Criminal proceedings against Ivo Taricco and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:555
Date08 September 2015
Celex Number62014CJ0105
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-105/14
62014CJ0105

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Procédure pénale concernant des délits en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) — Article 325 TFUE — Législation nationale prévoyant des délais de prescription absolus pouvant entraîner l’impunité des délits — Atteinte potentielle aux intérêts financiers de l’Union européenne — Obligation, pour le juge national, de laisser inappliquée toute disposition de droit interne susceptible de porter atteinte aux obligations mises à charge des États membres par le droit de l’Union»

Dans l’affaire C‑105/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Cuneo (Italie), par décision du 17 janvier 2014, parvenue à la Cour le 5 mars 2014, dans la procédure pénale contre

Ivo Taricco,

Ezio Filippi,

Isabella Leonetti,

Nicola Spagnolo,

Davide Salvoni,

Flavio Spaccavento,

Goranco Anakiev,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. L. Bay Larsen, T. von Danwitz et J.‑C. Bonichot, présidents de chambre, MM. A. Arabadjiev, M. Safjan, D. Šváby, Mmes M. Berger (rapporteur), A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mars 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Anakiev, par Me L. Sani, avvocato,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. M. Salvatorelli et L. Ventrella, avvocati dello Stato,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. P. Rossi et R. Lyal, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE ainsi que de l’article 158 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre MM. Taricco, Filippi, Mme Leonetti, MM. Spagnolo, Salvoni, Spaccavento et Anakiev (ci‑après, ensemble, les «accusés») du chef d’avoir formé et organisé une association en vue de commettre différents délits en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 325 TFUE prévoit:

«1. L’Union et les États membres combattent la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures prises conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent une protection effective dans les États membres, ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union.

2. Les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers.

[...]»

La convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes

4

Aux termes du préambule de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 26 juillet 1995 (JO C 316, p. 48, ci‑après la «convention PIF»), les parties contractantes à cette convention, États membres de l’Union européenne, sont convaincues «que la protection des intérêts financiers des Communautés européennes exige que tout comportement frauduleux portant atteinte aux intérêts en question donne lieu à des poursuites pénales» et «de la nécessité d’ériger ces comportements en infractions pénales passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, sans préjudice de l’application d’autres sanctions dans certains cas appropriés, et de prévoir, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté».

5

L’article 1er, paragraphe 1, de la convention PIF dispose:

«Aux fins de la présente convention, est constitutif d’une fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes:

[...]

b)

en matière de recettes, tout acte ou omission intentionnel relatif:

à l’utilisation ou à la présentation de déclarations ou de documents faux, inexacts ou incomplets, ayant pour effet la diminution illégale de ressources du budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes ou pour leur compte,

[...]»

6

L’article 2, paragraphe 1, de cette convention prévoit:

«Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les comportements visés à l’article 1er, ainsi que la complicité, l’instigation ou la tentative relatives aux comportements visés à l’article 1er paragraphe 1, sont passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, incluant au moins dans le cas de fraude grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l’extradition, étant entendu que doit être considérée comme fraude grave toute fraude portant sur un montant minimal à fixer dans chaque État membre. Ce montant minimal ne peut pas être fixé à plus de 50000 [euros].»

La directive 2006/112

7

L’article 131 de la directive 2006/112 dispose:

«Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 [du titre IX de la directive 2006/112] s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.»

8

L’article 138, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.»

9

L’article 158 de ladite directive dispose:

«1. [...] les États membres peuvent prévoir un régime d’entrepôt autre que douanier dans les cas suivants:

a)

lorsque les biens sont destinés à des comptoirs de ventes hors taxes [...]

[...]

2. Lorsqu’ils font usage de la faculté de l’exonération prévue au paragraphe 1, point a), les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer l’application correcte et simple de cette exonération et prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.

[...]»

La décision 2007/436/CE

10

L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 163, p. 17), est rédigé comme suit:

«Constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union européenne, les recettes provenant:

[...]

b)

[...] de l’application d’un taux uniforme valable pour tous les États membres à l’assiette harmonisée de la TVA, déterminée selon les règles de la Communauté. [...]»

Le droit italien

11

L’article 157 du code pénal, tel que modifié par la loi no 251, du 5 décembre 2005 (GURI no 285, du 7 décembre 2005, ci‑après le «code pénal»), portant sur la prescription en matière pénale, prévoit:

«Le délit est prescrit à l’expiration du délai correspondant au maximum de la peine prévue par la loi et, en tout état de cause, d’une période qui ne peut être inférieure à six ans s’il s’agit d’un délit et de quatre ans s’il s’agit d’une contravention, même si celles‑ci ne sont punies que d’une amende.

[...]»

12

L’article 158 de ce code fixe le point de départ du délai de prescription comme suit:

«S’agissant d’une infraction consommée, le délai de prescription court à compter du jour où elle a été commise; pour la tentative d’infraction, à compter du jour de la cessation de l’activité de l’auteur; pour l’infraction permanente, à compter du jour où l’infraction cesse d’être permanente.

[...]»

13

Aux termes de l’article 159 dudit code, relatif aux règles concernant la suspension de la prescription:

«La prescription est suspendue dans tous les cas où la suspension de la procédure, du procès pénal ou du délai prévu pour la détention provisoire est prévue par une disposition législative spéciale, ainsi que dans les cas suivants:

1)

autorisation des poursuites;

2)

transfert de l’affaire à une autre juridiction;

3)

suspension de la procédure ou du procès pénal pour des raisons d’empêchement des parties et des avocats, ou sur demande de l’accusé ou de son avocat. [...]

[...]

La prescription recommence à courir à compter du jour où la cause de suspension a disparu.»

14

L’article 160 du même code, régissant l’interruption de la prescription, dispose:

«La prescription est interrompue par le jugement ou l’ordonnance de condamnation.

Les ordonnances portant application de mesures provisoires personnelles [...] [et] l’ordonnance de fixation de l’audience préliminaire [...] interrompent également la prescription.

Lorsqu’elle a été interrompue, la prescription...

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