Landwirtschaftskammer Niedersachsen

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:415
Date15 May 2019
Celex Number62018CC0378
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-378/18

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 15 mai 2019 (1)

Affaire C‑378/18

Landwirtschaftskammer Niedersachsen

contre

Reinhard Westphal

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Régimes d’aides communautaires – Paiements à la surface – Répétition de l’indu – Sanctions – Prescription – Point de départ – Application éventuelle des règles relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union »






1. Un agriculteur allemand a demandé, respectivement en 2001 et 2002, des aides au titre du règlement (CE) nº 1251/1999 (2), pour des surfaces agricoles. Il a reçu les paiements correspondants plusieurs mois après ses demandes respectives, mais, en 2006, la Landwirtschaftskammer Niedersachsen [chambre d’agriculture de Basse-Saxe (Allemagne) ; ci-après la « chambre d’agriculture »] a considéré que cet agriculteur avait déclaré de manière incorrecte l’étendue de ses parcelles, et a donc décidé, à titre de sanction appropriée vis-à-vis de ce comportement, la suppression totale des aides.

2. Le litige devant les juridictions allemandes s’est cristallisé sur la question du délai de prescription applicable aux faits concernés, qui est liée à la prétendue rétroactivité in melius de certaines règles du droit de l’Union qui auraient instauré un régime de sanctions plus favorable.

I. Cadre juridique

A. Dispositions de la politique agricole commune

1. Règlement (CEE) nº 3887/92

3. L’article 9, paragraphe 2, du règlement nº 3887/92 (3), dispose :

« 2. Lorsqu’il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d’aides “surfaces” dépasse la superficie déterminée, le montant de l’aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée de deux fois l’excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou 2 hectares et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée.

Au cas où l’excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n’est octroyée.

[…]

Aux fins du présent article, on entend par “superficie déterminée”, celle pour laquelle toutes les conditions réglementaires ont été respectées […] ».

2. Le règlement (CE) nº 2419/2001

4. L’article 32, paragraphe 1, du règlement nº 2419/2001 (4) , prévoit que :

« 1. Lorsque, pour un groupe de cultures, la superficie déclarée dépasse la superficie déterminée conformément à l’article 31, paragraphe 2 [(5)], le montant de l’aide est calculé sur la base de la superficie déterminée, réduite du double de la différence constatée, si celle-ci dépasse 3 % ou deux hectares, mais n’excède pas 20 % de la superficie déterminée.

Lorsque la différence constatée excède 20 % de la superficie déterminée, aucune aide “surfaces” n’est octroyée pour le groupe de cultures considéré ».

5. L’article 49 (« Répétition de l’indu ») dispose :

« 1. En cas de paiement indu, l’exploitant rembourse les montants en cause, majorés d’intérêts calculés conformément au paragraphe 3.

[…]

5. L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si plus de dix ans se sont écoulés entre la date du paiement de l’aide et celui de la première notification au bénéficiaire, par l’autorité compétente, du caractère indu du paiement reçu.

Toutefois, la période visée au premier alinéa est limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi.

6. Les montants à récupérer en vertu de l’application des réductions et exclusions prévues à l’article 13 et au titre IV sont soumis à un délai de prescription de quatre ans.

[...] »

6. L’article 52 bis, intitulé « Prescription relative aux demandes d’aide concernant les campagnes et les périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2002 », ajouté par l’article 1er, point 13, du règlement (CE) nº 118/2004 (6), énonce que :

« Par dérogation à l’article 54, paragraphe 2, et sans préjuger des règles plus favorables en matière de prescription édictées par les États membres, l’article 49, paragraphe 5, s’applique aussi pour les demandes d’aides concernant les campagnes et les périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2002, sauf dans le cas où le bénéficiaire a déjà été informé par l’autorité compétente du caractère indu du paiement concerné avant le 1er février 2004 ».

7. Bien que l’article 80, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 796/2004 (7) ait abrogé le règlement nº 2419/2001, les règles relatives à la prescription ont été conservées dans l’article 73, paragraphes 1, 5 et 6 du règlement nº 796/2004, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2010, par l’article 86, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1122/2009 (8). Ce dernier a été à son tour remplacé par le règlement (UE) nº 640/2014 (9), en vigueur depuis le 1er janvier 2015.

