A.G.M.-COS.MET Srl v Suomen valtio and Tarmo Lehtinen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:693
Docket NumberC-470/03
Celex Number62003CC0470
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 November 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 novembre 2005 1(1)

Affaire C-470/03

AGM-COS.MET Srl

contre

Suomen valtio (État finlandais)

et

Tarmo Lehtinen

[demande de décision préjudicielle formée par le Tampereen käräjäoikeus (Finlande)]

«Directive 98/37/CE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines – Machines portant le marquage CE non conformes à une norme harmonisée – Article 28 CE – Mesures d’effet équivalent – Mises en garde publiques d’un fonctionnaire de l’État contre des élévateurs de véhicules importés d’un autre État membre – Imputabilité du comportement d’un fonctionnaire à l’État – Liberté d’expression des fonctionnaires – Proportionnalité – Responsabilité de l’État – Responsabilité des fonctionnaires»





I – Introduction

1. Le Tampereen käräjäoikeus (Finlande) a saisi la Cour d’une affaire complexe qui, à partir de l’interprétation d’une directive sur la sécurité des machines, soulève principalement des questions relatives à la responsabilité de l’État du fait des agissements de ses fonctionnaires, aux entraves à la libre circulation des marchandises dues à l’expression d’opinions et, enfin, à la responsabilité de l’État.

2. Ces questions se posent dans le cadre d’un litige opposant l’entreprise italienne AGM-COS.MET Srl (ci-après «AGM»), qui fabrique des ponts élévateurs pour véhicules, à l’État finlandais et à l’un de ses fonctionnaires, M. Tarmo Lehtinen. AGM réclame à l’État finlandais et à M. Lehtinen des dommages et intérêts pour pertes de chiffre d’affaires qu’elle impute aux déclarations publiques de M. Lehtinen, dans lesquelles ce dernier a qualifié les élévateurs d’AGM de contraires à la norme et dangereux. Le gouvernement finlandais lui oppose que M. Lehtinen a délibérément agi à l’encontre de la position officielle de son ministère, et que le ministère l’a clairement souligné en public. M. Lehtinen estime, notamment, que ses opinions relèvent de la liberté d’expression.

3. Dans ce contexte, le Tampereen käräjäoikeus a soumis à la Cour un catalogue détaillé de questions, qui peut être subdivisé en trois ensembles de questions: la juridiction de renvoi demande en premier lieu à la Cour, pour statuer sur la conformité des élévateurs en cause avec la norme, d’interpréter la directive sur la sécurité des machines; elle demande en deuxième lieu si les opinions exprimées en public par M. Lehtinen peuvent être considérées comme des entraves à la libre circulation des marchandises et une violation de la loyauté communautaire imputables à l’État, et dans quelle mesure celles-ci peuvent, le cas échéant, être justifiées par la liberté d’opinion et par l’objectif de la protection de la santé. Dans l’hypothèse où il serait porté atteinte aux articles 28 CE et 30 CE ou 10 CE, le Tampereen käräjäoikeus demande en troisième lieu à être éclairé sur le point de savoir si les conditions d’une responsabilité de l’État fondée sur le droit communautaire sont réunies, si le droit communautaire exige aussi une réparation du fonctionnaire qui a agi, et dans quelle mesure les conditions requises pour la mise en œuvre d’une telle responsabilité exigent, le cas échéant, une interprétation du droit finlandais conforme au droit communautaire.

II – Cadre juridique

4. Le cadre juridique de l’affaire est constitué par les articles 10 CE, 28 CE et 30 CE, ainsi que par la directive 98/37/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines (2) (ci-après, également, la «directive»), et par la norme harmonisée EN 1493: 1998.

1. La directive 98/37

5. Afin d’éliminer les entraves aux échanges dues aux dispositions nationales en matière de sécurité et de santé et de prévenir les accidents provoqués par les machines, la Communauté a adopté la directive 98/37. Celle-ci établit les exigences impératives et essentielles de sécurité et de santé relatives aux machines et à leurs composants de sécurité, et prévoit une procédure d’évaluation et de déclaration de la conformité avec ces règles. La conformité est attestée par un marquage «CE».

6. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive, les États membres

«prennent toutes les mesures utiles pour que les machines […] auxquel[le]s s’applique la présente directive ne puissent être mis[es] sur le marché et mis[es] en service que [si elles] ne compromettent pas la sécurité et la santé des personnes […] lorsqu’[elles] sont installé[e]s et entretenu[e]s convenablement et utilisé[e]s conformément à leur destination».

7. Selon son article 2, paragraphe 2, la directive

«n’affecte pas la faculté des États membres de prescrire, dans le respect du traité, les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection des personnes, et en particulier des travailleurs, lors de l’utilisation des machines […], pour autant que cela n’implique pas de modifications de ces machines […] par rapport à la présente directive.»

