Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:138
CourtCourt of Justice (European Union)
Date03 March 2005
Docket NumberC-174/04
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62004CC0174

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 mars 2005 (1)

Affaire C-174/04

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne

«Manquement au traité CE – Libre circulation des capitaux – Parts sociales d’entreprises privatisées des secteurs de l’électricité et du gaz naturel – Restrictions apportées aux droits de vote en cas d’acquisition de participations par des entreprises sous contrôle étatique»





I – Introduction

1. Dans cette affaire, la Commission des Communautés européennes reproche à la République italienne un manquement aux dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux. Le litige concerne une disposition législative italienne adoptée dans le cadre de la libéralisation des entreprises des secteurs de l’électricité et du gaz naturel. Selon cette disposition, les droits de vote des acquéreurs de participations dans les entreprises privatisées sont limités à 2 %, dans la mesure où ces acquéreurs sont, eux, contrôlés par un État, jouissent sur leur marché national d’une position dominante et ne sont pas cotés en bourse.

2. Les questions juridiques soulevées par cette procédure ont un lien étroit avec la problématique relative à ce qu’il est convenu d’appeler les «golden shares», dont la Cour a déjà eu à connaître à plusieurs reprises (2). Toutefois, à la différence des situations dont la Cour a connu précédemment, la disposition italienne litigieuse ne vise pas au premier titre à assurer, même après leur privatisation, l’influence particulière de l’État (italien) sur les entreprises nationales de fourniture d’énergie. Elle entend plutôt empêcher que des entreprises sous contrôle étatique acquièrent derechef une influence sur les entreprises des secteurs de l’électricité et du gaz naturel qui viennent précisément d’être privatisées. Ce qui apparaît sous-jacent, dans cette affaire, c’est la crainte suscitée par la possibilité qu’auraient les entreprises françaises Électricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF), toujours dominées par l’État français, de pénétrer sur le marché italien (3).

II – Cadre légal

A – Droit communautaire

3. L’article 56, paragraphe 1, CE énonce que «toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres sont […] interdites».

4. Pour sa défense, le gouvernement italien invoque un certain nombre de dispositions de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (4), dont nous citerons ci-après plusieurs extraits.

5. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/92 dispose:

«Les États membres, sur la base de leur organisation institutionnelle et dans le respect du principe de subsidiarité, veillent à ce que les entreprises d’électricité, sans préjudice du paragraphe 2, soient exploitées conformément aux principes de la présente directive, dans la perspective d’un marché de l’électricité concurrentiel et compétitif, et s’abstiennent de toute discrimination pour ce qui est des droits et des obligations de ces entreprises.»

6. L’article 19, paragraphe 5, de la directive 96/92 comporte ce qu’il est convenu d’appeler une clause de réciprocité:

«Pour éviter un déséquilibre dans l’ouverture des marchés de l’électricité durant la période visée à l’article 26:

a) des contrats pour la fourniture d’électricité conclus aux termes des dispositions des articles 17 et 18 avec un client éligible du réseau d’un autre État membre ne peuvent être interdits, si le client est considéré comme éligible dans les deux réseaux concernés;

b) dans les cas où les opérations visées au point a) sont refusées du fait que le client n’est éligible que dans l’un des deux réseaux, la Commission peut obliger, compte tenu de la situation du marché et de l’intérêt commun, la partie refusant à exécuter la fourniture d’électricité réclamée à la demande de l’État membre sur le territoire duquel le client éligible est établi.»

7. Enfin, l’article 22 de la directive 96/92 énonce ce qui suit:

«Les États membres créent des mécanismes appropriés et efficaces de régulation, de contrôle et de transparence afin d’éviter tout abus de position dominante, au détriment notamment des consommateurs, et tout comportement prédatoire. Ces mécanismes tiennent compte des dispositions du traité, et plus particulièrement de son article 86.»

8. La directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (5), à laquelle le gouvernement italien se réfère également, contient pour l’essentiel des dispositions de contenu identique.

