flyLAL-Lithuanian Airlines AS v Starptautiskā lidosta Rīga VAS and Air Baltic Corporation AS.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2046
Date03 July 2014
Celex Number62013CC0302
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-302/13
62013CC0302

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑302/13

AS flyLAL-Lithuanian Airlines, en liquidation

contre

VAS «Starptautiskā lidosta ‘Rīga’»

et

AS «Air Baltic Corporation»

[demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākās Tiesas Senāts (Lettonie)]

«Règlement (CE) no 44/2001 — Champ d’application — Notion de ‘matière civile et commerciale’ — Indemnisation pour violation du droit de la concurrence de l’Union — Reconnaissance de mesures provisoires et conservatoires — Ordre public»

I – Introduction

1.

La présente affaire donne à la Cour l’occasion, dans le cadre du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 2 ), de mettre en application deux notions juridiques fondamentales, à savoir celle de «matière civile et commerciale» et celle d’«ordre public».

2.

Dans ce contexte, d’une part, il se pose la question de savoir si la notion de «matière civile et commerciale» inclut des revendications en justice fondées sur des violations du droit de la concurrence et visant des entreprises dans lesquelles la puissance publique détient des participations majoritaires. D’autre part, il convient de rechercher si et, le cas échéant, dans quelles conditions, l’exécution de mesures de sûreté peut, compte tenu de l’ordre public, être refusée.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

3.

Le cadre de droit primaire de l’affaire est déterminé pour l’essentiel par les articles 81 CE et 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) ( 3 ), alors que le cadre de droit dérivé est donné par les articles 1er, 22, 34 et 35 du règlement no 44/2001.

4.

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 en définit ainsi le champ d’application matériel:

«Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.»

5.

La section 6 du chapitre II du règlement no 44/2001 prévoit certaines compétences exclusives. Son article 22 se lit ainsi:

«Sont seuls compétents, sans considération de domicile:

[…]

2)

en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un État membre, ou de validité des décisions de leurs organes, les tribunaux de cet État membre […]»

6.

L’article 34 du règlement no 44/2001 régit la reconnaissance des décisions d’autres États membres et se lit ainsi (extraits):

«Une décision n’est pas reconnue si:

1)

la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis;

[…]»

7.

L’article 35, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, pertinent lui aussi en ce qui concerne la reconnaissance, dispose ce qui suit:

«De même, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues […]»

B – Droit letton

8.

Les dispositions applicables à la présente affaire sont, notamment, la loi sur l’aéronautique (Likums «Par aviāciju») et ses dispositions d’application.

9.

Aux termes de la loi sur l’aéronautique lettone, les exploitants d’aéronefs payent des redevances pour, entre autres, l’utilisation des aéroports.

10.

Divers décrets fondés sur cette loi prévoyaient, pendant la période litigieuse, que les entreprises de transport qui atterrissent à l’aéroport de Riga (Lettonie) ou qui en décollent pouvaient bénéficier de redevances réduites. Le montant de celles-ci était déterminé par le nombre de passagers partant de Riga transportés par l’entreprise pendant une année.

III – Les faits de l’affaire au principal et les questions préjudicielles

11.

La société AS flyLAL-Lithuanian Airlines (ci-après «flyLAL») est une entreprise de transport aérien lituanienne, entre-temps tombée en liquidation, qui s’est sentie désavantagée sur le marché des prestations de services de transport aérien par rapport à un concurrent, l’entreprise de transport aérien lettone AS «Air Baltic Corporation» (ci-après «Air Baltic»). FlyLAL estimait, en particulier, qu’elle avait subi des préjudices économiques en Lettonie et en Lituanie en raison d’une situation concurrentielle déloyale.

12.

En 2008, flyLAL a donc assigné Air Baltic et VAS «Starptautiskā lidosta ‘Rīga’» (ci-après «Lidosta ‘Rīga’»), société anonyme détenue par la puissance publique qui gère l’aéroport de Riga, devant le Vilniaus apygardos teismas (tribunal régional de Vilnius, Lituanie), réclamant, entre autres, des dommages et intérêts d’un montant de 199 830 000 litas lituaniens (LTL) ( 4 ). La partie requérante fondait son recours sur des violations du droit de la concurrence de l’Union. Elle faisait valoir, en substance, qu’Air Baltic avait abusé de sa position dominante dans le cadre de la politique de réduction des redevances aéroportuaires lettone. Les réductions de redevances accordées en Lettonie auraient, entre autres, donné à Air Baltic la possibilité de pratiquer des prix de dumping sur l’aéroport de Vilnius. De plus, il convenait de qualifier l’octroi planifié de réduction des redevances aéroportuaires d’entente interdite entre les parties défenderesses.

