Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) v Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'immigration.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:789
Date29 November 2011
Celex Number62010CC0606
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑606/10
62010CC0606

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 29 novembre 2011 ( 1 )

Affaire C-606/10

Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers

(ANAFE)

contre

Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

[demande de décision préjudicielleformée par le Conseil d’État (France)]

«Règlement (CE) no 562/2006 — Code frontières Schengen — Article 13 — Refus d’entrée — Article 5 — Conditions d’entrée dans l’espace Schengen des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa — Circulaire ministérielle — Retour des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa et titulaires d’un titre temporaire de séjour — Visa de retour — Transit pour les ressortissants des pays tiers — Sécurité juridique — Protection de la confiance légitime»

1.

La présente demande de décision préjudicielle du Conseil d’État (France) porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ( 2 ). La juridiction de renvoi demande en substance de clarifier le contenu et le champ d’application des dispositions dudit code en ce qui concerne, d’une part, le refus d’entrée des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa et, d’autre part, l’octroi du visa de retour aux ressortissants de pays tiers.

I – Droit applicable

A – Droit de l’Union

1. Code frontières Schengen ( 3 )

2.

L’article 2 du code frontières Schengen (ci-après le «CFS») est libellé comme suit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

15)

‘titre de séjour’:

a)

tous les titres de séjour délivrés par les États membres selon le format uniforme prévu par le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers;

b)

tous les autres documents délivrés par un État membre aux ressortissants de pays tiers et leur autorisant le séjour ou le retour sur son territoire, à l’exception des titres temporaires délivrés au cours de l’examen d’une première demande de titre de séjour tel que visé au point a) ou au cours de l’examen d’une demande d’asile;

[…]»

3.

L’article 3 du CFS, intitulé «Champ d’application», énonce:

«Le présent règlement s’applique à toute personne franchissant la frontière intérieure ou extérieure d’un État membre, sans préjudice:

a)

des droits des personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation;

b)

des droits des réfugiés et des personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concerne le non-refoulement.»

4.

L’article 5, intitulé «Conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers», énonce:

«1. Pour un séjour n’excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes:

a)

être en possession d’un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière;

b)

être en possession d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, sauf s’ils sont titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa de long séjour en cours de validité;

[…]

[…]

4. Par dérogation au paragraphe 1,

a) les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions visées au paragraphe 1, mais qui sont titulaires d’un titre de séjour, d’un visa de long séjour ou d’un visa de retour délivré par l’un des États membres ou, lorsque cela est requis, de ces deux documents, se voient autorisés à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres États membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l’État membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour, sauf s’ils figurent sur la liste nationale de signalements de l’État membre aux frontières extérieures duquel ils se présentent et si ce signalement est assorti d’instructions quant à l’interdiction d’entrée ou de transit;

b) les ressortissants de pays tiers qui remplissent les conditions d’entrée énoncées au paragraphe 1, à l’exception du point b), et qui se présentent à la frontière peuvent être autorisés à entrer sur le territoire des États membres si un visa est délivré à la frontière conformément au règlement (CE) no 415/2003 du Conseil du 27 février 2003 relatif à la délivrance de visas à la frontière, y compris aux marins en transit.

[…]

c) les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs conditions énoncées au paragraphe 1 peuvent être autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales. Lorsque le ressortissant de pays tiers concerné fait l’objet d’un signalement visé au paragraphe 1, point d), l’État membre qui autorise son entrée sur son territoire en informe les autres États membres. […]»

5.

L’article 13 du même règlement, intitulé «Refus d’entrée», dispose:

«1. L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée, telles qu’énoncées à l’article 5, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 5, paragraphe 4. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.»

B – Droit national

6.

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en son article L. 311-4:

«La détention d’un récépissé d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour, d’un récépissé d’une demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l’étranger en France, sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour [...]»

II – Les faits, la procédure devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles

7.

L’objet de la procédure au principal est une circulaire ministérielle du 21 septembre 2009 fixant les conditions pour l’entrée dans l’espace Schengen de ressortissants des pays tiers qui disposent d’une autorisation de séjour provisoire ou d’un récépissé d’une demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour établi par les autorités françaises. À cet égard, la circulaire prévoit notamment que les ressortissants des pays tiers soumis à l’obligation de visa n’ayant quitté le territoire français qu’avec un récépissé de première demande de titre de séjour ou d’une demande d’asile et/ou avec uniquement une autorisation de séjour provisoire délivrée dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile ne peuvent revenir dans l’espace Schengen qu’en disposant d’un visa émis par les autorités consulaires ou, dans des cas exceptionnels, par les autorités préfectorales. Selon cette circulaire, le visa de retour émis par les services préfectoraux ne permet de franchir les frontières extérieures de l’espace Schengen qu’aux seuls points situés sur le territoire français.

8.

L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) a formé un recours tendant à l’annulation de cette circulaire en tant qu’elle prescrivait de refuser le retour sur le territoire français des titulaires de récépissés de première demande de titre de séjour et de demande d’asile. Elle considère que la circulaire ne se limite pas à tirer des conséquences du code frontières Schengen, mais étendrait plutôt les dispositions de celui-ci. Par ailleurs, ce code violerait le principe de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce sens qu’il serait directement applicable, bien que les ressortissants des pays tiers qui auraient quitté le territoire avec un titre temporaire de séjour avant l’adoption de cette circulaire ministérielle étaient en droit de s’attendre à être autorisés à revenir sur le territoire français en raison de l’interprétation de l’article L. 311-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui était en vigueur à cette date.

9.

La juridiction de renvoi a conclu que l’appréciation de ce recours soulevait des questions relatives à l’interprétation et à l’application du code frontières Schengen n’ayant pas encore eu de réponses à ce jour. Dans ce contexte, elle a suspendu la procédure et a soumis à la Cour les présentes questions préjudicielles:

«1)

L’article 13 du règlement [no 562/2006] s’applique-t-il au retour d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire d’un État membre qui a délivré à ce dernier un titre temporaire de séjour lorsque le retour sur son territoire ne nécessite ni entrée, ni transit, ni séjour sur le territoire des autres États membres?

2)

Dans quelles conditions un État membre peut-il délivrer à des ressortissants de pays tiers un ‘visa de retour’ au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), du même règlement? En particulier, un tel visa peut-il limiter l’entrée aux seuls points du territoire national?

3)

Dans la mesure où le règlement [no 562/2006] exclurait toute possibilité d’entrée sur le territoire des États membres aux ressortissants de pays tiers qui ne sont titulaires que d’un titre...

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