Inuit Tapiriit Kanatami and Others v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:190
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-398/13
Date19 March 2015
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62013CC0398
62013CC0398

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 19 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑398/13 P

Inuit Tapiriit Kanatami e.a.

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Règlement (UE) no 737/2010 — Règlement (CE) no 1007/2009 — Commerce de produits dérivés du phoque — Interdiction de mise sur le marché dans l’Union européenne — Dérogations pour des communautés inuites — Choix de la base juridique adéquate — Compétence générale d’harmonisation dans le marché intérieur (article 95 CE) — Droits fondamentaux — Droit international — Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones»

I – Introduction

1.

En 2009, le législateur de l’Union pouvait‑il se baser sur l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE) pour instituer une quasi‑interdiction de la mise sur le marché de produits dérivés du phoque dans le marché intérieur? C’est en substance la question que doit examiner la Cour dans le cadre du présent pourvoi.

2.

Il n’est pas nécessaire de souligner à quel point sont sensibles les questions juridiques liées à l’interprétation et à l’application de l’article 95 CE pour délimiter les compétences de l’Union européenne et des États membres ( 2 ). Outre l’étendue de cette compétence générale d’harmonisation dans le marché intérieur, la présente affaire soulève aussi des problèmes dans le domaine des droits fondamentaux de l’Union. De surcroît, il s’agit d’examiner quels effets il convient de prêter à une déclaration de l’Assemblée générale des Nations unies.

3.

C’est déjà la deuxième fois que l’Inuit Tapiriit Kanatami, en tant que représentant des intérêts des Inuits ( 3 ) canadiens, ainsi que d’autres parties, surtout des fabricants ou des négociants de produits dérivés du phoque (ci‑après les «requérants»), portent ces questions devant les juridictions de l’Union. Comme ils ne pouvaient pas introduire de recours direct contre le règlement de base du Parlement et du Conseil ( 4 ), à défaut de qualité pour agir ( 5 ), ils attaquent maintenant le règlement de mise en œuvre de la Commission ( 6 ) et invoquent à titre incident (conformément à l’article 277 TFUE) l’illégalité du règlement de base.

4.

Cette fois non plus, les requérants n’ont pas obtenu gain de cause en première instance. Le Tribunal a rejeté comme non fondé leur recours en annulation par un arrêt du 25 avril 2013 ( 7 ). C’est cet arrêt qu’ils attaquent par le présent pourvoi.

II – Cadre juridique

A – Le droit de l’Union

5.

Les dispositions du droit de l’Union concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque figurent, d’une part, dans le règlement de base que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté en 2009 et, d’autre part, dans le règlement de mise en œuvre que la Commission européenne a adopté en 2010. Si le recours est dirigé, formellement, contre le règlement de mise en œuvre, sur le fond, les attaques concernent exclusivement la légalité du règlement de base.

1. Le règlement de base

6.

L’objet du règlement de base est défini à son article 1er dans les termes suivants:

«Le présent règlement établit des règles harmonisées concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque.»

7.

L’article 3 du règlement de base définit les «conditions de mise sur le marché» des produits dérivés du phoque:

«1. La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour les produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance. Ces conditions s’appliquent au moment ou au point d’importation pour les produits importés.

2. Par dérogation au paragraphe 1:

a)

l’importation de produits dérivés du phoque est autorisée lorsqu’elle présente un caractère occasionnel et concerne exclusivement des marchandises destinées à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont importées à des fins commerciales;

b)

la mise sur le marché de produits dérivés du phoque est également autorisée lorsqu’ils résultent d’une chasse réglementée par la législation nationale et pratiquée dans le seul objectif d’une gestion durable des ressources marines. Cette mise sur le marché est uniquement autorisée dans un but non lucratif. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont mises sur le marché à des fins commerciales.

L’application du présent paragraphe ne compromet pas la réalisation de l’objectif du présent règlement.

3. La Commission publie, conformément à la procédure de gestion visée à l’article 5, paragraphe 2, des notes techniques explicatives établissant une liste indicative des codes de la nomenclature combinée susceptibles de concerner les produits dérivés du phoque soumis au présent article.

4. Sans préjudice du paragraphe 3, les mesures relatives à la mise en œuvre du présent article, qui visent à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle […]»

8.

La notion d’«Inuit» est définie comme suit à l’article 2, point 4, du règlement de mise en œuvre:

«les membres indigènes du territoire inuit, à savoir les régions arctiques et subarctiques dans lesquelles les Inuits possèdent actuellement ou traditionnellement des droits et des intérêts aborigènes, reconnus comme faisant partie de la population inuite et comprenant les groupes suivants: Inupiat, Yupik (Alaska), Inuit, Inuvialuit (Canada), Kalaallit (Groenland) et Yupik (Russie)».

9.

En outre, il convient de citer le considérant 14 du règlement de base:

«Il importe que les intérêts économiques et sociaux fondamentaux des communautés inuites pratiquant la chasse aux phoques à des fins de subsistance ne soient pas compromis. Cette chasse fait partie intégrante de la culture et de l’identité des membres de la société inuite et, en tant que telle, elle est reconnue par la déclaration des Nations unies relative aux droits des peuples indigènes. C’est pourquoi la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de ces formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance devrait être autorisée.»

2. Le règlement de mise en œuvre

10.

Le 10 août 2010, la Commission a adopté des dispositions de mise en œuvre sur le commerce des produits dérivés du phoque sous la forme du règlement de mise en œuvre, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base.

11.

L’article 1er du règlement de mise en œuvre dispose ce qui suit:

«Le présent règlement fixe les modalités de mise sur le marché de produits dérivés du phoque, en application de l’article 3 du règlement (CE) no 1007/2009.»

12.

L’article 3 du règlement de mise en œuvre fixe les conditions auxquelles des produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes peuvent être mis sur le marché.

13.

L’article 4 du règlement de mise en œuvre précise à quelles conditions des produits dérivés du phoque destinés à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille peuvent être importés.

14.

Enfin, l’article 5 du règlement de mise en œuvre énonce les conditions auxquelles les produits dérivés du phoque issus de la gestion des ressources marines peuvent être mis sur le marché.

B – Les résolutions des Nations unies

15.

L’Assemblée générale des Nations unies, avec la résolution 61/295, adoptée lors de sa 107e séance plénière le 13 septembre 2007, a proclamé solennellement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (ci‑après la «DNUDPA»).

16.

L’article 19 de la DNUDPA est libellé comme suit:

«Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.»

17.

Il ressort du dernier considérant de son préambule que cette déclaration a été proclamée comme «un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel» ( 8 ).

III – Procédure devant la Cour

18.

Par une requête du 8 juillet 2013, les requérants ont introduit conjointement le présent pourvoi. Ils concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt du Tribunal faisant l’objet du pourvoi, déclarer le règlement no 1007/2009 illégal et inapplicable conformément à l’article 277 TFUE et annuler le règlement no 737/2010 conformément à l’article 263 TFUE si la Cour devait considérer que sont réunis tous les éléments requis pour statuer sur le fond du recours en annulation du règlement attaqué;

à titre subsidiaire, annuler l’arrêt faisant l’objet du pourvoi et renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

condamner la Commission aux dépens des requérants.

19.

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le pourvoi; et

condamner solidairement les requérants aux dépens.

20.

De son côté, le Parlement, qui, en première instance, était intervenu au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise à la...

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