B – Disposition italienne litigieuse

9. L’article 1er, premier et deuxième alinéas, du décret-loi n° 192, du 25 mai 2001, converti en loi n° 301 du 20 juillet 2001 (ci-après le «décret-loi n° 192/2001»), portant dispositions urgentes en vue de sauvegarder les processus de libéralisation et de privatisation de certains secteurs des services publics (6), dispose:

«Jusqu’à l’achèvement, au sein de l’Union européenne, d’un marché totalement ouvert à la concurrence dans les secteurs de l’électricité et du gaz, en vue de sauvegarder les processus de libéralisation et de privatisation en cours dans ces secteurs, l’octroi ou le transfert des mesures d’autorisation ou de concession prévues par les décrets législatifs n° 79 du 16 mars 1999 relatif à l’énergie électrique, et n° 164 du 23 mai 2000 relatif au marché intérieur du gaz naturel s’opèrent aux conditions visées au deuxième alinéa en ce qui concerne les personnes morales contrôlées directement ou indirectement par un État ou par d’autres pouvoirs publics, jouissant sur leur marché national d’une position dominante et non cotées sur des marchés financiers réglementés, qui acquièrent, directement ou indirectement, ou par l’intermédiaire d’un tiers, y compris au moyen d’une offre publique à terme ou de manière différée, des participations supérieures à deux pour cent du capital social de sociétés opérant dans les secteurs en cause, directement ou par l’intermédiaire de sociétés qu’elles contrôlent ou qui leur sont associées. La limite totale de deux pour cent s’applique à la personne morale elle-même et au groupe auquel elle appartient, soit la personne morale, même si elle ne prend pas la forme d’une société, exerçant le contrôle, les sociétés contrôlées et celles soumises à un contrôle conjoint, ainsi que les sociétés apparentées. La limite s’applique également aux personnes morales qui, directement ou indirectement, y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, de sociétés fiduciaires ou par l’entremise de tiers, sont parties, y compris avec des tiers, à des accords relatifs à l’exercice du droit de vote ou à des accords ou des pactes entre actionnaires.

En cas de dépassement de la limite visée au premier alinéa, dès l’octroi ou le transfert des autorisations ou concessions qui y sont visées, le droit de vote attaché aux actions dépassant la limite est automatiquement suspendu et il n’en est pas tenu compte dans le quorum des assemblées délibératives. Les droits d’acquisition ou de souscription à terme ou différée ne peuvent pas non plus être exercés.»

III – Procédure précontentieuse et conclusions

10. Dans une lettre de mise en demeure du 23 octobre 2002, la Commission a indiqué que l’article 1er du décret-loi n° 192/2001 violait l’article 56 CE. Le gouvernement italien a répondu à la lettre de mise en demeure par une note du 12 mars 2003. Le gouvernement italien admettait dans cette note l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux, en relevant toutefois que ledit décret représentait l’unique instrument apte à assurer le respect de la libre concurrence.

11. Le 11 juillet 2003, la Commission a adressé un avis motivé à la République italienne. La Commission invitait la République italienne à mettre fin au manquement au traité CE dans un délai de deux mois. La République italienne n’a pas réagi à cet avis motivé. Le 13 avril 2004, la Commission a dès lors introduit un recours au titre de l’article 226 CE. Elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) constater que, en prévoyant, à l’article 1er du décret-loi n° 192/2001, la suspension automatique des droits de vote liés aux actions au-delà de la limite de 2 % du capital social de sociétés des secteurs de 1’électricité et du gaz dans la mesure où les propriétaires de ces actions sont des entreprises contrôlées par l’État, jouissent sur leur marché national d’une position dominante dans ces secteurs et ne sont pas cotées en bourse, la République italienne a restreint la libre circulation des capitaux et ainsi enfreint l’article 56 CE;

2) condamner la République italienne aux dépens de l’instance.

12. Il n’y a pas eu d’audience.

IV – Arguments des parties

13. Pour la Commission, la disposition litigieuse est contraire à la libre circulation des capitaux: en effet, l’article 56 CE ne prohibe pas seulement les discriminations, mais aussi toute autre restriction apportée à la circulation des capitaux. La Commission considère que la suspension des droits de vote, dès lors que les participations excèdent 2 %, rend moins attrayante l’acquisition de participations pour une catégorie particulière d’opérateurs, à savoir les entreprises sous contrôle étatique. L’acquéreur est mis dans l’impossibilité d’exercer, sur les décisions de l’entreprise, une influence correspondant à l’ampleur effective de sa participation.

14. Le gouvernement italien invoque en revanche les déséquilibres dans la mise en œuvre des directives 96/92 et 98/30, que la Commission et le Conseil de l’Union européenne ont eux-mêmes admis (7). Le gouvernement italien perçoit, par suite de la disparité du degré de...

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