Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 3 May 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:305
Date03 May 2018
Celex Number62017CC0153
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-153/17
62017CC0153

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 3 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑153/17

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

contre

Volkswagen Financial Services (UK) Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 168 et 173 – Déduction de la taxe payée en amont – Opérations de location-vente de véhicules – Biens et services utilisés à la fois pour des opérations imposables et pour des opérations exonérées – Naissance et étendue du droit à déduction – Prorata de déduction »

Introduction

1.

Les parties au principal s’affrontent au sujet du droit de la défenderesse à déduire la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en amont, payée sur les biens et les services utilisés pour les besoins de ses opérations de location-vente (« hire purchase ») ( 2 ).

2.

Dans le cadre de ce litige, les deux parties semblent avoir de très bons arguments pour étayer leurs points de vue. Cependant, j’ai l’impression qu’elles mènent ce débat sans voir ce que l’on appelle, selon une locution anglaise bien connue, « l’éléphant dans la pièce » (« elephant in the room »). Cet éléphant, c’est la qualification fiscale, à mon avis erronée, appliquée au Royaume-Uni aux contrats de location-vente.

3.

En effet, en vertu de la législation de cet État membre, de tels contrats sont traités comme deux opérations distinctes, l’une étant la livraison d’un véhicule taxée et l’autre une opération d’octroi de crédit exonérée. Étant donné que le prix du véhicule facturé au client doit obligatoirement être limité au prix d’achat exact de ce véhicule par le bailleur auprès du fournisseur, le montant de la TVA collectée en aval est aussi exactement identique à la TVA afférente audit véhicule payée en amont et déductible dans sa totalité au titre de cette livraison. Le reste des frais du bailleur, ainsi que sa marge bénéficiaire, sont en revanche couverts par les recettes de l’opération d’octroi de crédit qui est exonérée. La juridiction de renvoi nous interroge dès lors sur les modalités de déduction de la TVA en amont afférente aux frais généraux du bailleur, dans leur partie utilisée pour les besoins de l’opération taxée de livraison de véhicule, mais qui est en fait financée par les recettes provenant de l’opération d’octroi de crédit qui, étant exonérée, ne rapporte aucune TVA en aval.

4.

Il me semble cependant impossible de donner une réponse correcte à cette question sans aborder le problème de la décomposition des contrats de location-vente en deux opérations distinctes, dont je doute fortement qu’elle soit conforme au droit de l’Union de la TVA.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

5.

L’article 1er, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 3 ), dispose :

« Le principe du système commun de TVA est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

6.

L’article 73 de la directive 2006/112 dispose :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77 [ ( 4 )], la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

7.

En vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de cette directive :

« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[…]

b)

l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés ; »

8.

Conformément à l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ; »

9.

Enfin, aux termes de l’article 173, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive :

« 1. En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. »

10.

Les différentes méthodes de calcul de la proportion mentionnée à cette disposition (appelée « prorata de déduction ») sont régies par l’article 173, paragraphe 2, et l’article 174 de la directive 2006/112.

Le droit du Royaume-Uni

11.

Les dispositions de transposition en droit du Royaume-Uni de la directive 2006/112 se trouvent principalement dans la Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 sur la TVA) et dans le Value Added Tax Regulations 1995 (règlement de 1995 sur la TVA). Le droit à déduction de la TVA en amont est régi par l’article 26 de la loi de 1994 sur la TVA, ainsi que par les articles 101 et 102 du règlement de 1995 sur la TVA. Notamment, l’article 102 du règlement de 1995 sur la TVA permet aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration des impôts et des douanes, Royaume-Uni, ci-après l’« administration fiscale ») d’adopter une méthode spéciale pour déterminer le prorata de déduction de la TVA en amont pour les assujettis accomplissant à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées.

12.

L’article 31, paragraphe 1, de la loi de 1994 sur la TVA instaure une exonération pour les livraisons de biens et les prestations de services énumérées à l’annexe 9 de cette loi. Le groupe 5 concerne les services financiers, parmi lesquels se trouvent :

« 2. L’octroi d’une avance ou d’un crédit.

[…]

3. La fourniture d’un service de crédit avec un remboursement échelonné dans le temps dans un contrat de hire purchase, un contrat de vente conditionnelle ou un contrat de vente à crédit, service pour lequel des frais distincts sont facturés et communiqués au destinataire de la livraison de biens. »

Selon une note explicative contenue dans la même annexe, groupe 5 :

« Le point 2 comprend le service de crédit effectué par une personne en relation avec une livraison de biens ou une prestation de services effectuée par cette même personne, service pour lequel des frais distincts sont facturés et communiqués au destinataire de la prestation de services et de la livraison de biens. »

13.

Concernant les contrats de location-vente, ils seraient, en droit du Royaume-Uni, soumis à la Consumer Credit Act 1974 (loi de 1974 sur le crédit aux consommateurs). Selon la défenderesse au principal, la législation du Royaume-Uni oblige le bailleur, dans un contrat de location-vente de véhicule, à indiquer séparément au preneur le prix du véhicule, tel que payé par le bailleur pour l’achat de celui-ci. Tout autre montant facturé au preneur est considéré comme le prix du service d’octroi de crédit.

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14.

Volkswagen Financial Services (UK) Ltd (ci-après « VWFS ») est une société établie au Royaume-Uni, faisant partie du groupe allemand Volkswagen AG. Son activité s’étend, notamment, aux opérations de location-vente aux particuliers de véhicules des marques appartenant à ce groupe.

15.

Dans ce cadre, VWFS propose différents types de contrats qui peuvent aboutir à l’acquisition de la propriété du véhicule par le client ou consister simplement en la jouissance de celui-ci pendant une période donnée. Aux fins de ces prestations de location-vente, VWFS achète auprès des revendeurs les véhicules qu’elle met ensuite, en son nom propre, à la disposition des clients, auxquels elle fournit également certains services connexes. La contrepartie payée par le client dans le cadre d’un contrat de location-vente est divisée en deux parties : le prix du véhicule, qui est égal au prix payé par VWFS au revendeur, et le « prix du financement », qui comprend tous les autres frais et provisions ainsi qu’une marge bénéficiaire.

16.

Du point de vue de la TVA, ces contrats de location-vente sont traités comme deux opérations distinctes : une livraison de biens taxée et une opération d’octroi de crédit exonérée. Dans le cadre de l’opération de livraison de biens, seul le prix du véhicule, tel que payé par VWFS et facturé au client, est considéré comme contrepartie. Ce prix comprend donc la TVA, dont le montant est égal à celui payé par VWFS en amont sur l’acquisition du véhicule. Le reste des sommes perçues de la part du client ne comprend aucune TVA.

17.

La TVA en amont payée par VWFS sur l’acquisition des véhicules est entièrement déduite de la TVA en aval perçue auprès des clients. Le litige qui oppose VWFS à...

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