celle de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du code des visas, comme l’a d’ailleurs admis le rapporteur de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement ( 4 ). Pour les raisons qui seront exposées dans mon analyse ci-après, j’invite la Cour à constater l’existence d’une telle voie légale qui se matérialise par l’obligation de délivrer des visas humanitaires, au titre de l’article 25, paragraphe 1, sous a), du code des visas, dans certaines conditions.

Le cadre juridique

Le droit international

10.

L’article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), intitulé « Obligation de respecter les droits de l’homme », prévoit que les « Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention ».

11.

L’article 3 de la CEDH, intitulé « Interdiction de la torture », dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

12.

L’article 1er, titre A, paragraphe 2, de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, telle que modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 (ci-après la « convention de Genève »), dispose notamment qu’est réfugiée toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

13.

L’article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève prévoit qu’aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Le droit de l’Union

La Charte

14.

L’article 1er de la Charte indique que la dignité humaine est inviolable et doit être respectée et protégée.

15.

L’article 2, paragraphe 1, de la Charte dispose que toute personne a droit à la vie.

16.

L’article 3, paragraphe 1, de la Charte énonce que toute personne a droit à son intégrité physique et mentale.

17.

L’article 4 de la Charte dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

18.

L’article 18 de la Charte prévoit que le droit d’asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

19.

L’article 24, paragraphe 2, de la Charte indique que, dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

20.

L’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les dispositions de la Charte s’adressent aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

21.

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte énonce que, dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

Le droit dérivé

22.

Le considérant 29 du code des visas énonce que ce code respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus notamment par la CEDH et par la Charte.

23.

L’article 1er, paragraphe 1, du code des visas dispose que ce code fixe les procédures et les...

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