13.

Avant de rendre un arrêt final dans la procédure au principal, le Lietuvos apeliacinis teismas (Cour d’appel de Lituanie) a ordonné, par arrêt du 31 décembre 2008, la mise sous séquestre provisoire des biens d’Air Baltic et de Lidosta «Rīga» à hauteur de la somme réclamée (ci‑après les «mesures provisoires et conservatoires»).

14.

FlyLAL a demandé ensuite à la Rīgas pilsētas Vidzemes priekšpilsētas tiesa (tribunal de l’arrondissement de Vidzeme de la ville de Riga, Lettonie) la reconnaissance de l’arrêt du 31 décembre 2008 et son exécution en Lettonie. Cette demande a été accueillie pour l’essentiel en première instance par une décision du 19 janvier 2012, qui reconnaissait ainsi l’arrêt du 31 décembre 2008 et le déclarait exécutoire en Lettonie.

15.

C’est désormais à la juridiction de renvoi, l’Augstākās Tiesas Senāts (Sénat de la Cour suprême, Lettonie) qu’il appartient de se prononcer sur la reconnaissance et l’exécution en République de Lettonie de l’arrêt du 31 décembre 2008.

16.

Premièrement, la juridiction de renvoi se demande si l’action en indemnisation lituanienne – et, précisément, l’arrêt du 31 décembre 2008 – est une affaire en matière civile et commerciale au sens de l’article 1er du règlement no 44/2001. Deuxièmement, s’il s’avérait que c’est le cas, il conviendrait de rechercher si une compétence exclusive des juridictions lettones pour connaître de l’action en indemnisation n’aurait pas déjà dû être reconnue en vertu de l’article 22 du règlement no 44/2001. Troisièmement, dans cette hypothèse, se poserait une autre question, celle de savoir si l’Augstākās Tiesas Senāts devait, en application de l’article 35, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, refuser de reconnaître l’arrêt du 31 décembre 2008 en raison de la violation de l’article 22 du même règlement. Quatrièmement, l’Augstākās Tiesas Senāts se demande si la reconnaissance de la décision litigieuse était conforme à l’ordre public de la République de Lettonie au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 44/2001. D’une part, l’arrêt du 31 décembre 2008 ne comporte que des explications sommaires sur le calcul de la somme réclamée, qui est considérable. D’autre part, étant donné que, dans l’intervalle, une procédure de liquidation du patrimoine de la requérante lituanienne a été ouverte, les parties défenderesses n’auraient aucune chance réaliste d’obtenir la compensation du préjudice que leur auraient causé les mesures provisoires et conservatoires. Il pourrait en résulter, pour la République de Lettonie, qui détient respectivement 100 et 52,6 % des actions des parties défenderesses, un préjudice considérable qui affecterait les intérêts économiques de l’État et menacerait sa sécurité.

17.

C’est dans ce contexte que l’Augstākās Tiesas Senāts a suspendu la procédure et saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Une affaire dans laquelle une partie requérante demande l’indemnisation de préjudices et la reconnaissance du caractère illégal du comportement des parties défenderesses, en liaison avec un accord interdit et un abus de position dominante et fondé sur l’application d’actes réglementaires de portée générale d’un autre État membre, doit‑elle être considérée comme une affaire civile ou commerciale, considération prise du fait que l’accord interdit était nul et non avenu au moment où il a été conclu, mais aussi de la circonstance que l’adoption d’actes réglementaires est une activité exercée par l’État dans le domaine du droit public (acta iure imperii), à laquelle s’applique l’immunité juridictionnelle de l’État à l’égard des juridictions d’un autre État?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question (l’affaire est civile ou commerciale au sens du règlement [no 44/2001]), l’action ‘en indemnisation’ doit-elle être considérée comme une procédure ayant pour objet la validité des décisions des organes de sociétés au sens de l’article 22, paragraphe 2, dudit règlement, ce qui permet de ne pas reconnaître une décision en vertu de son article 35, paragraphe 1?

3)

Si l’objet du recours en indemnisation ressortit au champ d’application de l’article 22 (Compétences exclusives), paragraphe 2, du règlement, la juridiction de l’État de reconnaissance est-elle tenue...

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