8. L’article 3 de la directive dispose:

«Les machines […] auxquel[le]s s’applique la présente directive doivent satisfaire aux exigences essentielles de sécurité et de santé énoncées à l’annexe I.»

9. L’article 4, paragraphe 1, de la directive stipule:

«Les États membres ne peuvent pas interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché et la mise en service sur leur territoire des machines […] qui satisfont à la présente directive.»

10. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive, les États membres

«considèrent comme conformes à l’ensemble des dispositions de la présente directive, y compris les procédures d’évaluation de la conformité prévues au chapitre II [, …] les machines qui sont munies du marquage ‘CE’ et accompagnées de la déclaration ‘CE’ de conformité visée à l’annexe II, point A».

11. Toutefois, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive:

«Lorsqu’un État membre constate que […] des machines munies du marquage ‘CE’, utilisé[e]s conformément à leur destination, risquent de compromettre la sécurité des personnes […] ou des biens, il prend toutes les mesures utiles pour retirer les machines […] du marché, interdire leur mise sur le marché et leur mise en service ou restreindre leur libre circulation.

L’État membre informe immédiatement la Commission d’une telle mesure et indique les raisons de sa décision, en particulier si la non-conformité résulte:

a) du non-respect des exigences essentielles visées à l’article 3;

b) d’une mauvaise application des normes visées à l’article 5, paragraphe 2;

c) d’une lacune des normes visées à l’article 5, paragraphe 2, elles-mêmes.»

12. Les articles 8 et 9 de la directive prévoient des règles détaillées quant à la procédure de constatation de la conformité d’une machine avec les exigences de sécurité de la directive, et son article 10 les modalités du marquage de conformité au moyen des deux lettres «CE».

13. Selon l’annexe I, remarque préliminaire 1, de la directive, «[l]es obligations prévues par les exigences essentielles de sécurité et de santé ne s’appliquent que lorsque le risque correspondant existe pour la machine considérée lorsqu’elle est utilisée dans les conditions prévues par le fabricant. En tout état de cause, les exigences 1.1.2 […] et 1.7.4 s’appliquent à l’ensemble des machines couvertes par la présente directive».

14. Les exigences 1.1.2, relatives aux «Principes d’intégration de la sécurité», sont notamment libellées dans les termes suivants:

«a) Les machines doivent par construction être aptes à assurer leur fonction, à être réglées et entretenues sans que les personnes soient exposées à un risque lorsque ces opérations sont effectuées dans les conditions prévues par le fabricant.

Les mesures prises doivent avoir pour objectif de supprimer les risques d’accidents durant la durée d’existence prévisible de la machine, y compris les phases de montage et de démontage, même dans le cas où les risques d’accidents résultent de situations anormales prévisibles.

b) En choisissant les solutions les plus adéquates, le fabricant doit appliquer les principes suivants, dans l’ordre indiqué:

– éliminer ou réduire les risques dans toute la mesure du possible (intégration de la sécurité à la conception et à la construction de la machine),

– prendre les mesures de protection nécessaires vis-à-vis des risques ne pouvant être éliminés,

– informer les utilisateurs des risques résiduels dus à l’efficacité incomplète des mesures de protection adoptées […].

c) Lors de la conception et de la construction de la machine et lors de la rédaction de la notice d’instructions, le fabricant doit envisager non seulement l’usage normal de la machine mais aussi l’usage de la machine qui peut être raisonnablement attendu.

La machine doit être conçue pour éviter qu’elle soit utilisée d’une façon anormale si un tel mode d’utilisation engendre un risque. Le cas échéant, la notice d’utilisation doit attirer l’attention de l’utilisateur sur les contre-indications d’emploi […] qui, d’après l’expérience, pourraient se présenter.

[…]»

15. Pour les opérations de levage en cas d’utilisation dans les conditions prévues par le fabricant, l’annexe I stipule, dans ses exigences 4.1.2.3 («Résistance mécanique»):

«Les machines […] doivent pouvoir résister aux contraintes auxquelles [elle]s sont soumis[es] en service […], dans les conditions […] d’exploitation prévues par le fabricant et dans toutes les configurations y relatives […].

Les machines doivent être conçues et construites pour supporter sans défaillance les épreuves dynamiques effectuées avec la charge maximale d’utilisation […].

Les épreuves dynamiques doivent être effectuées […] dans des conditions d’utilisation normales. Ces épreuves sont effectuées, en règle générale, avec les vitesses nominales définies par le fabricant. Au cas où le circuit de commande de la machine autorise plusieurs mouvements simultanés (par exemple...

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