B. Dispositions relatives à la protection des intérêts financiers de l’Union. Règlement (CE, EURATOM) nº 2988/95

8. La règlementation qui régit la lutte contre la fraude, en vue de protéger les intérêts financiers de l’Union, figure dans le règlement (CE, EURATOM) nº 2988/95 (10), de nature générale, qui supplée les règles sectorielles, en particulier dans le domaine de l’agriculture.

9. Le considérant 9 énonce que :

« Considérant que les mesures et les sanctions communautaires prises dans le cadre de la réalisation des objectifs de la politique agricole commune font partie intégrante des régimes d’aides ; qu’elles ont une finalité propre […] : que leur efficacité doit être assurée par l’effet immédiat de la norme communautaire […] ».

10. L’article 1er, paragraphe 2, compris dans le titre I (« Principes généraux »), dispose :

« 2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit [de l’Union] résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général [de l’Union] ou à des budgets gérés par [celle]-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte [de l’Union], soit par une dépense indue ».

11. En vertu de l’article 2, paragraphe 2 :

« 2. Aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu’un acte communautaire antérieur à l’irrégularité ne l’a pas instaurée. En cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s’appliquent rétroactivement ».

12. L’article 3 prévoit que :

« 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er, paragraphe 1. […]

Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l’irrégularité a pris fin.

[…]

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif.

[…]

2. Le délai d’exécution de la décision prononçant la sanction administrative est de trois ans. […]

Les cas d’interruption et de suspension sont réglés par les dispositions pertinentes du droit national.

3. Les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2 ».

II. Les faits et le litige au principal

13. J’exposerai les faits tels qu’ils sont énoncés dans l’ordonnance de renvoi (dont je reprendrai littéralement certains passages), non sans signaler le relatif manque de clarté qui se dégage de certains d’entre eux.

14. M. Westphal, agriculteur, a introduit, respectivement en mai 2000 et mai 2001 (11), au titre des campagnes de commercialisation correspondantes, des demandes de paiements à la surface en vertu du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables.

15. La chambre d’agriculture a accordé les paiements et procédé aux versements l’année même du dépôt de chacune des demandes (12).

16. « Au cours d’un contrôle sur place [le 12] janvier 2006, [la chambre d’agriculture] a constaté des irrégularités dans les données relatives aux terres gelées. Après avoir entendu [M. Westphal], elle a [partiellement annulé, par décision du 23 juillet 2007, les aides] relatives aux années 2000 et 2001, et elle a exigé le remboursement des trop-perçus. Pour en calculer le montant, elle est partie du principe que la sanction applicable, en cas de surdéclaration des [superficies mises en jachère], consistait à considérer qu’aucune aide n’aurait dû être octroyée » (13).

17. M. Westphal a introduit un recours contre cette décision. « En appel, il a consenti au retrait des autorisations et aux remboursements, pour autant qu’ils n’étaient pas exigés à titre de sanction. […] S’agissant du montant restant à rembourser, exigé à titre de sanction, la juridiction d’appel a annulé la décision du 23 juillet 2007 » (14).

18. La juridiction d’appel a justifié sa décision par les motifs suivants (15) :

– Les conditions matérielles pour infliger la sanction prévue à l’article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 3887/92, étaient remplies. Pour les deux années concernées, l’écart entre la superficie mise en jachère déclarée et celle effectivement déterminée s’élevait à plus de 20 % de cette dernière.

– Toutefois, la sanction était prescrite.

– Le principe de l’application rétroactive de la réglementation répressive la moins sévère (article 2, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement nº 2988/95) exigeait l’application des règles de prescription de l’article 49, paragraphes 5 et 6, du règlement nº 2419/2001.

– En vertu de ces règles, la sanction était prescrite, car plus de quatre ans s’étaient écoulés entre les dates...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Landwirtschaftskammer Niedersachsen v Reinhard Westphal.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 October 2019
    ...à certains régimes d’aides communautaires – Répétition de l’indu – Application de la règle de prescription plus douce » Dans l’affaire C‑378/18, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administra......
1 cases
  • Landwirtschaftskammer Niedersachsen v Reinhard Westphal.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 October 2019
    ...à certains régimes d’aides communautaires – Répétition de l’indu – Application de la règle de prescription plus douce » Dans l’affaire C‑378/18, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administra......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT